Cour d'appel de Bruxelles - Commission de l'agent immobilier
Cour d'appel de Bruxelles - Commission de l'agent immobilier
Présentation des faits1
Par convention du 23 janvier 1999, les époux L.-D. ont confié à la SA Immobilière D., pour une durée initiale de six mois, la promotion exclusive de la vente de leur immeuble.
Cette convention mentionnait, en son article 5, qu’à l’expiration de son mandat, la SA Immobilière D. communiquera aux époux L.-D. les noms des candidats acquéreurs avec qui elle aura traité. Si dans les deux mois qui suivent la fin du mandat, l’agence immobilière venait à traiter avec l’un d’eux, les honoraires lui seraient dus.
Par lettre du 18 juin 1999, confirmée le 1er juillet 1999, les époux L.-D. ont fait connaître à la SA Immobilière D. leur volonté de ne pas renouveler son contrat.
Par lettre du 4 septembre 1999, les époux L.-D. ont cependant accepté de prolonger la mission de la SA Immobilière D. pour une période de trois mois, qui expirait donc le 4 décembre 1999.
Le 14 décembre 1999, les époux L.-D. ont alors confié la promotion de la vente de leur immeuble à une autre agence immobilière et, le 21 décembre 1999, ils ont accepté l’offre des acheteurs K.-H., à qui leur immeuble a été vendu, pour la somme de 5.500.000 BEF.
La SA Immobilière a ensuite cité les époux L.-D. en justice afin de les voir condamnés au paiement de la commission qui lui est due, en application de l’article 5 de la convention avenue entre les parties. La société fait valoir en effet qu’elle avait été en contact avec les acheteurs K.-H., dont le nom figurait sur le relevé des contacts qu’elle a communiqué les 16 et 22 décembre 1999.
Le premier juge a donné gain de cause à la SA Immobilière D. et a condamné les époux L.-D. à payer à celle-ci la somme de 4.049, 34 EUR au titre de commission d’intermédiaire.
Les époux L.-D. ont alors interjeté appel dudit jugement. Ceux-ci contestent la validité de l’article 5 de la convention, la réalité du contact de la SA Immobilière D. avec leur acheteur final et son droit à la commission réclamée.
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles
La clause figurant à l’article 5 de la convention s’interprète comme la volonté librement acceptée par les clients de l’agent immobilier de le rémunérer, lorsqu’il a présenté le bien à un amateur, même si la vente de ce bien, qui est désormais connu par cet amateur, est directement finalisée par les vendeurs, mais peu de temps après la fin de la mission de l’agent immobilier. Les parties considèrent ainsi de manière implicite que cette intervention de l’agent immobilier a utilement préparé et déterminé la décision finale de l’acheteur qui intervient peu de temps après la fin du mandat de l’agent immobilier.
Cette clause spécifique n’est pas déséquilibrée et ne donne pas à l’intermédiaire immobilier un avantage injustifié, anormal ou disproportionné, au regard de l’économie du contrat qui fait la loi des parties. Elle prévoit uniquement une extension dans le temps de l’obligation de paiement de la commission prévue entre les parties.
Par conséquent, elle ne constitue ni une clause pénale excessive ni une clause nulle pour contrariété à l’article 32 de la loi sur les pratiques du commerce (à présent inséré dans le Code économique).
Par ailleurs, les époux L.-D. contestent que la SA Immobilière D. ait eu un contact utile avec le futur acheteur de leur immeuble.
Les pièces produites démontrent en l’espèce la réalité du contact de promotion de la vente du bien par la SA Immobilière D. auprès de l’acheteur final dont le nom figurait dans le relevé de contacts adressé aux époux L.-D., et, partant, établissent l’intervention valable de la SA Immobilière D. cette dernière est donc fondée à réclamer sa commission aux époux L.-D., en exécution du contrat liant les parties.
Bon à savoir
Il n'est pas rare que le contrat de courtage contienne une clause selon laquelle l'agent peut prétendre à une commission si le bien est vendu dans un certain délai après l'expiration du contrat de courtage, mais grâce aux prestations fournies par lui. Cette clause permet d'éviter que les vendeurs ne profitent du travail effectué par un agent immobilier sans devoir en payer le prix.
Même si l'agent immobilier peut valablement se prévaloir d'une telle clause, il faut encore qu'il démontre que ses conditions d'application soient réunies. Il lui appartient de prouver qu'il a effectivement traité avec l'acquéreur ou qu'il lui a « procuré des informations précises et individuelles » sur le bien mis en vente.
Ainsi, il a été jugé par le Tribunal de Tournai que la communication d'une liste d’amateurs permet généralement d'éviter toute contestation quant à l'intervention de l'agent immobilier dans le recrutement de l'acquéreur.2 Toutefois, la communication d'une longue liste de noms, éventuellement accompagnés d'un numéro de téléphone mais sans autre commentaire, ne suffit pas à établir que les conditions de la clause précitée sont réalisées. Un tel nombre de noms, qui apparaît hautement inhabituel pour un bien ordinaire, plaide plutôt en sens contraire. Ce genre de document laisse à penser qu'il s'agit plus d'une base de données que d'une liste de personnes, avec lesquelles l'agent immobilier est véritablement entré en contact et a réalisé des prestations à leur égard. Il en va autrement si l'agent peut se prévaloir d'un échange de courriers ou d'emails entre lui-même et l'acquéreur du bien.3
La clause selon laquelle l'agent immobilier peut prétendre à une commission si le bien est vendu dans un certain délai après l'expiration du contrat de courtage, mais grâce aux prestations fournies par lui, ne constitue ni une clause pénale excessive ni une clause nulle pour contrariété aux normes législatives.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles (16e ch.), 20 avril 2006, J.T., 2006, p. 495
2. Liège, 26 avril 1988, J.L.M.B., 1998, p. 1381.
3. Civ. Tournai, 7 février 2013, J.T., 2013/21, p. 404 ; Mons, 2 décembre 2008, J.L.M.B., 2009/24, p. 1124.