Cour de cassation - Article 3 de la loi du 28 décembre 1983
Cour de cassation - Article 3 de la loi du 28 décembre 1983
Présentation des faits1
Madame S. est gérante d’un débit de boissons. Le 30 mars 1984, devant déclarer la valeur locative présumée de son débit de boissons en application de l’article 3 de la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et la taxe de patente, elle a fait une déclaration inférieure à la valeur véritable de ses locaux, et ce dans le but de payer une taxe d’une valeur moindre.
Madame S. n’a par ailleurs payé ni la taxe de patente ni le supplément de la taxe de patente.
Par un arrêt du 31 mai 1991, Madame S. a été condamnée par la Cour d’appel de Bruxelles pour avoir commis des actes, omissions ou manœuvres ayant pour but d’échapper à la taxe de patente prévue par la loi du 28 décembre 1983 précitée.
La Cour d’appel a également conclu à la non-prescription de l’action publique, considérant que tant que Madame S. ne paie pas les taxes dues, la situation infractionnelle se maintient.
Madame S. décide de se pourvoir en cassation contre cette décision.
Décision de la Cour
La Cour commence par rappeler qu’en déclarant une valeur locative insuffisante dans le but d’éluder la taxe prévue par la loi du 28 décembre 1983 sur le débit de boissons spiritueuses et sur la taxe de patente, Madame S. a commis une infraction qui est considérée comme ayant eu lieu le jour de la déclaration requise par l’article 3 de la loi précitée.
La Cour considère ensuite que les infractions commises par Madame S. sont des faits qui se produisent à un moment déterminé par un fait unique, c’est-à-dire par la déclaration de la valeur locative insuffisante ainsi que par le non-paiement de la taxe et du supplément dans les délais requis par la loi.
Qu’il s’agit dès lors d’infractions instantanées.
La Cour rappelle que, concernant les infractions instantanées, le délai de prescription de l’action publique commence à courir dès la commission des infractions. Qu’en l’espèce, il s’agit du 30 mars 1984 pour la déclaration insuffisante de la valeur locative et de l’expiration des délais prescrits par la loi pour les paiements.
La Cour examine, en outre, le moment où l’arrêt attaqué, à savoir l’arrêt du 31 mai 1991 a été rendu. Dès lors qu’il a été rendu six ans après la commission des faits et qu’aucune cause de suspension n’est intervenue, l’action publique était éteinte au moment du prononcé de l’arrêt.
La Cour considère que le motif est fondé, et casse l’arrêt attaqué en tant qu’il condamne Madame S. sur l’action publique.
Bon à savoir
Le droit pénal belge fait la distinction entre trois catégories d’infractions, à savoir les infractions instantanées, les infractions continues et les infractions d’habitude2.
Les infractions instantanées sont caractérisées par « l’accomplissement d’un fait dont la consommation s’achève en un instant »3. L’on peut par exemple citer l’homicide4, le délit de fuite5 ou encore l’arrestation arbitraire6.
Les infractions continues sont caractérisées par « la création et le maintien d’une situation délictueuse »7. Parmi les exemples, l’on retrouve l’association de malfaiteurs8 ou encore la détention arbitraire9.
Les infractions d’habitude sont créées par « la répétition d’un fait illicite qui, pris isolément, ne sera pas susceptible de poursuites »10, par exemple le fait de pratiquer illégalement la médecine11.
Il est important de souligner que le caractère instantané ou non d’une infraction n’est pas affecté par le fait qu’un délai soit requis avant que l’infraction soit consommée12. Lorsqu’un élément constitutif de l’infraction se réalise sur une certaine période, cela est également sans incidence sur le caractère instantané de l’infraction13.
Si les effets de l’infraction persistent dans le temps, ce fait est sans incidence sur le caractère instantané de l’infraction14.
En fonction de la catégorie à laquelle une infraction appartient, le point de départ du délai de prescription sera différent. Il s’agit, en effet, du jour de la consommation pour l’infraction instantanée, du jour où cesse la situation délictueuse pour l’infraction continue et du jour de l’accomplissement du dernier fait pour l’infraction continue15.
Le fait de déclarer une valeur locative insuffisante des biens affectés au débit de boissons spiritueuses, en contravention à l’article 3 de la loi du 28 décembre 1983, constitue une infraction instantanée. Le délai de prescription de l’action publique commence dès lors à courir au moment de la commission de l’infraction, à savoir au moment où la déclaration frauduleuse est réalisée.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. Cour de cassation, 25/11/1992, Pas., I, p. 1302.
2. C. Hennau et J. Verhaegen, Droit pénal général, Bruxelles, Bruylant, 2003, p.57.
3. Ibid.
4. Articles 393 et 419 du Code pénal.
5. Article 33 de la loi sur la circulation routière. Voy. Cass, 4 octobre 1988, Pas., 1989, I, 120.
6. Article 434 du Code pénal.
7. C. Hennau et J. Verhaegen, op. cit., p. 58.
8. Article 322 du Code pénal.
9. Article 434 du Code pénal.
10. C. Hennau et J. Verhaegen, op. cit., p. 58.
11. Article 38 de l’arrêté royal n°78 du 10 novembre 1967. Voy. Mons, 21 mai 1985, Journ. Procès, 14 juin 1985, p. 27.
12. C. Hennau et J. Verhaegen, op. cit., p. 58.
13. Ibid. Voy. par exemple Mons, 28 juin 1989, J.L.M.B., 1991, p. 1168 à propos de l’infraction d’escroquerie.
14.Voy. par exemple Cass., 19 novembre 1985, Pas., 1986, I, p. 329.
15. C. Hennau et J. Verhaegen, op. cit., pp. 58 à 59.