Le droit de vote et ses abus au sein des assemblées générales des sociétés
Les sanctions de l'abus de majorité dans les assemblées générales des sociétés (4/5)
L'abus de majorité peut consister soit en l'adoption d'une décision contraire à l'intérêt de la société ou disproportionnée par rapport au préjudice causé, soit en le rejet disproportionné d'une proposition soumise au vote des associés ou lorsque cette proposition était la seule décision conforme à l'intérêt social 9. La deuxième branche de l'alternative correspondant plus à la situation que l'on rencontre en cas d'abus de minorité, c'est ce régime qui s'applique à cette hypothèse.
Si l'abus de majorité réside en un détournement de pouvoir par les associés majoritaires, l'annulation de la décision illégalement prise peut être poursuivie devant le tribunal de commerce compétent par toute personne intéressée 10. Par 'toute personne intéressée', il faut entendre toute personne pouvant justifier d'un intérêt 11, à l'exception de l'associé qui a voté en faveur de la décision attaquée, sauf si son consentement a été vicié, et de celui qui a renoncé à se prévaloir de l'illégalité, à moins que la nullité ne résulte d'une règle d'ordre public 12. L'action judiciaire doit être intentée dans les six mois (délai préfix) du jour où la décision prise est opposable au demandeur ou est connue de lui 13 à l'encontre de la société qui est réputée avoir pris la décision litigieuse. En cas de succès, l'annulation produit ses effets rétroactivement sur la décision attaquée, ainsi que sur tous les actes et décisions qui exécutent cette décision ou forment avec elle un tout indivisible 14. En cas de motifs graves, la suspension de la décision attaquée, non encore exécutée, peut être demandée auprès du juge des référés 15. En complément ou en remplacement de l'action en annulation, des dommages et intérêts peuvent être réclamés par l'actionnaire fondé à agir en nullité 16.
Si l'abus de majorité consiste en une décision légale mais disproportionnée par rapport au préjudice causé aux associés minoritaires ou tiers intéressés, la théorie générale de l'abus de droit permet à la personne lésée de demander des dommages et intérêts sur base d'un abus du droit de vote tel qu'il a été exercé. L'action peut être intentée à l'encontre des associés majoritaires ou de la société elle-même 17.
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9. O. Caprasse et R. Aydogdu, Les conflits entre actionnaires : prévention et résolution, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 217.
10. Article 178, alinéa 1er du Code des sociétés.
11. Articles 17 et 18 du Code judiciaire.
12. Article 178, alinéa 2 du Code des sociétés.
13. Article 198, § 2, alinéa 3 du Code des sociétés.
14. Tribunal de commerce de Liège (référé), 31 mars 2006, R.D.C., 2006, pp. 1053-1054.
15. Article 179 du Code des sociétés.
16. O. Caprasse et R. Aydogdu, op. cit., p. 227.
17. O. Caprasse et R. Aydogdu, op. cit., pp. 230-231.