Cour d’appel de Bruxelles - Articles 1641 et 1648 du Code civil
Cour d’appel de Bruxelles - Articles 1641 et 1648 du Code civil
Présentation des faits1
Le 1er avril 1994, un compromis de vente portant sur un immeuble principal ainsi qu’une conciergerie, a été signé entre le vendeur et la Société N.
Le 19 avril 1994, à la requête de l'acquéreur, la société H., a dressé un rapport détaillé de visite des lieux.
Cette dernière a constaté la présence de mérule aux deux étages de la conciergerie et a proposé un devis pour effectuer les travaux nécessaires.
Le 6 mai 1994, le vendeur a consulté un autre spécialiste, la société P., qui a attiré l'attention du vendeur sur la présence de mérule, non pas uniquement aux étages de la conciergerie, mais aussi dans la toiture de celle-ci. L’acquéreur n’a jamais été mis au courant de cette information.
Le 30 juin 1994, l'acte authentique a été signé par les parties.
Ces dernières décident que c’est l’acquéreur qui paiera les travaux de la conciergerie.
Compte tenu de la révélation de traces de mérule, elles ont réduit le prix des travaux en se fondant exclusivement sur les constatations de la société H.
Entre les mois de septembre 1994 et avril 1995, de nombreux devis et de nombreuses factures ont été adressés à l’acquéreur par la Société H, pour remédier à la mérule constatée dans l’immeuble principal.
Par citation du 9 juillet 1998, l'acquéreur a introduit une action en garantie des vices cachés contre le vendeur devant le Tribunal de commerce de Bruxelles.
Le vendeur a réclamé à titre reconventionnel, le précompte immobilier incombant à l’acquéreur pour l’année 1994.
Par jugement du 24 janvier 2001, le tribunal a dit pour droit que la mérule litigieuse constituait un vice caché de l'immeuble vendu et a ordonné la réouverture des débats afin que l'acquéreur communique tous documents utiles justifiant son dommage.
En outre, il a fait droit à la demande reconventionnelle du vendeur.
Par jugement du 19 décembre 2001, le Tribunal a condamné le vendeur à indemniser l’acquéreur en numéraire pour les frais exposés.
Dès lors, le vendeur a demandé devant la Cour d’appel de Mons, la mise à néant des deux jugements précités, sauf du jugement du 24 janvier 2001, en ce qu'il fait droit à sa demande reconventionnelle.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour constate que l’acquéreur a mis beaucoup de temps afin d’agir en justice contre son vendeur.
La Cour rappelle l’article 1648 du Code civil selon lequel l’action en garantie des vices cachés doit être intentée à bref délai et qu’à défaut, l’action est prescrite.
La Cour estime que, dans le cas d’espèce, le point de départ du bref délai doit être situé au moment où l'acquéreur a pu prendre connaissance du vice (la propagation de la mérule au bâtiment principal).
La Société H ayant déclaré l’existence du vice dans ses premiers devis (datés du 21 et 27 octobre 1994), la Cour établit le point de départ au 1er janvier 1995.
En outre, elle considère que ce délai n'a pas été suspendu par les négociations invoquées par l'acquéreur et ce, car il n'en apporte pas la preuve.
Etant donné que l’acquéreur ayant mis plus de trois ans avant d’introduire l’action en justice, la Cour déclare sa demande originaire prescrite.
Bon à savoir
L’acquéreur d’un immeuble qui découvre des vices cachés peut intenter une action judiciaire, sur base de l’article 1641 du Code civil. Néanmoins, il doit agir à bref délai, conformément à l’article 1648 du Code civil, sous peine de perdre le bénéfice de cette faculté légale.
L’attention de l’acheteur doit être attirée sur le fait que son attitude ne peut se limiter à des protestations à l’encontre du vendeur. Pour bénéficier du régime des vices cachés instauré par le législateur, l’acquéreur doit agir en justice, c’est-à-dire saisir le juge à bref délai.
L’exigence d’un bref délai s’explique par la nécessité de prouver l’antériorité du vice par rapport à la vente. Plus le délai est long, plus la preuve de cette antériorité est difficile à démontrer2.
La majorité de la doctrine estime que le point de départ de ce délai se situe au moment de la délivrance du bien à l’acheteur. C’est à partir de cet instant qu’il lui est possible de jouir des lieux et de rechercher les éventuelles malfaçons.
Cependant, cette règle n’est pas absolue. En effet, si par sa nature, le vice en question n’apparaît qu’après un certain temps, le bref délai ne commence à s’écouler qu’à partir de ce moment-là3.
La Cour de cassation a, quant à elle, précisé que le point de départ du bref délai ainsi que sa durée relèvent de l’appréciation souveraine des juridictions du fond4.
Sans déterminer la durée de ce délai, le législateur entend sanctionner l’acquéreur qui reste inactif pendant une durée déraisonnable compte tenu de l’apparition des vices cachés et ce, même lorsque le vendeur connaissait le vice avant la vente.
Notons que le bref délai peut être suspendu, notamment, lorsque l’acquéreur formule une demande en désignation d’un expert afin de déterminer la nature et les causes des vices qui sont apparus5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles, 5 octobre 2005, J.T., 2006/23, n°6229, p. 414-417.
2. B. Kohl, « L’exigence du ''bref délai'' dans l’action en garantie contre les vices cachés », J.T., 2013, p. 561.
3. B. Kohl, La vente immobilière – Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 291.
4. Cass., 29 janvier 1987, J.T., 1987, p. 499.
5. Appel Liège, 16 septembre 1996, J.T., 1997, p. 183.