Cour d'appel de Mons - Agent immobilier
Cour d'appel de Mons - Agent immobilier
Présentation des faits1
Par compromis de vente du 21 mai 2003, les époux V. ont vendu, par le biais de la SA I. intervenant en qualité d’agent immobilier, aux époux A. une parcelle de terrain comprenant une habitation avec quatre façades, nouvellement construite.
Le compromis de vente contient une clause résolutoire expresse, donnant au créancier, victime de l'inexécution fautive de son débiteur, le pouvoir de résoudre le contrat sans l'intervention préalable du juge.
Avant la passation de l’acte authentique fixée le 17 octobre 2003, les époux V. n’avaient pas introduit de demande de permis de lotir pour les deux terrains jouxtant l’habitation.
Le 29 septembre 2003, les époux A. ont adressé, par lettre recommandée, une mise en demeure aux époux V. afin qu’ils régularisent la procédure, en sollicitant l’octroi dudit permis auprès des autorités compétentes.
La mise en demeure est toutefois restée infructueuse.
Les époux A. ont, dès lors, mis en œuvre la clause résolutoire expresse et ont considéré que la vente avait été résolue.
Les époux V.-V.H. ont contesté l’application de la clause.
Les époux A. ont alors saisi le tribunal de première instance de Tournai. Par un jugement du 7 décembre 2004, le tribunal a prononcé la résolution aux torts des époux V.-V.H. de la vente et les a condamné solidairement au paiement de l’indemnité forfaitaire contractuelle de 10% du prix de vente, soit 15.422, 60 EUR. La SA I. a été condamnée à garantir les époux V.-V.H. des condamnations en principal, intérêts et frais.
La SA I. et les époux V.-V.H. ont interjeté appel de ce jugement.
Décision de la Cour d’appel de Mons
Sur la résolution de la vente
La Cour d’appel de Mons rappelle tout d’abord que le décret wallon du 18 juillet 2002 a modifié les articles 89 et 90 du CWATUP, en imposant l'obtention préalable d'un permis écrit et exprès du collège des bourgmestre et échevins pour lotir un terrain.
En l’espèce, le compromis de vente litigieux opère une division sans que le permis de lotir requis ait été obtenu, celui-ci n’ayant été obtenu que le 5 mars 2004, alors que le compromis a été signé le 21 mai 2003.
La régularisation opérée postérieurement par application de l'article 90 du code ne suffit pas à exonérer les vendeurs de l'obligation de résultat qui pèse sur eux de livrer un bien conforme au bien vendu. Ceux-ci ne peuvent s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur eux qu'en faisant la preuve d'une cause étrangère et non pas en prouvant seulement qu'ils ont fait toute diligence pour exécuter leur obligation2.
La Cour observe en l’espèce que le contrat de vente litigieux contient une clause résolutoire expresse et estime que cette clause fut régulièrement appliquée par les acquéreurs.
C'est, dès lors, à bon droit que le premier juge condamne les époux V.-V.H. au paiement de l'indemnité forfaitaire conventionnelle de 10% du prix de vente, soit 15.442,60 euros.
Sur la demande en garantie contre la SA I.
La Cour d’appel rappelle tout d’abord que lorsqu'un agent immobilier est chargé par son client de vendre un immeuble, il a l'obligation, en tant que professionnel, de vérifier la faisabilité de l'opération3 et s’assurer de la réalité du dossier qui lui est confié. Vis-à-vis de ses clients, il n'est pas tenu, dans le cadre de son obligation de renseignement et de conseil, de définir la portée et l'étendue de règlements urbanistiques modifiés depuis peu et abrogés en 2005.
Exiger de l’agent immobilier qu'il s'attache à la vérification approfondie de la régularité de la situation administrative du bien immobilier au-delà des apparences revient ainsi à étendre de manière abusive les obligations qui résultent du contrat de courtage et de l'exercice de la profession.
La Cour observe ensuite que le compromis de vente contient des réserves expresses relatives à la connaissance des dispositions du CWATUP ainsi que la mention selon laquelle les horaires relatifs à des frais de mesure, plan, délimitation, acte de lotissement ou acte de base seront à charge des vendeurs, les autres frais demeurant à charge des acquéreurs.
L'insertion de ces clauses révèle que l'agent immobilier a veillé à la préservation des intérêts légitimes de chacune des parties contractantes.
La Cour d’appel estime en outre qu’il appartenait aux époux V., en tant que constructeurs et lotisseurs, de s'assurer de la régularité de la situation urbanistique du bien qu'ils entendaient mettre en vente et de donner à leur mandataire les informations ou les mises en garde indispensables, préalablement à cette mise en vente.
Par conséquent, la Cour déclare l'appel interjeté par la SA I. fondé, la demande en garantie formée contre cette société devant être rejetée.
Bon à savoir
Il appartient à l’agent immobilier, durant la phase précontractuelle, de donner les informations urbanistiques sur le bien. Pour ce faire, l’agent immobilier devra, notamment, se renseigner auprès des diverses administrations dans le but d’obtenir les informations prévues par les réglementations applicables.
Certes, l’agent immobilier doit bel et bien récolter les informations urbanistiques, mais il n’est pas tenu de vérifier la régularité desdites informations au-delà des apparences.
Ainsi, Exiger de l'agent immobilier qu’il vérifie de manière approfondie la régularité de la situation administrative de l'immeuble au-delà des apparences, revient à étendre de manière abusive ses obligations. Il appartient, en revanche, au vendeur de s'assurer de la régularité de la situation urbanistique de l'immeuble mis en vente4.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons (7e Ch.), 11 janvier 2007, J.L.M.B., 2007/32, pp. 1346-1348.
2. Bruxelles, 22 septembre 1988, J.T., 1989, p. 333, note.
3. Civ. Bruxelles, 30 septembre 1994, J.L.M.B., 1997, p. 803
4. Cour d'appel Mons (7e chambre), 11 janvier 2007, J.L.M.B., 2007/32, pp. 1346-1348