Tribunal civil de Tournai - Exigibilité de la commission de l'agent immobilier
Tribunal civil de Tournai - Exigibilité de la commission de l'agent immobilier
Présentation des faits1
Par contrat du 15 novembre 2008, les époux V.-B. ont chargé la SPRL L.de la vente de leur immeuble.
Le contrat de courtage avenu entre les parties a été résilié par courrier du 30 août 2009, prenant ainsi fin le 30 septembre 2009.
Le 28 décembre 2009, les époux V.-B. sont parvenus à vendre leur immeuble à un tiers, qui aurait été en contact avec la SPRL L. en qualité d’acheteur potentiel.
Les époux V.-B. ont refusé de payer la commission de la SPRL L., s’élevant à 9.982, 50 EUR.
Se fondant sur cet article, la SPRL L. a, par citation du 14 juin 2012, cité les époux V.-B. à comparaître devant le tribunal civil de Tournai, afin de les voir condamner à lui payer la somme de 9.982,50 EUR, outre des intérêts.
Les époux V. et B. contestent, outre le fondement de la demande de la SPRL L., la compétence territoriale du tribunal.
Décision du Tribunal civil de Tournai
Quant à la compétence territoriale du juge
Le Tribunal civil de Tournai rappelle tout d’abord que conformément à l’article 624 du Code judiciaire, « sauf exception légale, le demandeur peut, au choix, porter son action notamment devant le juge du lieu dans lequel les obligations en litige ou l'une d'elles sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées ».
Le contrat litigieux a été signé à Gaurain-Ramecroix, dans l'arrondissement judiciaire de Tournai.
Les obligations contractuelles y sont donc nées, de sorte que le tribunal civil de première instance Tournai se déclare territorialement compétent.
Quant au fond
Le Tribunal civil de Tournai rappelle tout d’abord le contenu de l'article 4 des conditions générales de la SPRL L., lequel dispose que « dans le cas où le bien est vendu dans un délai de six mois après l'expiration de la convention à un des candidats acheteurs avec qui l'agence aura traité ou à qui elle aura procuré des informations précises et individuelles sur le bien immobilier, le propriétaire vendeur sera tenu de lui verser la commission intégrale ».
Même à supposer que ces conditions générales soient applicables, le tribunal civil estime cependant que c’est à la SPRL L., qui l'invoque, d'établir que les conditions d'application de cet article sont réunies, conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire.
Le tribunal considère à cet égard que la communication d'une liste d'environ six cents noms, éventuellement accompagnés d'un numéro de téléphone mais sans autre commentaire, ne suffit pas à démontrer que l'agence immobilière a « traité » avec l'une de ces personnes en qualité d’acheteur potentiel du bien litigieux, et encore moins qu'elle lui ait fourni des informations précises et individuelles sur ce bien.
Cette preuve n’est pas non plus suffisamment établie par l’attestation de B. selon laquelle il certifie avoir été en contact avec l'agence immobilière dans le cadre d'une recherche de maisons en vente, mais aucunement dans le cas de la maison litigieuse.
La SPRL L. ne rapporte donc pas la preuve qui lui incombe et n'offre pas de la rapporter autrement.
Au vu de tout ce qui précède, le tribunal civil de Tournai déclare la demande de la SPRL L. non fondée et la condamne aux dépens.
Bon à savoir
Lorsque les propriétaires d'un bien immobilier font appel à un agent immobilier pour rechercher des acquéreurs potentiels, un contrat de courtage est conclu. Il n'est pas rare que ce contrat contienne une clause selon laquelle l'agent peut prétendre à percevoir une commission si le bien est vendu dans un certain délai après l'expiration du contrat de courtage, mais grâce aux prestations fournies par lui. Cette clause permet d'éviter que les vendeurs ne profitent du travail effectué par un agent immobilier sans devoir en payer le prix.
Même si l'agent immobilier peut valablement se prévaloir d'une telle clause, il faut encore qu'il démontre que ses conditions d'application sont réunies. Il lui appartient de prouver qu'il a effectivement traité avec l'acquéreur ou qu'il lui a « procuré des informations précises et individuelles » sur le bien mis en vente.
Si la communication d'une liste des amateurs permet généralement d'éviter toute contestation quant à l'intervention de l'agent dans le recrutement de l'acquéreur2, il en est parfois autrement. En effet, la communication d'une longue liste de noms (environ six cents dans le cas d'espèce), éventuellement accompagnés d'un numéro de téléphone mais sans autre commentaire, ne suffit pas à établir que les conditions de la clause précitée se soient réalisées. Pareil nombre de noms, qui apparaît hautement inhabituel pour un bien ordinaire, plaide plutôt en sens contraire. Ce genre de document laisse à penser qu'il s'agit plus d'une base de données que d'une liste de personnes avec lesquelles l'agent est véritablement entré en contact et a réalisé des prestations à leur égard. Il en va autrement si l'agent peut se prévaloir d'un échange de courriers ou d'emails entre lui-même et l'acquéreur du bien3.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Tribunal civil de Tournai, 7 février 2013, J.T., 2013/21, p. 404.
2. Liège, 26 avril 1988, J.L.M.B., 1998, p. 1381.
3. Mons, 2 décembre 2008, J.L.M.B., 2009/24, p. 1124.