Cour de cassation - Loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat
Cour de cassation - Loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat
Présentation des faits1
Le 30 janvier 2006, l’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI) a introduit une requête auprès du Tribunal de commerce de Charleroi, sur base des articles 95 et suivants de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (L.P.C.)2 à l’encontre du notaire G. Cette requête visait:
- la constatation dans le chef du notaire G. d’une activité contraire aux usages honnêtes en matière commerciale, portant atteinte aux intérêts professionnels des agents immobiliers,
- un ordre de cessation de tout acte participant à la négociation de la vente de biens immobiliers, tels que publicité, visite, recherche d’amateurs, discussion du prix, enchères, réception d’offres, etc..
La Cour d’appel de Mons, dans son arrêt du 15 juin 2009, a considéré que lorsqu’une mission de courtage immobilier était exercée à titre accessoire par le notaire, celle-ci, bien qu’étant réputée acte de commerce par l’acte 2 du Code de commerce, n’entrait pas en conflit avec l’interdiction de commercialité imposée par la loi organique du notariat. Toutefois, en l’espèce, les juges d’appel ont estimé que l’activité d’authentification était devenue l’accessoire de l’activité de courtage, et non l’inverse comme le soutient le notaire G. et qu’en conséquence, l’activité de courtage exercée par le notaire G., dès lors qu’elle était l’activité principale, était contraire à l’interdiction posée par la loi de ventôse organisant le notariat.
Un pourvoi en a été introduit cassation contre l’arrêt du 15 juin 2009 de la Cour d’appel de Mons.
Il invoque notamment la violation des articles 1er et 2 du Code de commerce, des articles 1er, 93 et 94 de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur, de l’article 6 de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat et des articles 3, 1° et 4, 1° de l’arrêt royal du 6 septembre 1993. En effet, il est reproché à l’arrêt attaqué d’avoir violé ces dispositions en considérant que toute activité ne se limitant pas aux seuls aspects nécessaires à la préparation juridique de l’acte authentique de vente et comportant la prospection d’amateurs potentiels, de caractère répétitif et organisé, en contrepartie d’une rémunération, est interdite aux notaires, et ce peu importe que l’activité soit effectuée en vue de l’accomplissement de la mission de réception de l’acte authentique de vente, et d’avoir en conséquence estimé que la pratique de courtage poursuivie par tous les notaires de la province de Hainaut était prohibée et contraire aux usages honnêtes en matière commerciale.
Décision de la Cour de cassation
La Cour de cassation commence par rappeler le prescrit de l’article 6, alinéa 1er, 6°, de la loi du 25 ventôse an XI contenant organisation du notariat. Cet article interdit en effet aux notaires d’exercer, par lui-même ou par personne interposée, un commerce.
Toutefois, la Cour de cassation estime que s’il est vrai que l’activité de courtage, étant réputée acte de commerce par l’article 2 du Code de commerce, est en principe interdite aux notaires, tel n’est pas le cas lorsqu’elle est l’accessoire de la mission principale du notaire, à savoir de « recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique et d’en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses ou expédition »3.
Il ressort dès lors de l’analyse de la Cour qu’il est possible pour un notaire appelé à passer l’acte authentique de vente, d’exercer une activité de courtage, nonobstant son caractère commercial.
Bon à savoir
Sur la question de savoir si les notaires pouvaient faire du courtage immobilier, les agents immobiliers considéraient que les notaires leur faisaient une concurrence déloyale. L’Institut professionnel des agents immobiliers (IPI) a notamment fait savoir que la loi organique du notariat interdisait aux notaires d’exercer le commerce, directement ou par personne interposées4. Selon l’article 2 du Code de commerce, le courtage est réputé acte de commerce, ce qui a mené les tribunaux à analyser les conditions auxquelles le notaire pourrait faire de la négociation immobilière.
L’arrêt de la Cour d’appel de Mons du 15 juin 2009, a notamment considéré que les pratiques du notaire en question entraient en conflit avec l’interdiction de commercialité dès lors que l’activité de courtage ne présentait pas dans son chef un caractère accessoire.
Suite à cet arrêt, le notaire s’est pourvu en cassation et la Cour de cassation a considéré que lorsque le courtage est l’accessoire de la mission principale du notaire, ce dernier est autorisé à exercer le courtage5.
En conclusion, bien que le notaire ne soit pas autorisé à rechercher de manière active des missions de courtage, il peut parfaitement accepter une telle mission lorsqu’elle lui est demandé6.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 11 juin 2010, RG n° C090525F-C090526F, www.juridiat.be.
2. A présent insérés dans le Code de droit économique.
3. Voy. Article 1er de la loi du 15 ventôse an XI organisant le notariat.
4. Voyez : B. KOHL., « Notariat et négociation immobilière », J.L.M.B., 2009/37, pp. 1761-1774.
5. Cass., 11 juin 2010, RG n° C090525F-C090526F, www.juridiat.be; B. LOUVEAUX., « [Déontologie] Agents immobiliers - notaires : suite du match », Immobilier 2010, liv. 13, pp. 1-2.
6. G. CARNOY., « Le courtage immobilier des notaires après l'arrêt de la Cour de cassation du 11 juin 2010 », Jurim Pratique, 2014/2, p. 61-87.