La transmission des actions en garantie en cas de vente de l'immeuble
La transmission des actions en garantie en cas de vente de l'immeuble
Lorsqu'une personne est propriétaire d'un immeuble, elle dispose, en principe du droit d'aliéner cet immeuble, que ce soit à titre gratuit ou onéreux.
L'acquéreur de cet immeuble va dès lors bénéficier non seulement du droit de propriété sur l'immeuble mais également d'un certain nombre de prérogatives connexes, qu'il acquiert par le simple fait d'être le nouveau titulaire du droit de propriété.
Le transfert de ses prérogatives s'explique par le fait qu'il s'agit de droits qui sont intrinsèquement liés à la qualité de propriétaire du vendeur et qui ne présentent d'intérêt pour lui que tant qu'il est propriétaire de l'immeuble. Par conséquent, ils seront transmis à l'acquéreur en même temps que la propriété de l'immeuble auxquelles ils se rattachent 1. Ces droits sont qualifiés de droits propter rem 2.
L'acquéreur bénéficiera donc de l'action en responsabilité contractuelle que le vendeur, maître de l'ouvrage ayant fait construire l'immeuble, détient pendant dix ans contre l'architecte et l'entrepreneur du chef de malfaçons et vices de constructions 3. L'acquéreur d'un immeuble peut dès lors intenter contre ces derniers l'action en garantie décennale qui lui a été transmise automatiquement par le vendeur 4. Il en est de même en ce qui concerne l'action pour vices cachés véniels.
A cet égard, la vente de l'immeuble par le maître de l'ouvrage avant la réception n'emporte pas agréation de l'ouvrage ni du vice apparent ou semi-apparent le jour de la vente et ne décharge pas les architectes et entrepreneurs de leurs responsabilités 5.
Par ailleurs, le transfert à l'acquéreur successif des actions contre l'entrepreneur ou l'architecte a lieu quand bien même le contrat de vente contiendrait une clause d'exclusion par le vendeur de toute garantie 6.
L'acquéreur ne peut cependant agir contre l'entrepreneur ou contre l'architecte que pour exercer les actions que le vendeur était en droit d'introduire contre eux et dans le respect des délais de prescriptions. En outre, l'architecte et l'entrepreneur conserveront à l'égard de l'acheteur les droits et exceptions qu'ils pouvaient faire valoir à l'encontre du vendeur 7.
Précisons également que si la vente intervient alors que le maître de l'ouvrage a déjà intenté un procès contre l'architecte et l'entrepreneur en vue d'obtenir l'application de la garantie décennale, l'action en garantie reste dans le patrimoine du maître de l'ouvrage, à moins qu'une clause expresse de l'acte de vente ne prévoie la cession de l'action en garantie à l'acheteur 8.
Outre l'action en responsabilité décennale, la garantie des vices cachés est également transmise aux acquéreurs successifs. Par conséquent, si un bien affecté d'un vice caché fait l'objet de ventes successives, le propriétaire final pourra introduire l'action en garantie des vices cachés tant contre son vendeur que contre les vendeurs antérieurs 9 pour autant que le vice présente un caractère caché lors de chacune des différentes aliénations 10.
L'action en garantie des vices cachés de l'entrepreneur contre son fournisseur est également transmise au maître de l'ouvrage et aux acquéreurs successifs 11. Cela s'explique par le fait que le droit à garantie contre les vices cachés est un accessoire de la chose qui se transmet avec la chose et ce, même si elle est incorporée dans un ouvrage.
Toutefois, les articles 1641 et suivants du Code civil relatifs à la garantie des vices cachés ne s'appliquent pas au rapport entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur ou entre le maître de l'ouvrage et le sous-traitant 12. Le maître de l'ouvrage ne peut donc agir sur la base des articles 1641 et suivants qu'à l'égard du fournisseur de l'entrepreneur et des fournisseurs successifs 13.
Sont également considérés comme des droits propter rem, se transmettant avec la propriété de la chose à laquelle ils se rattachent : le droit de réclamer la délivrance d'une chose conforme à celle prévue dans le contrat, le droit de se prévaloir de la garantie d'éviction du fait personnel et de la garantie d'éviction du fait des tiers 14 ainsi que le droit de demander que soient fixées la limite séparative entre deux propriétés et la limite des concessions de jouissance par la commune 15.
Par contre, la transmission au maître de l'ouvrage de l'action contractuelle que l'entrepreneur principale détient à l'égard du sous-traitant n'est pas admise en jurisprudence 16. La Cour constitutionnelle a, en effet, considéré que la situation du sous-traitant et celle du maître de l'ouvrage étant fondamentalement différente, il n'y avait pas lieu de prévoir une action directe en faveur du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant 17.
Les parties peuvent toutefois prévoir, dans le contrat d'entreprise, une clause explicite accordant au maitre de l'ouvrage le bénéfice de la transmission de l'action de l'entrepreneur contre le sous-traitant. A défaut, le maître de l'ouvrage sera privé d'une action en responsabilité contractuelle contre le sous-traitant 18.
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1. M. Noel, » La transmission du droit à la garantie des vices cachés de l'entrepreneur au maître de l'ouvrage. Commentaire de l'arrêt prononcé par la Cour de cassation le 18 mai 2006 » R.G.D.C., 2009/2, p. 91.
2. D. Patart, « La transmission des droits et actions propter rem lors du transfert de l'immeuble auquel ils se rapportent », Rec. gén. enr. not., 2000, p. 251.
3. Comm. Bruxelles, 11 juin 2007, R.W., 2008-209, p. 1612.
4. Bruxelles, 15 février 1988, R.G.D.C., 1988, p. 309.
5. A. Delvaux et Cie, Le contrat d'entreprise, Chronique de jurisprudence 2001-2011, Larcier, Bruxelles, 2012, p. 272.
6. Bruxelles, 9 mai 2003, Entr. et dr., 2009, p. 81.
7. Cass., 29 février 2008, Pas., 2008, p. 587.
8. Cass., 15 septembre 1989, Pas., 1990, I, p. 65.
9. H. De Page et A. Meinertzhagen-Limpens, Traité élémentaire de droit civil belge, t. IV, 4e éd., Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 299.
10. J. H. Herbots « L'affinage du principe de la transmission automatique des droits propter rem du maître de l'ouvrage à l'acquéreur de l'immeuble », note sous Cass., 15 septembre 1989, R.C.J.B., 1992, p. 515..
11. Mons, 15 septembre 2003, J.L.M.B., 2004, p. 992.
12. Cass., 15 septembre 2011, R.G. n°C.10.0456.N, www.cass.be
13. Cass., 18 mai 2006, Arr. Cass., 2006/ 5, p. 1118.
14. S. Bar et C. Alter, « Les effets du contrat », Obligations. Commentaire pratique, Bruxelles, Kluwer, 2005, p.II.1.7 – 80a.
15. Liège, 13 février 2006, J.L.M.B. 2006, p. 844.
16. E. Montero, « L'article 1798 du code civil et l'action directe du maître de l'ouvrage contre le sous-traitant », J.L.M.B., 2007/5, p. 186.
17. C.A., 28 juin 2006, n°111/2006, J.L.M.B, 2007, p. 187.
18. A. Delvaux et Cie, Le contrat d'entreprise, Chronique de jurisprudence 2001-2011, Larcier, Bruxelles, 2012, p. 278.