Cassation - Article 57 du Code d'instruction criminelle
Cassation - Article 57 du Code d'instruction criminelle
Présentation des faits1
Des écoutes téléphoniques ont été ordonnées dans le cadre d’une première instruction.
Ces écoutes téléphoniques ont permis de révéler d’autres faits que ceux pour lesquels les écoutes avaient été ordonnées. Monsieur E. a notamment été inculpé sur la base de cette découverte.
Monsieur E. considère que ses droits de la défense ainsi que son droit à un procès équitable ont été violés puisqu’il n’a pas pu avoir accès à l’instruction dans le cadre de laquelle les écoutes téléphoniques avaient été ordonnées.
Dans son arrêt rendu le 6 novembre 2008, la Cour d’appel de Mons, chambre correctionnelle, a déclaré ces écoutes téléphoniques, décidées dans le cadre d’une autre affaire, régulières.
Monsieur E. se pourvoit en cassation contre cette décision et invoque huit moyens.
Décision de la Cour
La Cour de cassation commence par rappeler que le secret de l’instruction, tel qu’exigé à l’article 57, § 1 du Code d’instruction criminelle, justifie que Monsieur E. n’ait pas eu accès au dossier à l’instruction étrangère aux faits portés contre lui et dans le cadre de laquelle les écoutes téléphoniques avaient été ordonnées.
La Cour considère que les juges d’appel n’ont pas méconnu les droits de la défense de Monsieur E., et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, les ordonnances motivées et les pièces d’exécution des écoutes téléphoniques avaient été prélevées dans le dossier de la première instruction et des copies conformes de ceux-ci avaient été versées au dossier soumis aux juges de la Cour d’appel.
Ensuite, Monsieur E. a eu la possibilité de consulter ces copies conformes transférées d’un dossier à l’autre, et ce via le Ministère public.
Enfin, Monsieur E. a pu faire valoir ses arguments à l’audience devant la Cour d’appel de Mons, ainsi que déposer des conclusions. Il a dès lors eu la possibilité de se défendre.
De ces trois constatations, la Cour de cassation constate que les juges d’appel n’ont pas violé les droits de la défense de Monsieur E.
La Cour rejette le moyen de Monsieur E.
Bon à savoir
Lors de la phase préliminaire du procès pénal, le principe du secret de l’information et de l’instruction s’applique. Concernant l’instruction, l’article 57, § 1 du Code d’instruction criminelle dispose en effet que « Sauf les exceptions prévues par la loi, l'instruction est secrète. Toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'instruction est tenue au secret. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal »2.
Le secret de l’instruction contient deux aspects, à savoir le secret vis-à-vis des tiers, notamment les médias, ainsi que le secret à l’égard des parties privées3. Quant au deuxième aspect, l’aspect interne, il est important de souligner que le Ministère public n’est pas concerné par le secret de l’instruction4. Celui-ci peut, en effet, avoir accès au dossier à tout moment. Il peut également être présent lors de tous les actes d’instruction5.
Quant au fondement du secret de l’instruction, celui-ci est double. Il s’agit en effet de permettre aux autorités judiciaires de mener l’enquête de la manière la plus efficace possible. Il s’agit également de respecter la vie privée des personnes présumées innocentes6.
La jurisprudence a toutefois apporté des nuances au principe du secret de l’instruction et a autorisé le juge d’instruction à permettre la contradiction lors de certains actes d’instruction7.
Lorsque des écoutes téléphoniques ont été ordonnées dans le cadre d’une première instruction, et qu’au cours de celles-ci il est découvert des faits commis par un tiers à cette instruction, les droits de la défense ne sont pas violés par le seul fait que l’inculpé n’a pas eu droit d’avoir accès à la première instruction, celle-ci étant protégée par le secret de l’instruction.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cass., 25 février 2009, Pas., 2009, liv. 2, 589.
2. Le secret de l’information est, quant à lui, prévu dans les mêmes termes à l’article 28quinquies, § 1 du Code d’instruction criminelle.
3. H.-D. Bolsy et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, 4ème édition, Bruges, La Charte, 2005, p. 354.
4. O. Michiels, « Le Ministère public est-il tenu au secret de l’instruction ? – ou l’incidence du secret de l’instruction sur l’intervention de la partie publique dans les procédures civiles et pénales », Rev. dr. Lg., 2007, pp. 255 et s.
5. Cass., 26 mars 2003, Pas., I, 656.
6. C.E.D.H., Ernst et consorts c. Belgique, 15 juillet 2003, § 67 ; Cass., 12 juin 1913, Pas., I, 322.
7. Pour plus de détails, voy. notamment N. Banneux, « Le caractère contradictoire de certains actes d’instruction : essai de synthèse », J.T., 2008/4, n° 6296, p. 67.