Cour d'appel de Bruxelles - Obligation d’information de l'agent immobilier – Caractéristiques essentielles du bien
Cour d'appel de Bruxelles - Obligation d’information de l'agent immobilier – Caractéristiques essentielles du bien
Présentation des faits1
L’agence immobilière SPRL I. a été chargée par la SA U., promoteur immobilier, de commercialiser la vente d’un complexe immobilier comprenant plusieurs appartements. A cette fin, la SPRL a inséré sur son site web les descriptifs, plans et prix desdits appartements.
Par compromis du 22 décembre 2006, Monsieur B. a acheté́ sur plan à la SA U., l'un des appartements pour le prix de 188.500 euros.
Il précise n'avoir eu, avant la signature du compromis, que des contacts avec la SPRL I. et s’être basé, en ce qui concerne les caractéristiques essentielles de l’appartement, sur la documentation disponible sur le site Internet de la SPRL. Cette documentation contenait un descriptif de l’appartement mentionnant une surface habitable de 103 m², ainsi que les plans de l’appartement et le cahier des charges du complexe immobilier.
L’acte authentique de vente a été passé le 19 avril 2007.
Monsieur B. expose avoir reçu du promoteur, le 13 septembre 2007, les plans de l’appartement. Il s’est alors aperçu, à l’examen de ceux-ci, que l’appartement offrait en réalité une surface habitable inférieure à 103 m².
Suite aux demandes de renseignements de Monsieur B., la SPRL I. lui a précisé́ « que la surface brute de l'appartement vendu est estimée à +/- 103 m² », ce qu’il pourra vérifier sur les plans signés par les parties qui sont annexés au compromis.
Par lettre du 18 octobre 2007, Monsieur B. a mis en cause la responsabilité́ de la SPRL I. estimant que cette dernière l'avait induit en erreur sur les caractéristiques essentielles du bien.
En réponse à cette lettre, la SA U. a proposé à Monsieur B. de reprendre le bien vendu moyennant remboursement, mais celui-ci a décliné cette proposition.
Estimant avoir subi un préjudice consistant dans le fait d'avoir payé un prix pour un appartement de 103 m² alors qu’il ne faisait que 89 m², Monsieur B. a, par exploit d’huissier du 17 juin 2009, cité la SPRL I. ainsi que son assureur devant le Tribunal de première instance de Bruxelles afin de demander réparation de son préjudice.
Par décision du 21 septembre 2010, le premier juge a déclaré la demande fondée en son principe et, avant dire droit quant au montant du préjudice, désigné un expert.
La SPRL I. et son assureur ont alors interjeté appel de cette décision.
Décision de la Cour d’appel de Bruxelles
La Cour d’appel de Bruxelles rappelle tout d’abord que l’agent immobilier est tenu, dans le cadre de la négociation et des pourparlers préalables à la vente, de fournir une information claire, loyale et précise sur les caractéristiques du bien à vendre et, plus généralement, sur tous les éléments qui pourraient déterminer le consentement du futur acquéreur.
S’agissant des annonces et publicités parues, le Code de déontologie de l’Institut Professionnel des Agents Immobiliers (IPI) précise, en son article 53, que l'agent immobilier ne peut, dans sa publicité et ses annonces, induire en erreur les personnes sur la disponibilité, les caractéristiques essentielles des biens qu’il présente.
Une obligation comparable est contenue dans la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce (à présent insérée dans le Code de droit économique). Cette disposition s'applique également aux annonces de mise en vente de biens immobiliers paraissant sur le web.
La Cour d’appel constate en l’espèce que contrairement à ce que soutient la SPRL I., la documentation disponible sur le site web de la SPRL I. ne comprend aucune mise en garde selon laquelle les informations ne seraient données qu'à titre indicatif. Comme relevé par le premier juge, la seule référence à la superficie de l’appartement litigieux consiste en la mention « surface habitable (103 m²) » reprise sur cette documentation, à la page 1.
