Cour d'appel de Mons - Prix dérisoire
Cour d'appel de Mons - Prix dérisoire
Présentations des faits1
Les époux H.-E. étaient propriétaires d’une maison sise à Mons. Lorsque Madame E. est décédée, Monsieur H. a hérité de la moitié de l’immeuble en pleine propriété et la moitié en usufruit. Leurs enfants, Monsieur M. et Madame M., ont quant a eu reçu chacun un quart en nue-propriété.
Par un acte notarié du 5 février 1997, Monsieur H. et sa fille, Madame M., ont cédé leurs droits indivis dans l’immeuble à Monsieur M., l’autre enfant de Monsieur H. et le frère de Madame M., moyennant un prix de 1.875.000 francs pour le premier et de 937.500 francs pour la deuxième.
Monsieur H. est ensuite décédé le 10 juin 1997.
Madame M. a cité son frère, Monsieur M., devant le Tribunal de première instance de Mons afin d’obtenir la liquidation de la succession de Monsieur H. Elle considère notamment que Monsieur H. n’avait jamais reçu le prix de la cession intervenue le 5 février 1997 et qu’il s’agissait d’une donation déguisée à son frère à concurrence de la somme de 1.875.000 francs, laquelle, dépassant la quotité disponible, et devant être rapportée à la masse.
Monsieur M. a comparu personnellement le 22 mai 2000 et a déclaré à cette occasion avoir payé à son père la somme de 1.875.000 francs chez le notaire. Il affirme dès lors ignorer ce que son père a fait de cet argent.
Dans ses conclusions du 6 juillet 2000, Madame M. a modifié sa demande initiale et a sollicité qu’il soit dit pour droit que Monsieur M. a commis un recel successoral et ne peut dès lors prétendre à aucun droit dans le bien recelé.
Le premier juge, dans son jugement du 10 avril 2002, a considéré que Monsieur M. a bénéficié d’une donation déguisée à concurrence de 45.860, 30 euros, a commis un recel successoral et ne peut par conséquent prétendre à aucun droit dans le bien recelé.
Monsieur M. a interjeté appel contre le jugement en ce qu’il dit pour droit qu’il a commis un recel successoral.
Décision de la Cour d’appel de Mons
En degré d'appel, Monsieur M. a reconnu avoir bénéficié d'une donation déguisée et n’avoir jamais payé à son père le prix de la cession litigieuse.
Monsieur M soutient toutefois que les conditions pour qu'il y ait recel successoral ne sont pas réunies en l'espèce.
A cet égard, la Cour d’appel de Mons rappelle que le recel successoral s'analyse en tout acte de mauvaise foi par lequel l'héritier veut acquérir sur les effets de la succession un avantage illicite aux dépens de ses copartageants. [2]
Une première condition est que l'acte constitutif de recel doit porter sur un élément de la succession. La Cour considère que cette première condition est remplie en l'espèce, la donation déguisée que l'appelant a tenté de dissimuler étant une donation rapportable.
La deuxième condition requise est que le délit doit consister en un recel ou un divertissement. En l’espèce cette condition est remplie puisque Monsieur M. a omis de révéler une donation rapportable, que cette donation soit ostensible ou déguisée.
La troisième condition du recel successoral est que le comportement doit procéder d'une intention frauduleuse. Le comportement de Monsieur M. démontre à suffisance qu'il a agi avec une intention frauduleuse, c'est-à-dire avec la conscience et la volonté de se créer un avantage particulier au préjudice de sa cohéritière.
La quatrième condition requise est que le comportement frauduleux doit avoir été adopté par un successeur universel. A cet égard, Monsieur M. est bien un successeur universel.
La Cour considère que Monsieur M. a bien tenté de dissimuler l'existence de la donation dont il a bénéficié et ce, même après avoir été cité devant le premier juge.
Il ressort des considérations qui précèdent que c'est à bon droit que le premier juge a estimé que Monsieur M. a commis un recel successoral. La Cour confirme dès lors le premier jugement.
Bon à savoir
Le paiement du prix en argent constitue un des éléments essentiels de la vente immobilière. Il s’agit d’un élément permettant de distinguer la vente de l’échange3.
A cet égard, il est indispensable que le prix soit réel et sérieux, c’est-à-dire qu’il ne soit ni fictif ni simulé.
En effet, lorsque le prix est dérisoire4, la jurisprudence estime que le vente peut être annulée en raison de l’inexistence du contrat ou de la nullité de celui-ci5. Il est également possible que le juge décide de requalifier la vente à prix dérisoire en donation déguisée6.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour d'appel Mons (2e chambre), 20/04/2004, J.L.M.B., 2005/17, p. 746-749.
2. Cass., 6 juin 1969, Pas., I, 900
3. Article 1702 du Code civil.
4. Liège, 13 mars 2001, J.T., 2001, p. 547.
5. Article 1131 du Code civil.
6. Liège, 9 janvier 2007, J.T., 2007, p. 278 ; Mons, 15 février 2005, J.L.M.B., 2005, p. 449 ; Mons, 20 avril 2004, J.L.M.B., 2005, p. 746, note J. SACE.