Cour de cassation - Charge de la preuve
Cour de cassation - Charge de la preuve
Présentation des faits1
Monsieur E. a été condamné pour atteinte au droit d’auteur de Madame B. par un jugement rendu par la Cour d’appel de Gand le 5 janvier 1989.
Dans ce jugement, la Cour d’appel avait condamné Monsieur E. en considérant qu’il n’avait pas apporté la preuve du manque d’originalité de l’œuvre de Madame B.
Monsieur E. se pourvoit en cassation contre cette décision, estimant que la charge de la preuve appartient à la partie poursuivante. Il invoque dès lors la violation des articles 1er, 22 et 23 de la loi du 22 mars 1886 sur le droit d’auteur et la violation du principe général de droit selon lequel la charge de la preuve des éléments constitutifs de l’infraction repose sur la partie poursuivante.
Décision de la Cour
La Cour commence par rappeler que la charge de la preuve appartient à la partie poursuivante en droit belge. Il lui appartient en effet de prouver tous les éléments constitutifs de l’infraction.
La Cour estime dès lors que les juges d’appel ont violé cette règle légale en condamnant Monsieur E. au motif que ce dernier n’avait pas pu apporter la preuve du manque d’originalité de l’œuvre de Madame B.
En l’espèce, la Cour d’appel de Gand, contrairement aux premiers juges, avait considéré que, bien qu’il n’appartienne pas au prévenu d’apporter la preuve des éléments constitutifs de l’infraction, s’il voulait être acquitté, il devait apporter la preuve de son argumentation.
La Cour de cassation ne suit pas ce raisonnement, casse l’arrêt attaqué et renvoie la cause à la Cour d’appel de Bruxelles.
Bon à savoir
Le droit pénal belge consacre le principe de la liberté de la preuve, ce qui signifie que tout moyen de preuve est normalement admis2.
Par ailleurs, le juge est libre d’apprécier souverainement la valeur probante qu’il attache aux preuves présentées devant lui. Un tempérament important à ce principe est la règle selon laquelle les parties doivent avoir eu la possibilité de contredire les preuves présentées à l’audience3.
Quant à la charge de la preuve, celle-ci appartient à la partie poursuivante. Ce principe découle du principe de la présomption d’innocence4. La partie poursuivante doit, dès lors, apporter à la preuve de tous les éléments constitutifs de l’infraction, ce qui comprend aussi bien l’élément moral que l’élément matériel5.
Les juges ne peuvent pas condamner un prévenu au motif que celui-ci devait apporter la preuve du manque d’originalité de l’œuvre qu’il est accusé d’avoir copiée, mais qu’il n’a pas pu rapporter6. La preuve de l’originalité de cette œuvre, et non du manque d’originalité, devait en effet être apportée par la partie poursuivante. En effet, en le condamnant de la sorte, les juges renversent la charge de la preuve.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cassation, 09 octobre 1990, Pas., 1991, I, 139.
2. H.-D. Bosly et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 2003, p. 1104.
3. Cass., 6 septembre 1971, Pas., 1972, I, 12.
4. A. Fettweis, « La charge de la preuve en droit pénal belge et la présomption d’innocence », Les droits de la défense en matière pénale, Liège, Ed. Jeune Barreau, 1985, pp. 133-157.
5. Cass., 11 décembre 1984, Pas., 1985, I, p. 139.
6. Cass., 09 octobre 1990, Pas., 1991, I, 139.