Cour d'appel de Mons - Article 374 du Code civil
Cour d'appel de Mons - Article 374 du Code civil
Présentation des faits1
Madame A et Monsieur B ont divorcés par consentement mutuel par jugement transcrit le 20 décembre 2002. Les parties ont retenu deux enfants de leur union, étant Alexandre, né en 1995, et Angélique, née en 1999.
Les conventions préalables à divorce stipulent que l’autorité parentale sur la personne des deux enfants s’exerce conjointement, que l’hébergement principal est confié à la mère et l’hébergement secondaire au père.
En outre, les conventions précisent que «Toutes les mesures relatives aux enfants sont susceptibles de révision, soit de commun accord des père et mère, soit par décision du juge compétent. A défaut d’accord des père et mère, tout différend relatif à l’application des mesures relatives aux enfants sera tranché par le juge compétent».
Madame A a l’intention de déménager avec les enfants à Paris et les a inscrit dans un établissement scolaire de cette ville pour l’année scolaire.
Monsieur B s’y oppose et a déposé une requête auprès du tribunal de la jeunesse afin de se voir confier l’hébergement principal des deux enfants.
Monsieur B a également lancé citation en référé en sollicitant notamment qu’il soit dit pour droit que les enfants resteront scolarisés à leurs écoles et qu’il soit fait interdiction à son ex-épouse de domicilier et/ou de faire résider les enfants à Paris.
Madame A conteste l’urgence considérant que Monsieur B a été avisé en février 2013 de son intention de départ pour Paris.
Décision de la Cour
La Cour rappelle qu’il y a urgence au sens de l’article 584, alinéa 1er du Code judiciaire, dès que la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux, rend une décision immédiate souhaitable.
Que cela étant, il n’y a pas urgence lorsque celle-ci résulte de l’inertie de la partie demanderesse qui, longtemps, a négligé d’assurer la défense de ses droits.
La Cour estime qu’en l’espèce, Monsieur B a réagi sans tarder dès qu’il fut avisé de ce que les projets de départ de Madame A allaient se concrétiser.
La Cour constate que Madame A souhaite s’établir à Paris pour y vivre avec son compagnon actuel et les enfants communs aux parties et qu’elle propose de revenir à la maison dont elle est propriétaire et où elle réside actuellement, tous les week-ends.
La Cour constate également que Madame A considère que les enfants ne seront pas perturbés par le déménagement projeté, dès lors qu’elle s’installera dans un appartement de standing, sis dans un cadre agréable et permettant de nombreuses activités de loisir pour les enfants.
Le juge considère qu’en l’attente d’un jugement au fond, il y lieu, provisoirement, de dire que les enfants resteront scolarisés à leur école et que Madame ne puisse pas faire domicilier les enfants à Paris tant que la décision au fond n’aura pas été rendue.
Bon à savoir
L’article 584 du Code judiciaire prévoit que le président du tribunal de première instance statue au provisoire dans les cas dont il reconnaît l'urgence, en toutes matières, sauf celles que la loi soustrait au pouvoir judiciaire.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 20132, le tribunal de la famille est compétent tant pour le fond que pour les mesures urgentes et provisoires.
La nouvelle loi a modifié les règles en matière d'urgence. Ainsi, le nouvel article 1253ter/4 du Code judiciaire fait une distinction entre l'urgence invoquée et l'urgence réputée.3
En sus, si l'affaire est de la compétence du tribunal de la famille, le président n'est saisi qu'en cas d'absolue nécessité.4 Par conséquent, le référé de droit commun est donc réduit en matière familial qu'à l'absolue nécessité.5
En ce qui concerne les affaires urgentes traitées par le tribunal de la famille, le § 2 de l'article 1253ter/4 du Code judiciaire énonce que, dans certaines causes, l'urgence est réputée. Il s'agit des causes relatives aux résidences séparées, à l'autorité parentale, à l'hébergement des enfants, aux droits aux relations personnelles avec l'enfant mineur, aux obligations alimentaires, aux droits de garde et visite transfrontières, aux autorisations à mariage et aux refus de cohabitation légale ainsi que les mesures provisoires ordonnées sur base de l'article 1253ter/5 du Code judiciaire.
Lorsque la cause n'est pas visée comme étant une urgence présumée, le § 1er de l'article 1253ter/4 du Code judiciaire dispose que « lorsque l'urgence est invoquée, le tribunal de la famille statue en référé. » Dans cette hypothèse, le demandeur doit invoquer l'urgence et doit la prouver.
L'urgence suppose : l'existence d'une voie de fait, une menace qui cause un préjudice grave aux droits et intérêts du demandeur, situation non créée par la faute du demandeur et qui s'apprécie dans une balance réalisée avec le préjudice que le défendeur subirait si la mesure était accordée.6
Par conséquent, il y a, notamment, urgence à statuer sur la demande d’un parent tendant à faire interdiction à son ex-épouse, à la veille de la rentrée scolaire, de déménager à Paris et d’y scolariser les enfants.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons (2e ch.), 09/09/2003, R.T.D.F., 2004/3, p. 672.
2. Loi du 30 juillet 2013 portant création du tribunal de la famille et de la jeunesse, M.B., 27 septembre 2013, p. 68429.
3. Article 1253ter/4 du Code judiciaire ; D. Pire, « Le projet de loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse », Act. dr. fam., 2012/1, p. 13.
4. Article 584 du Code judiciaire.
5. A.-Ch. Van Gysel, « Les urgences et le provisoire dans le Tribunal de la Famille », in Le tribunal de la famille et de la jeunesse, Larcier, Bruxelles, p. 104.
6. A.-Ch. Van Gysel, Les urgences et le provisoire dans le Tribunal de la Famille », in Le tribunal de la famille et de la jeunesse, Larcier, Bruxelles, p. 105 ; G. Glosset-Marchal, « La compétence en matière judiciaire », in Précis de la Faculté de droit de l'UCL, Larcier, 2009, n° 367, pp. 256 et suivantes.