Cour d'appel de Bruxelles - Faute de l'agent immobilier
Cour d'appel de Bruxelles - Faute de l'agent immobilier
Présentation des faits1
Le 8 octobre 1988, l’agence immobilière T. s’est vue confier la mission de mettre en vente l’immeuble appartement à Madame Th., pour une durée de quatre mois, tacitement reconduite jusqu’au 7 juin 1988.
Dans une lettre recommandée datant du 22 février 1988 mais expédiée le 24 février, Madame Th. a confirmé avoir mis fin au mandat de l’agence immobilière et avoir vendu personnellement son appartement en date du 24 février 1988.
Madame Th. soutient par ailleurs qu’elle s’est rendue dans les bureaux de l’agence immobilière le 26 février afin de montrer le compromis qu’elle avait signé avec son acheteur le 24 février 1988.
Le 25 février 1988, l’agence immobilière a fait signer un compromis de vente à un couple d’acquéreur, Monsieur et Madame C., et a demandé à Madame Th. de verser ses honoraires. Madame Th. a refusé au motif qu’elle avait elle-même vendu le bien, et que le mandat de l’agence avait pris fin en raison de sa résiliation le 24 février.
Le même jour, une rencontre fortuite a eu lieu dans l'appartement entre d'une part, le délégué de l'agence et les époux C. qui venaient de signer le compromis de vente et, d'autre part, de Madame T. accompagnée de son acquéreur.
L’agence immobilière a par la suite introduit une action en justice. Les premiers juges ont considéré que la lettre recommandée du 22 février n’était pas en soi de nature à libérer Madame Th. du contrat d’agence se terminant en principe le 7 juin. Ils ont par conséquent condamné Madame T. à payer à l’agence immobilière la somme de 65.250 francs belges, correspondant à la commission de vente.
Madame Th. a interjeté appel de cette décision.
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles
Dès lors que le compromis de vente a été signé le 24 février 1998 dans l’étude du notaire de Madame Th., la Cour constate que celle-ci a bien vendu son appartement le 24 février 1998, ce qui lui demeurait permis dans le cadre du mandat qu'elle avait confié à l'agence immobilière puisqu'il ne s'agissait pas d'un mandat exclusif. En effet, ce dernier prévoyait que : « Le propriétaire garde l'entière liberté de vendre son bien lui-même, dans ce cas aucune commission ni indemnité quelconque ne serait due à l'agence immobilière. Le propriétaire s'engage, le cas échéant, à avertir l'agence immobilière dès la signature du compromis de vente, sans mentionner le nom de l'acquéreur ».
Par ailleurs, le jour même, elle a envoyé la lettre, mettant fin au mandat de l'agence. Selon la Cour, cette lettre avait sans doute préalablement été préparée par Madame Th. et datée initialement le 22 février 1998, mais tenue en suspens jusqu'à la signature effective du compromis avec son candidat, ce qui ne peut pas lui être reproché.
Il en résulte que l'antériorité du compromis de vente régulièrement signé par Madame Th. est suffisamment établie.
En ce qui concerne la rencontre fortuite du 25 février 1988, la Cour estime qu'il appartenait à l'agence immobilière, en sa qualité de professionnelle, même si elle venait de signer sur place un compromis, de faire clarifier la situation, également par sa mandante, en faisant préciser par celle-ci si elle avait vendu et quand, ou si elle avait la simple intention de vendre.
C’est pourquoi, les juges considèrent qu’il lui appartenait dès lors de procéder à un examen calme et précis de la situation avant d'aller de l'avant avec « ses » candidats, plutôt que d'ignorer la difficulté éventuelle de la situation.
A cet égard, l'antériorité de la signature d'un compromis par rapport à un autre, constitue un critère d'appréciation, que les candidats acheteurs apparemment en concurrence peuvent généralement admettre, même sur la base de conventions sous seing privé, pour autant qu'elles soient probantes. Or, l'agence immobilière a ignoré ce problème, oubliant que, comme mandataire, il agissait pour Madame Th.et non contre elle.
La Cour d’appel estime par ailleurs qu’il n’est pas concevable qu’une propriétaire vende deux fois son bien : une fois elle-même et une fois par l’intermédiaire de son mandataire. En conséquence, c’est fautivement que l’agence immobilière a préféré aller de l'avant en poursuivant aveuglément et hâtivement la logique de son compromis de vente du 25 février 1998, en faisant payer l'acompte à son bureau le même jour.
En outre, les juges observent qu’il n'est pas contesté par les parties que l'agence immobilière n'est pas intervenue pour la vente au candidat régulièrement trouvé par Madame Th.
Par conséquent, la commission revendiquée par l'agence immobilière n'est pas due par Madame Th.
Bon à savoir
L’arrêté royal du 12 janvier 2007 relatif à l’usage de certaines clauses dans les contrats d’intermédiaire d’agents immobiliers prévoit que le contrat de courtage écrit doit nécessairement comprendre une clause concernant le tarif à payer par le consommateur pour la mission.
Pour fixer le montant des honoraires, l’agent immobilier doit prendre en compte la complexité de la mission et les frais relatifs à son activité2.
En principe, la rémunération de l’agent immobilier n’est due que dans l’hypothèse où le contrat de vente se réalise grâce à son intervention, et donc si les conditions suspensives assortissant l’engagement des parties sont toutes levées3.
En outre, lorsque deux compromis de vente sont signés, l'un par le vendeur et l'autre par l'agent immobilier, l'agent est tenu d'éclaircir la situation et ne peut pas poursuivre aveuglément la logique de son propre compromis en ne procédant pas à l'examen de l'antériorité d'un compromis par rapport à l'autre.
Il en résulte que si l'agent n'a pas reçu l'exclusivité de mener à bien sa mission, il doit, avant de réclamer ou d'accepter des fonds en garantie d'un candidat qui s'engage unilatéralement, informer ce candidat de ce que sa mission n'est pas réalisée à titre exclusif4.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles, 15 septembre 2004, J.T., 2005, p. 342.
2. J. VANSTEENE., « Agent immobilier. Quels tarifs? », Immobilier 2004, liv. 10, pp. 3-4.
3. L. COLLON, Le statut juridique de l'agent immobilier, 2e édition, Larcier, 2008, n° 163.
4. Art. 57 du Code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers.