Toggle Menu
1 Avocat(s) expérimenté(s)
en Droit immobilier
en Droit immobilier
  • R Rédacteur
  • F Formation
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Tous nos articles scientifiques ont été lus
72 341 fois le mois dernier
7 050 articles lus en droit immobilier
14 623 articles lus en droit des affaires
8 841 articles lus en droit de la famille
15 643 articles lus en droit pénal
2 523 articles lus en droit du travail
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici
Testez gratuitement pendant 1 mois sans engagement
Vous êtes avocat et vous voulez vous aussi apparaître sur notre plateforme?  Cliquez ici

DROIT IMMOBILIER

VENTES IMMOBILIERES

4 Février 2016

Cour d'appel de Mons - Article 1583 du Code civil

Cour d'appel de Mons - Article 1583 du Code civil

Cette page a été vue
137
fois
dont
5
le mois dernier.

Présentation des faits1

La SPRL C., entrepreneur général en construction, était propriétaire de parcelles de terrain loties.

Dans le courant de l'année 2001, Madame A. et Monsieur B., intéressés par l'acquisition du terrain et du gros œuvre du lot n° 6, ont négocié cette vente avec la SPRL C.

La SPRL C. a proposé de vendre le tout pour le prix de 4.400.000 francs HTVA.

Le 12 juin 2001, Madame A. et Monsieur B. ont versé un acompte de 300.000 francs, justifié par un reçu dont l'en-tête, selon la SPRL C., aurait fait l'objet d'un rajout par le père de Madame A., postérieur à la signature.

Peu de temps après la signature du reçu, le père de Madame A. aurait remis un projet de compromis à Monsieur C. prévoyant une vente pour un prix de 2.580.000 francs HTVA, terrain compris.

Entre le 1er  juillet 2001 et le 13 août 2001, Madame A. et Monsieur B. ont exécuté des travaux dans l'immeuble vendu.

Le 14 août 2001, Madame A. et Monsieur B. ont procédé à l'enregistrement d'un exemplaire du compromis de vente.

Madame A. et Monsieur B. ont fait procéder, les 14 septembre 2001 et 2 octobre 2001, à deux rapports d'expertise en vue de faire constater les malfaçons de l'immeuble vendu.

Par citation du 11 octobre 2001, Madame A. et Monsieur B. ont assigné la SPRL C. devant le Tribunal de première instance de Charleroi, en passation de l'acte authentique de vente.

Le 20 novembre 2001, la SPRL C. a déposé plainte, avec constitution de partie civile, à l'encontre de Madame A. et Monsieur B., pour faux et usage de faux.

Par arrêt du 14 décembre 2005, la Chambre des mises en accusation de Mons a mis fin à cette procédure, en confirmant l'ordonnance de non-lieu du premier juge.

Par acte authentique du 24 octobre 2002, le bien litigieux a été revendu à Monsieur D.

Par citation du 30 mars 2006, Madame A. et Monsieur B. ont assigné la SPRL C. et Monsieur C. devant le premier juge, en vue d'obtenir leur condamnation solidaire à leur payer une somme de 70.000 euros de dommages et intérêts.

Un jugement a été rendu le 9 septembre 2008, par lequel le premier juge a condamné la SPRL C. à payer, à Madame A. et Monsieur B., la somme de 16.391,84 euros, outre une somme de 1.500 euros pour chacun d'eux, le tout majoré des intérêts et des dépens.

Par requête déposée le 5 novembre 2008, la SPRL C. et Monsieur C. ont interjeté appel de ce jugement.

Décision de la Cour d’appel de Mons

La Cour d’appel de Mons observe tout d’abord, à la lecture des pièces du dossier, qu’il apparaît établi que la SPRL C. a bien vendu à Madame A. et Monsieur B. un terrain loti, avec le gros-œuvre d'une construction à ériger sur celui-ci.

Les déclarations des parties confirment que celles-ci étaient parvenues à un accord sur l'immeuble vendu et le prix.

Cela étant, la Cour d’appel constate que le débat entre les parties ne porte pas sur l'existence de la vente, mais sur l'une de ses modalités déterminantes, à savoir le prix convenu, chacune des parties considérant qu'il y a eu un accord sur la chose et sur le prix, mais cet accord sur le prix est différent selon leurs thèses.

D’après Madame A. et Monsieur B., le prix convenu était celui repris dans le projet d'acte du notaire, dressé conformément au compromis de vente, soit la somme de 2.580.000 francs HTVA, qui ne déduit pas l'acompte de 300.000 francs.

D’après la SPRL C., ce prix devait être majoré d'une somme « en noir » supplémentaire de 350.000 francs, qui n'aurait jamais été payée, ce qui aurait empêché la signature de l'acte authentique de vente.

