Cour d'appel de Mons - Donation déguisée
Cour d'appel de Mons - Donation déguisée
Présentation des faits1
En date du 25 mars 2002, l’administrateur provisoire des biens de Monsieur A. a été autorisé par le juge de paix à ester en justice afin de faire constater par le Tribunal l’existence d’un don manuel ou d’une donation indirecte et ainsi demander la révocation de ces donations.
Dans les faits, Monsieur A. a vendu un appartement à sa fille, Madame C. La vente a été constatée par un acte notarié du 28 décembre 1995. Le prix de vente était fixé à 2.200.000 francs belges. En date du 9 janvier 1996, Monsieur A. a déclaré volontairement faire un don manuel de 2.200.000 francs belges à sa fille. Ce don était constitué par un chèque au porteur, lequel a été encaissé le lendemain.
Un jugement a été rendu par le Tribunal de première instance de Tournai le 1er juillet 2002 disant pour droit que la vente de l’appartement à la fille de Monsieur A. constituait une donation déguisée en faveur de celle-ci.
Madame C. a ensuite interjeté appel de cette décision.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour d’appel rappelle que la donation déguisée est celle qui se fait sous l'apparence d'un acte à titre onéreux qui comporte une simulation consistant dans l'existence apparente d'une contre-prestation dont il est convenu qu'elle ne sera pas fournie2.
En outre, il faut que celui qui fait « remise » de la contre-prestation ait agi avec une intention libérale3.
En l’espèce, la Cour constate que le prix de l’appartement a été fixé dans l’acte notarié du 28 décembre 1995 à une somme de 2.200.000 francs belges.
Monsieur A. a le 9 janvier 1996 déclaré donner volontairement un don manuel de 2.200.000 francs belges à sa fille. Ce don était constitué par un chèque au porteur, encaissé le lendemain.
Selon la Cour, il ressort des éléments du dossier qu’il s’agit d’une donation : la vente s'est réalisée à l'insu des autres enfants de Monsieur A., qui n'ont, dès lors, pas eu la possibilité de se porter acquéreurs pour le prix de faveur qui était pratiqué et les mouvements bancaires réciproques sont concomitants (vente - don manuel).
La Cour décide donc, à l’instar du premier juge, que la vente de l’appartement est en réalité une donation déguisée.
Bon à savoir
Pour pouvoir être qualifié de vente, le prix doit revêtir certaines caractéristiques. Il doit en effet être certain, réel et sérieux. A défaut, il ne s’agit pas d’un contrat de vente mais d’un contrat d’échange4.
Le prix doit, tout d’abord, être certain5, ce qui signifie qu’il doit être déterminé ou à tout le moins déterminable6. Le prix est déterminé lorsqu’il est exprimé en chiffres dans le contrat7, tandis qu’il est déterminable lorsque, bien que non chiffré dans le contrat, il est possible de le déterminer à partir d’éléments objectifs8.
Le prix doit, en outre, être réel et sérieux, c’est-à-dire non simulé ou fictif. Lorsque les cours et tribunaux constatent que le prix est dérisoire9, ils peuvent annuler la vente pour cause d’inexistence du contrat ou nullité de celui-ci10. Il est également possible que les juges requalifient la vente à prix dérisoire en donation déguisée11.
Pour le surplus, si le prix est inférieur à la valeur vénale du bien immobilier, il est possible qu’il y ait rescision de la vente pour lésion de plus de 7/12ème12.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel Mons (7e chambre), 15/02/2005, J.L.M.B., 2005/40, p. 1788-1790.
2. Mons, 15 septembre 1992, Rev. not. b., 1995, p. 22.
3. P. Delnoy, "Les libéralités" in Les Dossiers du J.T., Larcier, 2000, p. 182 et 183.
4. Article 1702 du Code civil.
5. Cass., 21 septembre 1987, Pas., 1988, I, p. 77.
6. Cass., 21 février 1991, Pas., 1991, I, p. 604 ; Anvers, 10 février 1998, Fisc. Act., 1998/9, p. 5.
7. P. ERNEUX, « Introduction: Eléments essentiels à la vente », in Guide de droit immobilier, Wolters Kluwer Belgium, Waterloo, 1997, II.1.2.-8.
8. Article 1591 du Code civil.
9. Liège, 13 mars 2001, J.T., 2001, p. 547.
10. Article 1131 du Code civil.
11. Liège, 9 janvier 2007, J.T., 2007, p. 278 ; Mons, 15 février 2005, J.L.M.B., 2005, p. 449 ; Mons, 20 avril 2004, J.L.M.B., 2005, p. 746, note J. SACE.
12. Article 1674 du Code civil ; B. LOUVEAUX., « Vente immobilière. Lésion des sept douzièmes », Immobilier 2004, liv. 21, pp. 1-4.