Cour d'appel de Bruxelles - Article 1583 du Code civil
Cour d'appel de Bruxelles - Article 1583 du Code civil
Présentation des faits1
La SA C. a confié la vente de son appartement à l’agence immobilière SPRL L. Suite à l’intervention de cette dernière, un document intitulé « Lettre d’intention-accord d’achat » a été signé par Madame C., en date du 19 mai 2008, duquel il ressort que Madame C. déclare acheter l’appartement en question.
Ce document prévoyait également que Madame C. devait signer le compromis de vente dans les 10 jours suivant la signature de cette lettre d’intention.
Le même jour, la SPRL L. a par ailleurs envoyé ce document à la SA C., la qualifiant d’offre ferme, cette dernière ayant immédiatement signé cette offre « pour acceptation » et « pour accord ».
Toutefois, par un courrier du 22 mai 2008, Madame C. a fait savoir à l’agence immobilière qu’il ne sera finalement pas possible pour elle et son mari d’emprunter les fonds nécessaires à l’achat de l’appartement, et ce après en avoir discuté avec la banque.
Le 28 mai 2008, la SA C. a mis Madame C. en demeure de passer l’acte authentique de vente pour le 18 juin 2008.
Madame C. conteste cependant avoir signé une offre d’achat irrévocable, de sorte que l’acceptation par la SA C. du contenu de la lettre d’intention ne vaut pas vente.
En date du 6 août 2008, la SA C. a introduit une action en justice contre Madame C., visant à obtenir la condamnation de celle-ci à passer l’acte authentique de vente portant sur l’appartement sis à 1180 Bruxelles au prix de 530.000 euros ainsi que la condamnation de celle-ci au paiement des intérêts de retard produits par la somme de 530.000 euros à partir du 19 mai 2009 jusqu’au jour de la passation de l’acte notarié.
Par un jugement rendu le 6 septembre 2011, le Tribunal de première instance de Bruxelles a déclaré la demande de la SA C. recevable mais non fondée.
La SA C. a interjeté appel contre ce jugement.
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles
La Cour constate, en premier lieu, qu’une copie du document signé par Madame C. et communiqué par l’agence immobilière à la venderesse, n’a pas été réservé à la signature. Ce document a, en outre, été signé uniquement par Madame C.
Concernant la qualification de ce document, la Cour estime que, bien qu’il soit intitulé « accord d’achat », il ne contient qu’une simple proposition unilatérale d’achat et qu’il n’est pas indiqué dans ce document que la vente deviendrait parfaite du seul fait de l’acceptation par la venderesse.
Au contraire, il ressort de ce document qu’il est uniquement prévu qu’un compromis de vente sera proposé dans les 10 jours.
De cette lettre, la Cour constate qu’il peut, tout au plus, se déduire que de simples pourparlers allaient être entamés via l’agence immobilière, en vue de l’établissement d’un compromis prévoyant les termes et conditions de la vente.
La Cour considère par ailleurs les parties n’avaient pas encore fait le choix d’un ou de deux notaires et n’avaient convenu d’aucun délai pour la passation de l’acte authentique de vente. C’est par conséquent à tort que la SA C. soutient qu’il s’agirait d’un mois seulement après l’émission de la lettre d’intention.
La Cour rappelle ensuite que même si l’article 1583 du Code civil prévoit que la vente est parfaite dès qu’il y a accord sur le prix et la chose, il n’est pas possible de déduire de cet article que la vente serait parfaite sur la base d’une simple lettre d’intention, alors même que celle-ci prévoit l’établissement d’un compromis de vente. En conséquence, il n’est pas possible de qualifier ce document d’offre ferme qu’il aurait suffi que le vendeur accepte pour que le contrat soit valablement formé et définitivement conclu.
La Cour estime également, bien que la vente immobilière doive être considérée comme un contrat purement consensuel, qu’il n’est pas rare en cette matière que les parties confèrent, outre à la chose et au prix, un caractère essentiel ou substantiel à d’autres éléments. A titre exemplatif, il peut s’agir de l’existence d’une condition suspensive d’octroi d’un crédit hypothécaire ou du versement d’un acompte.
En l’espèce, la signature d’un compromis de vente avait été conçue, dans la lettre d’intention, comme un élément essentiel ou à tout le moins substantiel de la vente à intervenir.
Au vu de tous ces éléments, la Cour estime que la demande de la SA C. en passation de l’acte authentique de vente n’est pas fondée.
La demande est ainsi déclarée recevable mais non fondée, et le jugement attaqué confirmé.
Bon à savoir
La vente immobilière est un contrat par lequel une partie s’engage à transférer la propriété d’un bien à une partie, moyennant le paiement d’un prix2.
Il ressort de cette définition que deux éléments semblent être essentiels pour qu’il y ait contrat de vente immobilière, à savoir le transfert de la propriété et le paiement du prix en argent.
Selon l’article 1583 du Code civil, la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès que les parties se sont convenues de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.
Il est permis de déduire de la définition donnée à la vente immobilière ainsi que de l’article 1583 du Code civil que la vente est un contrat consensuel3, se formant par la rencontre des volontés du vendeur et de l’acheteur.
Toutefois, il est intéressant de mentionner que d’autres éléments substantiels peuvent s’ajouter aux éléments essentiels que sont le prix et la chose4. Il s’agit éléments que les parties décident de considérer comme étant essentiels.
Par conséquent, bien que la vente immobilière soit un contrat purement consensuel, n’étant soumis à aucun formalisme particulier entre les parties, il n’est pas rare en pratique les parties confèrent un caractère essentiel ou substantiel à d’autres éléments que le prix et la chose. A cet égard, il est possible de citer comme exemples l’existence d’une condition d’octroi d’un crédit hypothécaire ou encore la signature d’un compromis de vente.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
______________________
1. Bruxelles, 18 septembre 2014, R.G. n°2011/AR/2657, www.juridat.be.
2. L. OLIVIER, B. MARISCAL, V. BRUSSELMANS, J-P. LEGRAND et N. LATRAN, L’immobilier en pratique 2015-2016, Wolters Kluwer Belgium, 2015, p. 587.
3. Article 1138, alinéa 1er du Code civil, articles 1582, alinéa 2, 1583 et 1589 du Code civil.
4. Liège, 28 novembre 2011, arrêt n° F-20111128-6 (2010/RG/2006) www.juridat.be.