Jurisprudence en droit de l'Union européenne - Droit du consommateur - CJUE : arrêt du 26 février 2013
Question préjudicielle posée par le Bundesgerichtshof à la CJUE (2/3)
La question préjudicielle est la suivante : « 1. Le passager d’un vol a-t-il droit à une indemnisation en application de l’article 7 du règlement n°261/2004 1 lorsque son vol a subi au départ un retard inférieur aux limites définies à l’article 6, paragraphe 1er, de ce règlement 2, mais qu’il a atteint sa dernière destination avec au moins trois heures de retard par rapport à l’heure d’arrivée prévue ? ».
Autrement dit le juge se pose la question de savoir si :
- L’article 7 du règlement n° 261/2004 3 doit être interprété en ce sens qu’une indemnisation est due, sur le fondement dudit article,
- au passager d’un vol
- avec correspondance
- qui a subi un retard au départ d’une durée inférieure aux seuils fixés à l’article 6 dudit règlement,
- mais qui atteint sa destination finale
- avec un retard égal ou supérieur à trois heures par rapport à l’heure d’arrivée prévue.
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1. L’article 7 stipule que « 1. Lorsqu'il est fait référence au présent article, les passagers reçoivent une indemnisation dont le montant est fixé à:
a) 250 euros pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins;
b) 400 euros pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres;
c) 600 euros pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b).
Pour déterminer la distance à prendre en considération, il est tenu compte de la dernière destination où le passager arrivera après l'heure prévue du fait du refus d'embarquement ou de l'annulation.
2. Lorsque, en application de l'article 8, un passager se voit proposer un réacheminement vers sa destination finale sur un autre vol dont l'heure d'arrivée ne dépasse pas l'heure d'arrivée prévue du vol initialement réservé:
a) de deux heures pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins, ou
b) de trois heures pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 kilomètres et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 kilomètres, ou
c) de quatre heures pour tous les vols ne relevant pas des points a) ou b),
le transporteur aérien effectif peut réduire de 50 % le montant de l'indemnisation prévue au paragraphe 1.
3. L'indemnisation visée au paragraphe 1 est payée en espèces, par virement bancaire électronique, par virement bancaire ou par chèque, ou, avec l'accord signé du passager, sous forme de bons de voyage et/ou d'autres services.
4. Les distances indiquées aux paragraphes 1 et 2 sont mesurées selon la méthode de la route orthodromique.
2. L’article 6, paragraphe 1er énonce que : « 1. Lorsqu'un transporteur aérien effectif prévoit raisonnablement qu'un vol sera retardé par rapport à l'heure de départ prévue:
a) de deux heures ou plus pour tous les vols de 1 500 kilomètres ou moins, ou
b) de trois heures ou plus pour tous les vols intracommunautaires de plus de 1 500 km et pour tous les autres vols de 1 500 à 3 500 km, ou
c) de quatre heures ou plus pour tous les vols qui ne relèvent pas des points a) ou b), les passagers se voient proposer par le transporteur aérien effectif:
i) l'assistance prévue à l'article 9, paragraphe 1, point a), et paragraphe 2, et
ii) lorsque l'heure de départ raisonnablement attendue est au moins le jour suivant l'heure de départ initialement annoncée, l'assistance prévue à l'article 9, paragraphe 1, points b) et c), et
iii) lorsque le retard est d'au moins cinq heures, l'assistance prévue à l'article 8, paragraphe 1, point a) ».
3. Le règlement n° 261/2004 a pour objet, en ce qui résulte de son article 1er, paragraphe 1er, d’octroyer des droits minima aux passagers aériens lorsque ces derniers sont confrontés à trois types de situations distinctes, à savoir en cas de refus d’embarquement contre leur volonté, d’annulation de leur vol et, enfin, de retard de leur vol. Or, il ressort de l’article 2 du règlement n° 261/2004 que le retard d’un vol n’est pas défini dans ledit article. Par ailleurs, il y a lieu de constater que le règlement n° 261/2004 envisage deux situations différentes de retard d’un vol. D’une part, dans certains contextes, tels que celui du retard d’un vol prévu à l’article 6 du règlement n° 261/2004, ledit règlement fait référence au seul retard d’un vol par rapport à l’heure de départ prévue. D’autre part, dans d’autres contextes, le règlement n° 261/2004 cible la situation du retard d’un vol constaté à la destination finale (article 5, paragraphe 1er, sous c, iii, du règlement n°261/2004 : passagers dont le vol a été annulé et auxquels le transporteur aérien propose un réacheminement parviennent à leur destination finale avec un certain retard par rapport à l’heure d’arrivée prévue du vol annulé).
La CJUE considère, tel qu’il a déjà été dit, que lorsque les passagers subissent un retard d’une durée égale ou supérieure à trois heures, ils ont droit, à l’instar des passagers dont le vol initial a été annulé, et auxquels le transporteur aérien n’est pas en mesure de proposer un réacheminement dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 1er, sous c, iii, du règlement n°261/2004, d’un droit à indemnisation sur le fondement de l’article 7 du règlement n° 261/2004, étant donné qu’ils subissent une perte de temps irréversible et, partant, un désagrément analogue, sauf à ce qu’il soit porté atteinte au principe d’égalité de traitement, les passagers de vols retardés et ceux de vols annulés ne sauraient être traités d’une manière différente. Ce désagrément se matérialisant, en ce qui concerne les vols retardés, à l’arrivée à la destination finale, la Cour a jugé qu’un retard doit s’apprécier, aux fins de l’indemnisation prévue à l’article 7 du règlement n° 261/2004, par rapport à l’heure d’arrivée prévue à cette destination. Or, la notion de destination finale est définie à l’article 2, h, du règlement n° 261/2004 comme étant la destination figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans les cas des vols avec correspondances, la destination du dernier vol. Il en résulte que, en cas de vol avec correspondances, seul importe aux fins de l’indemnisation forfaitaire prévue à l’article 7 du règlement n° 261/2004, le retard constaté par rapport à l’heure d’arrivée prévue à la destination finale, entendue comme la destination du dernier vol emprunté par le passager concerné.
L’article 6 du règlement n° 261/2004, se réfère au retard d’un vol par rapport à l’heure de départ prévue, qui vise uniquement à établir les conditions ouvrant droit aux mesures d’assistance et de prise en charge, prévues, respectivement, aux articles 8 et 9 dudit règlement. Il en résulte que l’indemnisation forfaitaire à laquelle a droit un passager, au titre de l’article 7 du règlement n° 261/2004, lorsque son vol atteint sa destination finale avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l’heure d’arrivée prévue, n’est pas subordonnée au respect des conditions énoncées à l’article 6 de ce règlement. Par suite, la circonstance qu’un vol n’ait pas été affecté d’un retard, par rapport à l’heure de départ prévue, excédant les seuils fixés à l’article 6 du règlement n° 261/2004, est sans incidence sur l’obligation pour les compagnies aériennes d’indemniser les passagers d’un tel vol, dès lors que ce dernier a été affecté d’un retard à l’arrivée à la destination finale d’une durée égale ou supérieure à trois heures. La solution contraire constituerait une différence de traitement injustifiée en ce qu’elle reviendrait à traiter différemment les passagers de vols subissant un retard à l’arrivée à leur destination finale égale ou supérieure à trois heures par rapport à l’heure d’arrivée prévue, selon que le retard de leur vol par rapport à l’heure de départ prévue a excédé, ou non, les limites énoncées à l’article 6 du règlement n° 261/2004, et ce, alors que leur désagrément lié à une perte de temps irréversible est identique.