Cour d'appel de Mons - Permis d'urbanisme
Cour d'appel de Mons - Permis d'urbanisme
Présentation des faits1
Madame F. a signé un compromis de vente portant sur deux parcelles, une parcelle A. et une parcelle B., à la SA T. Madame F. a affirmé que ces parcelles se trouvaient en zone d’habitat.
Le 17 novembre 2009, le notaire G. a fait savoir au notaire D. que les renseignements urbanistiques étaient erronés et que la parcelle B était pour la plus grande partie située en zone d'habitat, la zone à front de la chaussée étant en zone agricole et l'extrémité en zone d'habitat.
En ce qui concerne la parcelle A, elle est, selon le notaire G., pour partie en zone d'habitat et pour partie en zone d'aménagement communal concerté.
La SA T. a sollicité l'annulation de la vente, d'une part, en raison d'un vice de consentement et, d'autre part, en application de l'article 155, paragraphe 7, du CWATUPE2.
Le premier juge a considéré que Madame F. ne s’était pas rendue coupable de réticences dolosives. Le juge a également estimé qu’il n’était pas démontré que Madame F. avait procédé à une division de son bien au sens de l’article 88 du CWATUPE. De plus, compte tenu du projet de constructions groupées, un permis d'urbanisation n'était pas nécessaire.
Le premier juge a estimé qu’il y avait lieu de passer l'acte authentique de vente.
La SA T. a interjeté appel contre ce jugement rendu le 12 juin 2012. L'appel vise à obtenir l’annulation de la vente, ainsi que la condamnation de Madame F. à la restitution du montant de l'acompte, soit 14.500 euros et à la somme de 13.799 euros à titre de dommages et intérêts.
La SA T. estime que son consentement a été altéré par l'absence de révélation des caractéristiques des terrains faisant l'objet de la vente, ce dont Madame F. était consciente pour avoir été confrontée au problème dans le cadre de l'élaboration d'un projet antérieur de construction.
Pour sa part, Madame F. sollicite la confirmation du jugement déféré.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour constate que la S.A. T. reproche à Madame F. d'avoir affirmé que les biens litigieux se trouvaient en zone d'habitat. Elle soutient que la parcelle A se situe en grande partie en zone d'aménagement communal concerté, et non pas en zone d'habitat, et ne peut être affectée à l'urbanisation que dans le respect de la procédure prévue par l'article 33 du CWATUPE.
La Cour rappelle que le dol « consiste en une discordance entre la volonté réelle et la volonté déclarée provoquée par des manœuvres frauduleuses ».
La Cour constate, après avoir analysé les pièces produites, que selon le plan de secteur de Thuin-Chimay, les deux parcelles se trouvent en zone d'habitat.
Les juges sont également d’avis que le refus du permis de bâtir introduit par Madame F. est étranger au caractère constructible des terrains litigieux mais est dû au type de construction qui avaient été projetées.
De plus, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, la S.A. T. doit connaître les exigences en matière d'alignement des maisons et n'a pu ignorer le recul des villas voisines aux terrains litigieux.
Enfin, la Cour observe que le refus du permis d'urbanisme introduit par la S.A. T. est justifié car les accès proposés pour les nouvelles habitations ne sont pas suffisamment sécurisés.
Il s'ensuit que la SA T. ne démontre pas l'existence d'une erreur dans son chef ayant affecté son consentement de telle sorte que le dol ne peut pas être invoqué.
Ensuite, la S.A. T. invoque le non-respect des règles relatives au permis de lotir impliquant la nullité des compromis litigieux. Elle maintient que la parcelle cadastrée B a été prise dans un ensemble plus grand et qu’une partie seulement appartenait à la venderesse.
A cet égard, la Cour rappelle que l'article 89 CWATUPE applicable au moment des ventes litigieuses précisait que nul ne peut, sans permis préalable, écrit et exprès du collège communal lotir un terrain. Pour qu'un acte soit soumis au permis de lotir, il faut la division d'un terrain en créant au moins deux lots, la cession d'un de ces lots en vue de la construction d'une habitation ou du placement d'une installation fixe ou mobile pouvant être utilisée pour l'habitation.
Madame F. fait valoir qu'elle n'a pas divisé les parcelles litigieuses mais les a vendues en bloc à la SA T., ce qui ne nécessitait pas de permis de lotir.
Selon la Cour, cette manière de voir n'est pas fondée dans la mesure où il convient de se placer au jour de la conclusion du premier compromis de vente pour en apprécier la légalité et il est indifférent que, par la suite, un second terrain ait été vendu.
Madame F. ne pouvait en effet ignorer, compte tenu de l'objet social de l'acquéreur, que le but de l'achat était la construction d'une habitation.
La cour fait également référence à un arrêt de la Cour de cassation du 24 février 2011 pour affirmer que la vente d’un des lots issus de la division d’un terrain est nulle si elle est conclue avant la délivrance du permis de lotir.
Par conséquent, la Cour prononce la nullité des ventes litigieuses en application de l'article 155, paragraphe 7, du CWATUPE, et fait droit à la demande de restitution de l'acompte.
Par contre, la demande de dommages et intérêts n'est pas fondée car la SA T. n’a pas précisé la nature du dommage résultant d'une faute dans le chef de Madame F.
Bon à savoir
Il est important de savoir que certaines informations concernant la situation urbanistique du bien immobilier doivent obligatoirement être transmises au candidat-acquéreur. Les règles applicables en la matière prévoient en effet des mentions obligatoires dès la publicité de la vente.
Lors de la signature du compromis de vente, d’autres informations doivent également être communiquées3.
Il est utile de mentionner qu’en Wallonie, les règles sont reprises dans le CWATUPE, en son article 152 et pour Bruxelles, dans le COBAT, en son article 280.
L’article 152 du CWATUPE dispose que « Dans la publicité relative à la vente, à la location pour plus de neuf ans ou à la constitution d'un droit d'emphytéose ou de superficie portant sur des biens immobiliers, le notaire, le vendeur ou son mandataire doit indiquer sans équivoque la destination urbanistique la plus récente de ces biens, en utilisant les appellations prévues à l'article 25.
Ces personnes doivent également faire mention de manière détaillée des permis en vigueur ou des certificats d'urbanisme relatifs aux biens à vendre ».
Par conséquent, le vendeur, son mandataire ou encore le notaire, est tenu de mentionner la destination urbanistique du bien immobilier, à savoir zones d’habitat, d’activité économique, de loisirs, etc. Les informations sur les permis en vigueur et les certificats d’urbanismes doivent également être reprises4.
A titre exemplatif, lorsque le refus du permis de bâtir introduit par l'acquéreur est étranger au caractère constructible du terrain mais résulte de son projet de construction, aucun dol ne peut être reproché au vendeur. Et ce d’autant plus lorsque l'acquéreur est un professionnel de l'immobilier, qui devait connaître les exigences en matière de prescriptions urbanistiques.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons (2e ch.), 24 juin 2013, J.L.M.B., 2015, liv. 1, p. 18.
2. « A la demande des acquéreurs ou des locataires, le tribunal peut annuler leur titre d’acquisition ou de location, sans préjudice du droit à l’indemnisation à charge du coupable ».
3. V. PAUWELS, « Les informations urbanistiques préalables au compromis de vente », in Vente immobilière : la phase préalable et ses écueils, Kluwer, Waterloo, 2012, pp. 61 et suivantes.
4. Voyez : R. DE BRIEY, « La vente immobilière : nouvelles approches de la responsabilité du vendeur », in La vente immobilière, Aspects de droit administratif, de droit civil et de droit fiscal, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 62.