Cour d'appel de Bruxelles - Article 374 du Code civil
Cour d'appel de Bruxelles - Article 374 du Code civil
Présentation des faits1
Madame A et Monsieur B ont cohabité pendant quatre ans et demi ensemble et ont deux enfants communs.
Les enfants ont la double nationalité belgo-italienne. Ils parlent en italien avec leur maman et en français avec leur papa. Tandis que Monsieur est belge, Madame est italienne.
Madame et Monsieur se sont séparés et se sont accordés pour que Monsieur ait un hébergement secondaire et Madame un hébergement principal des enfants.
Ensuite, Madame s’est vue proposer un poste de chef à Rome. Madame a accepté ledit poste et doit donc s’installer à Rome.
Madame A a demandé au Tribunal que les enfants soient hébergés avec elle à Rome. Le juge a autorisé Madame A à s’installer avec les deux enfants à Rome. Monsieur garde, quant à lui, un hébergement secondaire.
Monsieur B a fait appel de cette décision et demande à la Cour de réformer le jugement entrepris et de lui confier l’hébergement principal des enfants.
Décision de la Cour d’appel
La Cour rappelle qu’un des besoins prioritaires d’un enfant est de pouvoir entretenir une relation privilégiée avec chacun de ses parents.
La Cour constate qu’il ne peut pas être interdit à Madame A de retourner s’installer en Italie alors qu’elle est originaire de ce pays et qu’elle souhaite exercer une fonction proposée par son employeur.
Toutefois, la Cour précise que pour déterminer s’il faut ou non confier l’hébergement principal à la mère, il y a lieu de vérifier si la décision d’éloignement de Madame A a été prise de manière égoïste, à savoir, sans tenir compte de l’intérêt des enfants.
La Cour considère que le choix fait par Madame est un choix légitime et raisonnable.
En outre, les enfants sont très jeunes de sorte qu’ils doivent garder une proximité avec leur mère. Le juge constate que les enfants parlent italien, ont des attaches affectives dans ce pays et connaissent l’Italie.
Au regard de ce qui précède, le juge considère qu’il y a lieu de confirmer le premier jugement et autoriser Madame A à s’installer à Rome avec les deux enfants. Monsieur aura, quant à lui, un hébergement secondaire des enfants.
Bon à savoir
Le juge privilégie l'hébergement égalitaire du ou des enfants entre les parents. Cela étant, il existe des circonstances dites exceptionnelles dans lesquelles le juge peut prévoir un autre modèle d'hébergement en motivant sa décision.2
A cet égard, le législateur n'a pas déterminé quelles sont les circonstances dites exceptionnelles, laissant ainsi le juge user de son pouvoir d'appréciation. Néanmoins, les travaux préparatoires de la loi3 citent de manière non-exhaustive des circonstances dites exceptionnelles. Cette liste reprend, notamment, l'éloignement géographique significatif des parents.
En effet, l'hébergement égalitaire n'est peu ou pas envisageable lorsque les parents résident à des endroits géographiquement éloignés.
Par conséquent, les débats et les critères pris en compte par le juge pour déterminer l'hébergement d'enfants dont les parents sont éloignés géographiquement variera considérablement des débats ordinaires relatifs à l'hébergement des enfants ne se trouvant pas dans cette situation.4
Pour déterminer à quel parent sera confié l'hébergement principal de l'enfant, le juge aura égard à un certain nombre de facteurs et de critères spécifiques à la situation.
En tout état de cause, le tribunal devra examiner si le choix fait par l'un des parents de s'éloigner du lieu de vie habituel de l'enfant n’est pas contraire à l’intérêt de ce dernier.5
En outre, le juge vérifiera si la décision d’éloignement du parent avec les enfants a été prise de manière égoïste, à savoir, sans tenir compte de l’intérêt des enfants.
Après avoir vérifié la légitimité et le fondement de la demande d'expatriation, le juge est amené à vérifier la qualité de ce projet.6 Il s'agit, pour le juge, d'examiner si le parent qui s'expatrie a préparé son projet en envisageant, notamment, les éléments suivants : la profession du parent à l'étranger, l'hébergement du parent à l'étranger, le choix d'école de l'enfant ; la poursuite des activités parascolaires de l'enfant, etc.7
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles (vac.) n° 2009/JR/152, 26 août 2009, Act. dr. fam. 2014 (reflet), liv. 5, 106, note OMRANI, F.
2. Loi du 18 juillet 2006 tendant à privilégier l'hébergement égalitaire de l'enfant dont les parents sont séparés et réglementant l'exécution forcée en matière d'hébergement d'enfant, M.B., 4 septembre 2006, p. 43971.
3. Doc. parl. Chambre, 2004-2005, 1673/014, p. 17.
4. N. MASSAGER, Droit familial de l'enfance : filiation, autorité parentale, hébergement, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 559 et suivantes.
5. Civ. Nivelles, (jeun.), 7 juin 2010, R.G. n° 342.C.2009/5A.
6. Civ. Bruxelles, 3 mars 2006, R.G. n° 05/1539/C.
7. OMRANI, F., L’expatriation dans la famille désunie: quel est le sort de l’enfant? Chronique de jurisprudence (2007-2013), Act. dr. fam. 2014, liv. 5, 106-147.