Tribunal de première instance de Bruxelles - Article 374 du Code civil
Tribunal de première instance de Bruxelles - Article 374 du Code civil
Présentation des faits1
Madame A et Monsieur B sont séparés depuis le mois de septembre 1999 et ont refait chacun leur vie. Madame A s’est installée dans le courant de l’année 2000 en Espagne, et Monsieur B est resté à Bruxelles.
Les parties ont eu deux enfants en commun.
Le Tribunal a été saisi en vue d’établir les modalités d’hébergement des enfants. Une expertise a été demandée par le tribunal. En attendant l’expertise, le juge a prévu des modalités provisoires, à avoir, que les enfants ont été confiés principalement chez Monsieur B.
Madame A a, quant à elle, un hébergement secondaire des enfants en Espagne.
Le rapport d’expertise a été adressé au greffe du tribunal le 31 mai 2001.
Madame A demande que les enfants soient hébergés principalement chez elle et en Espagne.
Décision du Tribunal
Le Tribunal constate que le rapport d’expertise fait apparaître que les enfants sont très attachés à chacun de leur parent, entretiennent avec chacun d’eux une relation profonde et positive, et parviennent à prendre du recul par rapport au conflit qui sépare leurs parents quant à leur hébergement.
Le conflit des parties ne résulte que de l’éloignement géographique de la résidence de chacun des parents, puisque comme ceux-ci l’indiquent eux-mêmes, ils s’étaient mis d’accord sur un hébergement alterné avant que Madame A ne manifeste son souhait de vivre en Espagne.
Le tribunal ne peut que constater que la question de savoir lequel des deux parents hébergera les enfants a mené ceux-ci à se faire des reproches mutuels croissants sur leurs attitudes passées, et à souligner les défauts de l’autre durant la vie commune, voire à déposer de multiples attestations de connaissances communes, et de «prouver», comme le disent les experts, leur qualité de «bons» parents.
Le juge rappelle qu’il y a lieu de prendre des mesures à l’égard des enfants et de ne prendre en compte que leur seul intérêt.
Le Tribunal constate que Madame A a pris le temps d’organiser ce changement de vie dans la confiance et en considérant la personnalité de ses enfants.
Madame A fait valoir qu’un lien profond l’unit à ses enfants, fait connaître les possibilités d’enseignement offertes aux enfants, en langue française. En outre, Madame A a apporté l’ensemble des renseignements portant sur son lieu de vie et son occupation professionnelle.
Le Tribunal considère que les deux lieux de vie présentés par les parties ne sont, en soi, pas néfastes au bon développement des enfants.
Par conséquent, le juge estime que les deux parents présentent des qualités parentales adéquates et favorables à l’épanouissement de leurs enfants et que les circonstances de la cause sont telles qu’aucune solution intermédiaire n’est envisageable autre qu’autoriser un des parent à héberger les enfants durant les vacances scolaires et l’autre durant les périodes de cours.
Le juge estime qu’il ne peut être ignoré que les enfants ont acquis de nombreux repères en Belgique dans le cadre de leur scolarité ainsi que dans le cadre de leurs activités culturelles et sportives.
Le juge considère donc qu’il est préférable que les enfants bénéficient d’une relation intense et riche avec leur mère durant leurs périodes de vacances, tout en poursuivant leur scolarité en Belgique, ce d’autant plus que les enfants paraissent actuellement tout à fait équilibrés et ne sont pas entraînés dans un conflit de loyauté.
Bon à savoir
Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 18 juillet 2006, le juge privilégie l'hébergement égalitaire du ou des enfants entre les parents.
Cela étant, face à l’éloignement géographique d’un parent et alors même que les deux parents présentent des qualités parentales adéquates et favorables à l'épanouissement de leurs enfants, il n'existe pas d'autres solutions pour l'hébergement des enfants que d'autoriser un des parents à les héberger durant les périodes de cours et l'autre parent durant les vacances scolaires.
En effet, l'hébergement égalitaire n'est peu ou pas envisageable lorsque les parents résident à des endroits géographiquement éloignés.
Pour déterminer à quel parent sera confié l'hébergement principal de l'enfant, le juge aura égard à un certain nombre de facteurs et de critères spécifiques à la situation.
En tout état de cause, le tribunal devra examiner si le choix fait par l'un des parents de s'éloigner du lieu de vie habituel de l'enfant n’est pas contraire à l’intérêt de ce dernier.2
En outre, le juge vérifiera si la décision d’éloignement du parent avec les enfants a été prise de manière égoïste, et ce, sans tenir compte de l’intérêt des enfants.3
Après avoir vérifié la légitimité et le fondement de la demande d'expatriation, le juge est amené à vérifier la qualité de ce projet.4
Cependant, dans certains cas les critères repris ci-dessus ne permettent pas au juge de déterminer quel parent hébergera l'enfant à titre principal, étant donné que chacun des parents présente des qualités parentales adéquates et favorables à l'épanouissement de leurs enfants.
Dans cette hypothèse, les juges peuvent prendre en compte d'autres critères, dont notamment, les repères des enfants et la disponibilité des parents.5
Ainsi, lorsque les enfants ont acquis de nombreux repères en Belgique dans le cadre de leur scolarité et de leurs activités culturelles et sportives, et compte tenu du fait qu’un parent serait moins disponible professionnellement pour les héberger durant les périodes de vacances, il parait préférable de confier leur hébergement principal chez se parent en Belgique pendant les périodes de cours et à l’autre parent qui s’est éloigné géographiquement pendant la plus grande partie des périodes de vacances.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Civ. Bruxelles, 16 août 2001, R.T.D.F., 2003/1, p.205.
2. Civ. Nivelles, (jeun.), 7 juin 2010, R.G. n° 342.C.2009/5A.
3. Civ. Bruxelles (réf.), 3 juin 2013, R.G. n° 12/1504/C.
4. Civ. Bruxelles, 3 mars 2006, R.G. n° 05/1539/C.
5. F. OMRANI., « L’expatriation dans la famille désunie: quel est le sort de l’enfant? Chronique de jurisprudence (2007-2013) », Act. dr. fam. 2014, liv. 5, 106-147.