Cour d'appel de Bruxelles – Article 561 ancien du code de commerce (article 99 de la Loi sur les faillites du 8 aout 1997)
Cour d'appel de Bruxelles – Article 561 ancien du code de commerce (article 99 de la Loi sur les faillites du 8 aout 1997)
Présentation des faits1
Le 19 décembre 1996, la Société F a fait aveu de faillite au greffe du tribunal de commerce de Nivelles.
Le même jour, le tribunal de commerce de Nivelles a désigné deux experts avec pour mission de «veiller à maintenir l'outil en état et prendre à cet égard toutes initiatives qui conviennent».
Le 23 décembre 1996, statuant sur requête unilatérale de Monsieur A, le président du tribunal de commerce de Nivelles a rendu une ordonnance désignant celui-ci en qualité d'administrateur provisoire de la Société F et condamnant la Société D, ainsi que d'autres fournisseurs, à «poursuivre leur fourniture d'énergie assurée jusqu'à ce jour au profit de la Société F sous peine d'une astreinte horaire d'un million de francs jusqu'à complet rétablissement desdites fournitures».
Cette ordonnance a été signifiée le jour-même. La Société D n'a formé aucun recours.
Le 3 janvier 1997, le tribunal de commerce de Nivelles a prononcé la faillite sur aveu de la Société F, désignant quatre curateurs.
Pendant la période du 20 décembre 1996 au 3 janvier 1997, la Société D a fourni du gaz au profit de la Société F pour un montant total de 936.088 francs.
Le collège des curateurs n'a pas contesté le montant de cette créance mais lui a dénié tout caractère de dette de la masse et tout caractère privilégié.
Le premier juge a décidé que la créance de la Société D constituait une dette de la masse à concurrence de 540.403 francs, correspondant aux livraisons de gaz effectuées entre le 23 décembre 1996 et le 3 janvier 1997.
Le collège des curateurs a donc décidé de faire appel du jugement rendu en première instance et demande à la Cour de rejeter toutes les prétentions de la Société D.
La décision de la Cour
La Cour rappelle l'article 561 ancien du code de commerce qui dispose que l'actif sera réparti, distraction faite notamment des frais et dépenses de l'administration de la faillite.
La cour rappelle également que viennent à charge de la masse, les dettes nées postérieurement à la faillite et qui ont été contractées par le curateur en tant qu'administrateur de la faillite2.
Dès lors, la Cour considère qu’une dette relative à des fournitures d'énergie faites entre l'aveu de faillite et le jugement prononçant la faillite est une dette qui vient à charge de la masse, autrement dit, une dette « dans la masse », et non une « dette de la masse », qui serait remboursée en priorité.
La Cour réforme donc le jugement de première instance en ce qu’il considérait la créance de la société D comme une « dette de la masse », et estime qu’aucun privilège ne peut être accordé à cette créance.
Bon à savoir
Selon l’article 99 de la loi sur les faillites, « le montant de l'actif du failli, déduction faite des frais et dépens de l'administration de la faillite, des secours qui auraient été accordés au failli et à sa famille et des sommes payées aux créanciers privilégiés, est réparti entre tous les créanciers, au marc le franc de leurs créances »3.
Une dette ne peut être mise à charge de la masse que lorsque le curateur a contracté qualitate qua des engagements en vue de l'administration de ladite masse.
Ce n'est que dans pareilles circonstances que la masse doit corrélativement assumer les obligations résultant de cette administration et supporter les charges qui lui incombent4.
Dès lors, une dette relative à des fournitures d'énergie faites entre l'aveu de faillite et le jugement prononçant la faillite est une dette qui vient à charge de la masse, autrement dit, une dette « dans la masse », et non une « dette de la masse », qui serait remboursée en priorité.
Le traitement préférentiel accordé aux dettes de la masse résulte de deux considérations. D’une part, il serait injuste de permettre à la masse des créanciers de tirer profit de la gestion du curateur sans en supporter les charges. D'autre part, ceux qui traitent avec le représentant de la masse doivent avoir l'assurance qu'ils seront payés, à défaut de quoi ils refuseraient de contracter avec lui5.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Bruxelles, 23 mai 2003, J.L.M.B., 2004/22, p. 973-977.
2. Cass., 7 mars 2002, R.D.C., 2002, 389.
3. Article 99 de la loi sur les faillites du 8 août 1997, M.B., 28 août 1997, p. 28562.
4. Cass. 16 juin 1988, aud. plén., Pas., I, 1250; Cass. 26 octobre 2000, Pas., I, 1626.
5. C. JASSOGNE, Traité pratique de droit commercial, Tome II , n°465.