Le débauchage de personnel et le détournement de clientèle
Le débauchage de personnel (2/4)
Le débauchage de personnel est à priori légal et conforme à la libre concurrence et à la liberté du travail. Ceci est vrai même si le débauchage a pour effet de désorganiser l’entreprise qui en est victime, de manière à lui causer un important préjudice 2.
Toutefois, le débauchage devient illicite dans certaines situations. Généralement, on distingue quatre situations de débauchage illicite. Il s’agit des débauchages qui ont pour effet de créer une confusion entre les entreprises, ceux qui déstabilisent une entreprise concurrente, ceux qui ont pour objet de connaître les secrets de fabrication ou de commerce d’une autre entreprise et ceux qui participent au non-respect d’une clause de non-concurrence 3.
1) Le débauchage qui crée une confusion entre entreprises
Le débauchage de personnel est déloyal lorsqu’il vise à créer une confusion entre l’entreprise qui va chercher les membres du personnel d’une entreprise et cette dernière qui s’en sépare. L’objectif poursuivi est généralement de profiter de la renommée et du savoir-faire des personnes débauchées afin d’en faire un argument commercial vis-à-vis des consommateurs. Telle pratique a été condamnée dans une affaire où une société abordait la clientèle en faisant valoir que les services qui seront fournis le seront par des ingénieurs qui travaillaient au sein d’une entreprise concurrente de renommée 4.
2) Le débauchage visant à désorganiser une autre entreprise
Comme il a été dit précédemment, le débauchage est licite même si le débauchage a pour effet de désorganiser l’entreprise qui en est victime, de manière à lui causer un important préjudice. Ce qui rend cette pratique déloyale, c’est l’intention de l’entreprise qui débauche le personnel d’une entreprise, de la désorganiser, voire de détruire ses structures. Il faut donc que la désorganisation ne soit pas seulement un effet du débauchage, mais un objectif poursuivi 5. Un critère qui peut servir à apprécier cette intention déloyale est l’importance du débauchage par apport aux deux entreprises. Ainsi, a été jugé comme étant illicite le fait pour une entreprise de débaucher plusieurs ouvriers alors qu’elle connaissait leur importance pour l’entreprise spoliée et qu’il n’apparaissait pas qu’elle ait eu besoin d’engager autant de travailleurs dans un délai aussi bref 6.
3) Le débauchage ayant pour objet de connaître les secrets de fabrication ou de commerce d’une autre entreprise
Un secret de fabrication est un fait technique qui, dans un processus de fabrication d’un produit déterminé, est de nature à procurer au fabricant des avantages techniques et à lui assurer sur ses concurrents une supériorité de nature telle qu’il y a pour lui un avantage économique à ce qu’il ne soit pas connu de ses concurrents. Ainsi, est déloyal le débauchage par une entreprise d’une personne connaissant un secret de fabrication qui permet de fabriquer les mêmes produits que son concurrent ou des produits tellement proches qu’ils s’y réfèrent 7. En fait, l’entreprise qui se livre à un débauchage peut valablement bénéficier de l’expérience et des compétences acquises par le personnel mais elle ne peut profiter des connaissances spécifiques qui sont propres aux relations commerciales entre une entreprise concurrente et ses clients 8. La difficulté réside dans la distinction à opérer entre l’enrichissement personnel des individus débauchés et ce qui relève du secret d’affaires 9.
4) Le débauchage qui participe au non-respect d’une clause de non-concurrence
Constitue un débauchage déloyal l’entreprise qui prend en charge les conséquences de la violation d’une clause de non-concurrence par une personne qu’elle engage 10. Si l’acte de participation peut prendre diverses formes, on considère qu’elle existe si l’entreprise qui se livre au débauchage fournit une aide effective à la violation d’une clause de non-concurrence 11.
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2. Appel Bruxelles, 17 décembre 2008, R.G. 2008/AR/89.
3. Appel Anvers, 30 mai 2002, Ann. prat. com., 2002, p. 480.
4. Appel Bruxelles, 17 décembre 2008, R.G. 2008/AR/89.
5. Cour du travail de Liège, 22 septembre 2005, Chron. dr. soc., 2006, p. 355.
6. Appel Liège, 4 juin 2009, R.G. n° 2008/1452.
7. Appel Liège, 2 septembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 508.
8. Appel Bruxelles, 7 mai 2002, Ann. prat. com., 2002, p. 462.
9. J. Ligot, F. Vanbossele et O. Battard, Les pratiques loyales, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 155.
10. Appel Bruxelles, 11 octobre 2002, Ann. prat. com., 2002, p. 504.
11. Président du tribunal de commerce de Bruxelles, 2 février 2009, J.T.T., 2009, p. 254.