La Cour estime à cet égard que la notion de surface habitable est sujette à interprétation et, partant, susceptible d'induire le consommateur en erreur. Les autres informations reprises sur le site Internet de la SPRL I. ou fournies à Monsieur B. lors des pourparlers n'étaient du reste pas de nature à lever l'ambiguïté.
La SPRL I. reste, par ailleurs, en défaut d'établir qu'elle aurait remis à Monsieur B. les plans dressés par l'architecte joints à la demande de permis d'urbanisme qui étaient, quant à eux, cotés.
Selon la Cour, c’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que les informations communiquées par la SPRL I. à Monsieur B. manquait de clarté, de précision et de loyauté, de telle sorte que l’agent immobilier avait manqué à son obligation d'information.
D’après elle, si Monsieur B. ne soutient pas qu’acquérir un appartement d’une surface de plus de 100 m² habitable constituait la condition sine qua non d’acquisition du bien, il ne fait aucun doute que la superficie de l’appartement constitue l’une des caractéristiques essentielles de celui-ci, et ce critère a été pris en considération par Monsieur B. lors de son achat. Il y a donc bien un lien de causalité entre la faute de la SPRL I. et le dommage de Monsieur B.
S'agissant de l'estimation du dommage, la Cour considère que c’est à bon droit que le premier juge a ordonné une mesure d’expertise. Le fait que Monsieur B. ait depuis lors fait procéder à un mesurage des lieux par un architecte ne rend pas la mesure d’expertise inutile, dès lors qu'outre déterminer la superficie habitable, l'expert est chargé de donner son avis sur le préjudice de Monsieur B.
Eu égard à ce qui précède, la Cour d’appel déclare l’appel principal et l’appel incident non fondés.
Bon à savoir
L'article 53 du Code de déontologie de l’IPI prévoit que l'agent immobilier courtier ne peut, dans sa publicité et ses annonces, induire en erreur les personnes sur la disponibilité et les caractéristiques essentielles des biens qu’il présente.2
Il en découle que l’agent immobilier a l’obligation de fournir une information claire, loyale et précise sur les caractéristiques du bien à vendre, et, plus généralement, sur tous les éléments qui pourraient déterminer le consentement du futur acquéreur3.
Outre cette obligation générale d'information, le Code de droit économique interdit toute publicité qui contient des informations fausses sur les caractéristiques principales du produit, ou qui, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation générale, comporte des affirmations, indications ou représentations susceptibles d'induire en erreur le consommateur moyen et de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement4. Le Code de droit économique prévoit à cet effet une liste des éléments sur lequel un consommateur peut être trompé.
L'interdiction s’applique même si la publicité n’a causé aucun dommage au consommateur et quand bien même l'entreprise n'avait pas l’intention de le tromper. Il suffit que la publicité donne une fausse information et soit susceptible d’influencer le comportement économique du consommateur pour qu’elle soit considérée comme déloyale. La notion de publicité au sens du Code de droit économique vise également les annonces de mise en vente ou de location de biens immobiliers insérées dans la presse ou sur Internet.5
Le Code de droit économique interdit aussi les omissions trompeuses, c’est-à-dire non seulement la rétention de l’information, mais également le fait de fournir une information de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps.6
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
______________
1. Bruxelles, 6 mai 2014, T.APP./R.C.D.I., 2014/4, p. 1028.
2. Article 53 du Code de déontologie de l'Institut professionnel des agents immobiliers, rendu obligatoire par l'arrêté royal du 27 septembre 2006.
3. B. DUBUISSON et P. WERY, La conclusion du contrat de vente par l'entremise d'un agent immobilier in La mise en vente d'un immeuble, hommage au professeur N. Verheyden-Jeanmart, Larcier, 2005, p. 39
4. Art. VI.97 du Code de droit économique.
5. L. COLLON, Le statut de l'agent immobilier, Larcier, 2008, p. 112.
6. Art. VI.99 du Code de droit économique.