La planification successorale
Planification successorale par le biais de mécanismes contractuels (4/5)
La planification successorale peut également se réaliser par le biais de mécanismes contractuels. À cet égard, nous limiterons nos propos aux clauses de tontine et aux clauses d’accroissement, à l’exclusion d’autres mécanismes, tels que les contrats d’assurance-vie 22.
La clause de tontine et la convention d’accroissement sont des stipulations le plus souvent prévues dans le cadre de l’acquisition par un couple (généralement non marié) d’un immeuble, et qui consistent à prévoir que, dans l’hypothèse du décès d’un des deux co-acquéreurs, le survivant sera le seul propriétaire de l’immeuble. Malgré qu’elles aient un résultat similaire, ces deux clauses ne doivent pas être confondues.
La clause de tontine est une stipulation contractuelle par laquelle les co-acquéreurs acquièrent du vendeur une part du bien sous condition résolutoire du prédécès de l’un par rapport à l’acquéreur de l’autre part, cette même part étant acquise sous condition suspensive de la survie de cet acquéreur par rapport à l’autre. Les parties doivent disposer de chances égales de recueillir la pleine propriété du bien, à défaut de quoi l’administration fiscale peut requalifier la construction en libéralité et percevoir les droits de donation y découlant. La clause de tontine est liée à un acte d’acquisition d’immeuble, dans lequel elle est stipulée ; elle suppose un jeu de conditions suspensives et de conditions résolutoires qui impliquent le vendeur. Cette clause est ainsi caractérisée par l’intervention du vendeur, les co-acquéreurs puisant leurs droits directement du contrat de vente. Toute modification de la clause suppose dès lors l’intervention du vendeur, alors même que ce dernier est étranger à l’opération 23.
La clause d’accroissement est une alternative à la clause de tontine qui a été imaginée par deux notaires. Dans cette clause, les parties se sont mises d’accord sur le fait que lors d’un évènement déterminé (le plus souvent le décès), la part de l’un des indivisaires dans un bien déterminé ou dans certains biens sera de plein droit acquise par l’autre indivisaire 24. Contrairement à la clause de tontine, elle peut être réalisée dans l’acte d’acquisition ou dans un acte postérieur à celui-ci. Elle suppose un jeu de conditions suspensives qui n’impliquent pas le vendeur 25. Le survivant tient ainsi son droit à l’accroissement directement du prémourant et non du vendeur 26.
Ces clauses ne sont pas considérées comme des dispositions à titre gratuit donnant lieu à la perception des droits de succession, mais comme des dispositions à titre onéreux donnant lieu à la perception des droits d’enregistrement, s’il s’agit d’immeubles. Cette caractéristique résulte de la réciprocité des engagements pris par chacun des tontiniers. Sur les immeubles, le survivant paiera uniquement le droit d’enregistrement proportionnel perçu sur les ventes 27 (généralement de 10% en Région flamande et de 12,5% en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale). Sur les meubles, il n’y a aucun droit à acquitter 28.
L’usage de ces clauses permet ainsi aux couples non mariés de recueillir tout ou une partie des biens indivis entre eux, sans devoir payer des droits de succession exhorbitants entre cohabitants de fait, assimilés à cet égard à des « étrangers », au profit de droits d’enregistrement nettement plus avantageux 29. Cet avantage fiscal doit toutefois être nuancé eu égard aux réformes fiscales régionales et parfois divergentes.
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22. B. Cartuyvels, « Les conventions d’accroissement. Quelles difficultés en 2007 ? », in Planification successorale. Aspects civils et fiscaux, Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2008, p. 221.
23. D. Clayes, « Planification successorale. Influence de la tontine (1ère partie) », Immobilier, 2006/19, pp. 5 et 6.
24. D. Michiels, « Tontine et accroissement », in Les régimes matrimoniaux, Kluwer, Bruxelles, 2008, p. 39.
25. Civ. Bruges, 16 janvier 2004, T. Not., 2005, p. 415.
26. D. Clayes, « Planification successorale. Influence de la tontine (1ère partie) », Immobilier, 2006/19, p. 6.
27. Art. 44, CDE.
28. D. Michiels, « Les contrats de mariage comme instruments de planification patrimoniale », in Les régimes matrimoniaux, Kluwer, Bruxelles, 2008, pp. 76-77.
29. D. Clayes, « Planification successorale. Influence de la tontine (1ère partie) », Immobilier, 2006/19, p. 8.