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DROIT PENAL

INSTRUCTION

14 Octobre 2015

Cour de cassation - Article 57 du Code d'instruction criminelle

Cour de cassation - Article 57 du Code d'instruction criminelle

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Présentation des faits1

Monsieur M. a été entendu par la police puis par le Juge d’instruction. Au cours de l’interrogatoire réalisé par la police, il a avoué avoir commis des infractions. Il a ensuite été inculpé et placé en détention préventive, et ce suite à la délivrance d’un mandat d’arrêt par le Juge d’instruction.

Il n’a toutefois pas été assisté d’un avocat lors de ce premier interrogatoire par les services de police.

Par un arrêt rendu le 12 février 2010, la Chambre des mises en accusation de Bruxelles a confirmé le maintien de sa détention préventive.

Monsieur M. fait grief à cet arrêt d’avoir violé son droit à un procès équitable, et introduit dès lors un pourvoi en cassation. Il invoque la circonstance qu’il n’a pas été assisté d’un avocat lors de son premier interrogatoire.

Décision de la Cour

La Cour de cassation commence par rappeler que la Chambre des mises en accusation ne se prononce pas sur la culpabilité ou l’innocence de Monsieur M. Par son arrêt du 12 février 2010, elle se contentait, en effet, de statuer sur le maintien ou non de la détention préventive de Monsieur M.

La Cour constate donc que l’arrêt attaqué ne fait pas usage de déclarations auto-incriminantes, faites sans la présence d’un avocat, pour fonder une déclaration de culpabilité.

Dès lors, la Cour considère qu’il n’est pas possible de prévoir, à ce stade-ci, si la juridiction de jugement décidera de la culpabilité de Monsieur M., et dans l’affirmative, si elle basera sa décision sur les déclarations faites lors de cet interrogatoire réalisé sans la présence d’un avocat.

La Cour estime ensuite que, contrairement à ce que soutient Monsieur M., le droit interne belge ne confère nullement le droit à la présence d’un avocat lors du premier interrogatoire2. En effet, le secret de l’instruction et de l’information, prévu aux articles 57, § 1 et 28quinquies, §1 du Code d’instruction criminelle, s’oppose en principe à la présence de l’avocat lors des interrogatoires réalisés par la police.

La Cour de cassation affirme également qu’en l’état actuel de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, les articles 6.1 et 6.3, c) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ne prévoient pas l’obligation pour les juridictions d’instruction d’ordonner la levée du mandat d’arrêt en raison du fait que l’inculpé a été entendu par les services de police sans la présence d’un avocat, et a consenti à des aveux au cours de cet interrogatoire.

La Cour de cassation conclut en affirmant que de la seule existence d’aveux consentis lors d’un première interrogatoire réalisé par la police sans la présence d’un avocat, ne constitue pas un obstacle à la poursuite de l’instruction, en ce compris les mesures de contrainte l’accompagnant.

Bon à savoir

Le secret de l’instruction est exigé à l’article 57, § 1 du Code d’instruction criminelle qui prévoit que : « sauf les exceptions prévues par la loi, l'instruction est secrète. Toute personne qui est appelée à prêter son concours professionnel à l'instruction est tenue au secret. Celui qui viole ce secret est puni des peines prévues à l'article 458 du Code pénal »3.

Le secret de l’instruction existe en raison de deux principes fondamentaux. Tout d’abord, le respect de la présomption d’innocence et de la vie privée des personnes impliquées dans un dossier pénal, mais également le fait que la phase préliminaire du procès pénal doit se réaliser de la manière la plus efficace possible4.

Le secret de l’information et l’instruction constitue dès lors le principe de base applicable à la phase préliminaire du procès5. Celui-ci doit toutefois être nuancé.

Il est, en effet, possible pour toute personne interrogée de demander une copie de son audition. Les parties ont également le droit de demander l’accès au dossier lors de l’instruction. Le Procureur du roi, ainsi que les avocats peuvent aussi communiquer certaines informations à la presse6.

Par ailleurs, jusqu’à l’adoption de la « loi Salduz »7 du 13 août 2011, la Cour de cassation considérait que la présence d’un avocat lors des auditions par les services de police n’était pas prévue en droit belge, et ce en raison de l’obstacle créé par le secret de l’instruction et de l’information.

La Cour de cassation considérait également qu’au stade de l’examen par la Chambre  des mises en accusation, la poursuite de la procédure n’était pas empêchée par le seul fait que les déclarations incriminantes du prévu avaient été réalisées sans la présence d’un avocat8.

Dorénavant, l’article 47bis du Code d’instruction criminelle ainsi que les articles 2bis et 16 de la loi du 20 juillet 1990 sur la détention préventive prévoient la présence d’un avocat lors de certains interrogatoires, ce qui a créé une nuance de plus à apporter au principe du secret de l’instruction9.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque. 

______________________________

 

1. Cass., 24 février 2010, J.T., 2010, liv. 6392, p. 389.

2. À cet égard, il convient de souligner que depuis la loi du 13 août 2011, l’article 47bis du Code d’instruction criminelle prévoit le droit à l’assistance d’un avocat dès le premier interrogatoire.

3. Quant au secret de l’information, celui-ci est prévu dans les mêmes termes à l’article 28quinquies, § 1 du Code d’instruction criminelle.

4. M.-A. Beernaert, C. Guillain et D. Vandermeersch, Introduction à la procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 114.

5. Ibid ; Articles 28quinquies, §1 et 57, §1 du Code d’instruction criminelle.

6. Articles 57, §§ 3 et 4 du Code d’instruction criminelle.

7. Loi du 13 août 2011 modifiant le Code d'instruction criminelle et la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive afin de conférer des droits, dont celui de consulter un avocat et d'être assistée par lui, à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté.

8. Voy. par exemple Cass, 11 mars 2009, J.T., 2009, p. 526 et note B. Dufour ; Cass, 26 décembre 2009, R.G. n° P.09.1826.F. inédit ; Cass, 13 janvier 2010, J.T., 2010, p. 74.

9. Pour plus d’informations, voy. notamment A. Leroy, « L’avocat et la loi Salduz »,J.T., 2011, p. 851 ; M.-A. Beernaert, « Salduz et le droit à l’assistance d’un avocat dès les premiers interrogatoires de la police », R.D.P.C., 2009, pp. 971-988.