Tribunal de commerce de Mons 3 février 2004 – Article 1184 du Code civil
Tribunal de commerce de Mons 3 février 2004 – Article 1184 du Code civil
Présentation des faits1
En 1995, les époux A ont fait poser des châssis par un entrepreneur pour un prix total de 763.143 francs.
Les époux A ont payé une grosse partie du montant mais ont retenu 28.550 francs, car le travail ne donnait pas satisfaction.
Au fil du temps, les époux A se sont plaint d’infiltrations d’eau, au niveau de la verrière située à l’arrière du bâtiment ainsi qu’au pied des fenêtres situées en façade arrière.
Après plusieurs tentatives infructueuses de réparation, les époux A. ont assigné l’entrepreneur devant le tribunal de commerce de Mons, le 14 février 2001.
Par jugement du 6 mars 2001, le tribunal a désigné Monsieur. B. en qualité d’expert.
Les époux A ont autorisé l’entrepreneur à procéder à de nombreuses tentatives de réparation, qui se sont poursuivies durant l’expertise judiciaire mais toutes ces tentatives se sont révélées inopérantes.
L’expert déposa son rapport le 30 septembre 2002, concluant à la nécessité du remplacement des châssis défectueux. Toutefois, les malfaçons relevées par l’expert concernent la verrière et deux châssis situés en façade arrière et non la totalité des portes et châssis posés par l’entrepreneur.
Les époux A ont sollicité d’une part, la résolution de la convention et d’autre part, le remplacement de l’entrepreneur et des dommages et intérêts.
Décision du tribunal
Le tribunal constate que les deux demandes des époux A poursuivent des objectifs très différents: la résolution tend à la mise à néant du contrat alors que le remplacement et les dommages-intérêts constituent une forme d’exécution forcée de la convention.
Le tribunal rappelle l’article 1184 du Code civil selon lequel « La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts »2.
Pour donner un effet utile à la demande formée par les époux A., le tribunal considère qu’il s’agit en fait d’une demande unique de remplacement judiciaire, c’est-à-dire de faire exécuter les travaux par un autre entrepreneur.
Le tribunal estime que c’est à juste titre que les époux A déclarent avoir perdu confiance dans les compétences de la Société R. et ne souhaitent pas qu’elle remplace elle-même les châssis défectueux.
Le tribunal déclare que la demande des époux A doit dès lors être accordée, sous déduction de la somme de 28.550 francs, soit 707,74 EUR retenue par les maîtres de l’ouvrage.
Le Tribunal condamne donc l’entrepreneur à verser aux époux A, la somme finale de 12.821,41 EUR.
Bon à savoir
L’article 1184 du Code civil prévoit que « La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.
Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances »3.
Le contrat d’entreprise est soumis au droit commun des contrats synallagmatiques, de telle sorte qu’en cas d’inexécution du contrat par l’entrepreneur, le maître de l’ouvrage dispose d’une option entre la résolution du contrat ou l’exécution forcée de celui-ci, en nature ou par équivalent4.
La résolution tend à la mise à néant du contrat alors que le remplacement et les dommages-intérêts constituent une forme d’exécution forcée de la convention.
En fonction de la gravité des griefs invoqués par le maître de l’ouvrage, le juge peut apprécier l’opportunité de prononcer la résolution de la convention5.
Un manquement grave, susceptible d’entraîner la résolution du contrat, est celui qui prive une partie de l’utilité économique qu’elle attendait du contrat6.
Lorsqu’un entrepreneur commet des malfaçons sur une partie des travaux réalisés, la totalité des prestations accomplies par l’entrepreneur n’est pas mise en cause.
Dès lors que le maître de l’ouvrage est en mesure de retirer un bénéfice – ne fut-ce que partiel – de l’exécution des travaux, la résolution judiciaire ne se justifie pas.
Dans ces conditions, la sanction de l’inexécution des obligations de l’entrepreneur consistera en une exécution forcée du contrat.
Toutefois, elle peut être écartée lorsque le maître de l’ouvrage a perdu, pour des raisons valables, toute confiance dans les compétences de l’entrepreneur7.
Dans ce cas, l’entrepreneur sera condamné à verser au maître de l’ouvrage, la somme nécessaire pour faire effectuer les travaux par un autre entrepreneur.
Il est important de noter que l’exécution ou la réparation est en principe un droit pour le débiteur et un devoir pour le créancier8.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Comm. Mons, 3 février 2004, R.G.D.C., 2004, p. 217.
2. Article 1184 du Code civil
3. Article 1184 du Code civil
4. L. SIMONT, J. DE GAVRE et P.A. FORIERS, “Les contrats spéciaux”, R.C.J.B., 1999, p. 817, n˚ 191; Cass. 2 février 1989, Pas., 1989, I, 589; Cass. 15 avril 1994, Pas., 1994, I, p. 76.
5. Cass. 12 novembre 1976, Pas. 1977, I, 291; Cass. 13 mars 1981, J.J.P. 1983, 104; Cass. 31 janvier 1991, Pas. 1991, I, 520
6. S. STIJNS, “Résolution judiciaire et non judiciaire des contrats pour inexécution”, in La théorie générale des obligations, CUP, vol. XXVII, décembre 1998, n˚ 12, p. 214
7. Liège 22 février 1988, J.L.M.B., 1988, 1276; Liège 15 juin 1995, A.J.T., 1995-96, 161
8. P. WERY, « L’exécution en nature des obligations contractuelles », in Les obligations contractuelles, Bruxelles, Ed. Jeune Barreau, 2000, ,°6, p. 349.