Cour d'appel de Mons - Responsabilité de l'agent immobilier
Cour d'appel de Mons - Responsabilité de l'agent immobilier
Présentation des faits1
Par convention du 13 septembre 1999, les époux R. ont donné explicitement à la SA I. de vendre un immeuble leur appartenant au prix de 1.350.000 BEF.
La SA I. a ensuite signé avec Madame N. une promesse de vente, affectée d'une condition suspensive de l'octroi, dans le mois de la signature de la convention, d'un prêt hypothécaire.
La SA K., contactée par la SA I., a préféré s'abstenir d'accorder pareil prêt et Madame N. a pris contact avec une autre société de prêt, ARGENTA, à l'initiative de laquelle fut réalisée une expertise du bien.
Le 15 octobre 1999, soit dès avant l'écoulement du délai d'un mois prévu à la convention, l'agence immobilière a revendu le bien, au même prix, à des tiers, avec lesquels l'acte authentique de vente fut finalement passé le 15 février 2000.
Le 22 février 2001, Madame N. et son compagnon ont obtenu de la société CENTEA un crédit hypothécaire de 1.970.000 BEF pour l'acquisition, par la seule Madame N., d'un autre immeuble.
Par citation du 15 février 2002, Madame N. a assigné les époux R. et la SA I. en paiement de l'indemnité conventionnelle de 3.346,56 euro, suite à la non-réalisation de la vente litigieuse, outre les frais consentis. Les époux R. ont formé une demande reconventionnelle contre Madame N. en paiement de dommages et intérêts du chef d'action téméraire et vexatoire et ont introduit une demande incidente contre la SA I. aux fins d'être garantis des éventuelles condamnations à intervenir à leur encontre dans le cadre de la demande principale.
Les époux R. ont, par la suite, étendu leur demande incidente et ont sollicité la condamnation de la SA I. à leur payer des dommages et intérêts en indemnisation du préjudice subi en raison des fautes commises par la SA dans l'exécution de son mandat.
Par jugement du 15 mars 2005, le tribunal de première instance de Charleroi a déclaré la demande principale de Madame N. contre les époux R. fondée, considérant qu’une faute a été commise par les époux en vendant l’immeuble à un tiers durant le délai contractuel d’un mois imparti à Madame N. pour l’obtention de son prêt. Le premier juge a, en outre, déclaré fondée la demande incidente des époux R., condamnant la SA I. à les garantir des condamnations mises à leur charge.
Décision de la Cour d’appel de Mons
La Cour d’appel de Mons rappelle tout d’abord que les époux R., en leur qualité de mandants, doivent répondre à l'égard des tiers des fautes commises par leur mandataire, la SA I., dans l'exécution de son mandat.
En l'espèce, pareille faute est avérée, la SA I. ayant conclu une seconde vente avec des tiers avant l'expiration du délai donné à Madame N. pour obtenir un prêt hypothécaire destiné à l'acquisition du bien litigieux.
Il résulte des éléments soumis à l'appréciation de la cour que le lien de causalité entre la faute imputée à la SA I. et aux époux R. et le préjudice invoqué par Madame N., à savoir la perte d'une chance d'acquérir l'immeuble litigieux, ne revêt pas le caractère de certitude requis.
En effet, le juge ne peut condamner l'auteur de la faute à réparer le dommage réellement subi s'il décide qu'une incertitude subsiste quant au lien causal entre la faute et ce dommage2.
La Cour constate qu’en l’espèce, un doute sérieux subsiste à cet égard sur l'une des conditions de réalisation du préjudice à savoir l'obtention par Madame N. d'un prêt hypothécaire dans le délai convenu.
La circonstance que Madame N. ait pu obtenir plus d'un an après un emprunt hypothécaire pour financer l'achat d'un immeuble ne change en rien cette analyse.
La réalisation de cette condition demeure donc hypothétique, en sorte qu'il ne peut être considéré que la vente litigieuse serait devenue parfaite par la réalisation de la condition suspensive et que la faute avérée commise par le mandataire des époux R., la SA I., soit en conséquence en relation causale avec le préjudice invoqué.
Par conséquent, la Cour considère que la demande originaire dirigée contre les époux R. doit être déclarée non fondée et l'appel incident de ces derniers est fondé de ce chef.
Bon à savoir
Un agent immobilier qui signe une promesse de vente affectée d'une condition suspensive de l'octroi à l'acquéreuse d'un prêt hypothécaire, et conclut une seconde vente avec des tiers avant l'expiration du délai donné à l'acquéreuse pour l’obtention de son prêt, n’engage pas sa responsabilité.
La réalisation de la condition suspensive étant hypothétique, il ne peut en effet être considéré que la vente litigieuse serait devenue parfaite par la réalisation de la condition suspensive et que la faute commise par l’agent immobilier soit, partant, en lien causal avec le préjudice subi par le bénéficiaire de la promesse de vente.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Mons (18ème Ch.), arrêt du 17 juillet 2007, R.G. 2005/RG/444, disponible sur www.juridat.be
2. Cass., 1er avril 2004, www.juridat.be, n° JC04414_1