La Cour rappelle que concernant la charge de la preuve en ce qui concerne le prix convenu, il y a lieu, en l’espèce, pour la SPRL C., qui veut prouver que Madame A. et Monsieur B., se sont engagés à payer une somme supplémentaire de 350.000 francs « en noir », de le prouver en respectant les règles du droit civil et, notamment, l'article 1341 du Code civil.

Toutefois, la Cour rappelle également que conformément à l'article 1347 du Code civil, la règle de l'article 1341 du même code reçoit exception, lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée, rendant vraisemblable le fait allégué.

En l'espèce, la SPRL C. fait état de plusieurs commencements de preuve par écrit, soit les déclarations faites dans le dossier répressif ouvert à la suite de sa plainte pour faux et usage de faux contre Madame A. et Monsieur B. et respectivement signées par chacun ces derniers et par leur mandataire, Monsieur V.

La Cour d’appel constate qu’il n'a jamais été contesté que Monsieur V. est intervenu, dans la négociation, au titre de mandataire de Madame A. et Monsieur B., de telle sorte qu'une déclaration signée par lui peut également valoir comme commencement de preuve par écrit.

Il résulte de la déclaration de Monsieur V. que celui-ci a bien négocié le prix de vente et a proposé une somme « en noir » de 350.000 francs supplémentaire, en sus de l'acompte de 300.000 francs.

Sur base de l’ensemble des déclarations et des éléments du dossier, la Cour ne peut que constater que la vente avait été conclue, mais également que le prix convenu était bien celui prévu dans le projet du notaire, à majorer d'une somme de 350.000 francs « en noir », dont il n'est pas établi qu'elle ait été payée.

La manière de procéder permettait, à Madame A. et Monsieur B., de faire l'économie du coût de la TVA sur ces sommes et, à la SPRL C., de s'abstenir de déclarer celles-ci dans sa déclaration fiscale.

Ainsi, il apparaît que cette convention n'a pu être conclue qu'en lésant le Trésor public, de telle sorte que cette fraude fiscale constituait bien un mobile déterminant dans la fixation du prix de vente sur lequel les parties se sont accordées.

Il est donc établi que l'accord des parties n'a été rendu possible qu'au prix d'une tricherie au détriment de l'Etat belge.

Partant, c'est à bon droit que la SPRL C. invoque la nullité absolue de la convention conclue entre les parties.

Bon à savoir

Le Code civil énonce, en son article 1583, que la vente est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Pour déterminer le prix du bien immobilier, les parties peuvent le fixer conventionnellement et ainsi en chiffrer par elles-mêmes le montant.2

Vu les risques de requalification du contrat et la complexité de fixation du prix d’un bien immeuble, les parties peuvent également recourir à l’intervention d’un expert qui aura pour mission de déterminer le prix.3

Il est utile de noter également que dans la pratique, il arrive que les parties prévoient qu’une somme soit payée en « noir » par l’acheteur lors de l’acquisition d’un bien immobilier.4 A cet égard, la jurisprudence majoritaire5 considère que la dissimulation d’une partie du prix de vente en vue d’éviter l’impôt est contraire à l’ordre public, mais que la vente ne peut être déclarée nulle pour cette raison.6

Certains auteurs considèrent que face à une dissimulation d’une partie du prix de vente, la partie payée « en noir » serait frappée de nullité, tandis que le contrat de vente serait valable pour le surplus.7

Cela étant, dans cet arrêt, la Cour d’appel de Mons a décidé que lorsque les parties s’accordent, lors de la vente d’un immeuble, pour qu’une somme soit payée en « noir » par l’acheteur en vue d’éviter le coût de la TVA sur cette somme, la convention de vente est frappée de nullité absolue. La Cour a ainsi considéré que la fraude fiscale constituait un mobile déterminant dans la fixation du prix de vente.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________

1. Cour d'appel Mons (2e chambre), 26 janvier 2010, J.L.M.B., 2010/22, pp. 1041-1047.

2. Article 1591 du Code civil.

3. A cet égard, voy. L. SIMONT, «  Contribution à l’étude de l’article 1592 du Code civil », in Mélanges offerts à Pierre Van Ommeslaghe, Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 273, n°11.

4. M. DUPONT, « Dissimulation d’une partie du prix et droit d’enregistrement : tel est pris qui croyait prendre ! », note sous Mons, 30 novembre 2006, R.G.D.C., 2008, p. 106.

5. Liège, 30 novembre 2006, R.G.D.C., 2008, p. 103, note M. DUPONT.

6. Cass., 18 mars 1988, J.T., 1989, p. 5. 

7. E. DIRIX, « Prijsbewinpleingbij verkoop van onroerend goed », note sous Cass., 18 mars 1988, R.W., 1988-1989, p. 713; B. WYLLEMAN, « Une jurisprudence isolée a appliqué cette thèse minoritaire », note sous Bruxelles, 17 novembre 1997, A.J.T., 1998-1999, p. 33.