Les obligations du vendeur immobilier
La garantie d'éviction dans la vente immobilière (3/4)
Le Code civil impose au vendeur de garantir l’acquéreur du bien contre son éviction totale ou partielle ou contre les charges pesant sur l’immeuble vendu et qui n’ont pas été déclarées lors de la vente 13. En fait, la loi fait naître dans le chef du vendeur une obligation de garantir à l’acheteur une jouissance paisible de son bien.
L’éviction peut correspondre à la situation dans laquelle un tiers se prétend propriétaire de l’immeuble vendu et réclame son bien. Les charges quant à elles peuvent consister en l’existence d’un droit d’usufruit ou une servitude grevant l’immeuble ou encore d’un bail consenti au profit d’un tiers. Ces charges ne doivent pas être connues de l’acquéreur. À titre d’exemple, le vendeur n’est ni tenu des servitudes qu’il a déclarées ou qui sont apparentes 14, ni des servitudes naturelles ou légales 15. Il appartient au notaire instrumentant d’effectuer les recherches sur l’existence éventuelle de servitudes légales. À défaut, il engage sa responsabilité envers l’acquéreur 16.
Classiquement, on distingue les troubles de droit des troubles de fait. Les premiers sont des prétentions juridiques sur le bien vendu. Les seconds désignent les actions commises sans droit comme des dégradations du bâtiment. Cette distinction n’est pas que terminologique, elle a un impact sur l’obligation qui pèse sur le vendeur. En effet, le vendeur doit garantir l’acheteur tant des troubles de droit que des troubles de fait lorsqu’ils émanent de lui-même. Par contre, seuls les troubles de droit du fait des tiers peuvent lui être reprochés. De plus, le Code dispose que la garantie d’éviction peut être modalisée par les parties et que le vendeur, s’il reste tenu des troubles qui lui sont propres, peut s’exonérer complètement des troubles des tiers 17. Pour ce faire, le vendeur doit absolument s’assurer, notamment par l’insertion d’une clause dans le contrat de vente, que l’acheteur est conscient d’acquérir un immeuble au risque d’être évincé par la cause spécifiquement visée dans la clause. En l’absence d’une déclaration commune des parties sur cette cause d’éviction ou si la convention contient une clause générale, le vendeur reste tenu par les troubles des tiers 18.
Pour que la garantie d’éviction puisse sortir ses effets, les troubles doivent répondre à certains critères. Il faut nécessairement qu’ils soient actuels et non simplement éventuels. L’acquéreur doit être effectivement troublé dans sa jouissance de l’immeuble. Tant que ce n’est pas le cas, il ne peut se retourner contre le vendeur. Dans le cadre de la garantie du fait des tiers, il faut encore que les troubles soient de droit et antérieurs à la vente. L’acquéreur ne peut se plaindre d’une prétention juridique avancée par un tiers née après la vente puisque, par définition, le vendeur n’a plus la propriété de l’immeuble et ne peut consentir de droit sur lui. Fait exception à ce principe, la prescription acquisitive au profit d’un tiers qui a débuté avant la vente et dont l’échéance est imminente. Dans ce cas, l’acheteur peut brandir la garantie d’éviction s’il n’a pas eu un temps raisonnable pour interrompre cette prescription.
Si les conditions sont réunies, l’acquéreur peut faire jouer la garantie d’éviction. En cas d’éviction, l’acheteur peut poursuivre la résolution de la vente ou l’exécution du contrat par équivalent sous la forme de dommages et intérêts. En principe, le choix de la sanction est orienté en fonction de la gravité du trouble, la résolution intervenant lorsque l’éviction est totale et l’indemnisation si elle n’est que partielle ou vénielle. En cas de résolution de la vente, le prix restitué par le vendeur doit correspondre au prix payé, éventuellement augmenté de la plus-value acquise par l’immeuble ou diminué d’une somme équivalente aux dégradations causées par l’acquéreur 19. De plus, la résolution peut s’accompagner de dommages et intérêts complémentaires pour le préjudice subi par l’acheteur de l’immeuble du fait de l’anéantissement de la vente. Lorsque le trouble émane d’un tiers, la garantie d’éviction fait peser sur le vendeur une double obligation. La première réside dans l’obligation du vendeur de prendre fait et cause pour l’acquéreur confronté à la prétention du tiers. En général, le vendeur intervient, volontairement ou en intervention forcée par l’acheteur, dans la procédure judiciaire. Si la prétention du tiers est reconnue, le vendeur doit subir les conséquences de la résolution de la vente ou de l’indemnisation subséquentes 20.
Le Code civil contient un article qui prévoit la forclusion de la garantie d’éviction. Ainsi, l’acquéreur ne peut agir en garantie s’il s’est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l’appel n’est plus recevable, sans appeler son vendeur qui avait des moyens de défense à faire valoir 21. Concrètement, l’acheteur qui décide de se défendre seul, le fait à ses risques et périls 22.
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13. Article 1626 du Code civil.
14. Article 1638 du Code civil.
15. H. De Page, Traité élémentaire de droit civil belge, Tome IV, Vol. 1, 4ème éd., Bruxelles, Bruylant, 1997, p. 238, n° 162.
16. Appel Bruxelles, 4 juin 1998, R.G.A.R., 2000, n° 13.204.
17. Articles 1627 et 1628 du Code civil.
18. Cass., 13 mars 1981, Pas., 1981, I, p. 760.
19. Articles 1630 à 1634 du Code civil.
20. Appel Mons, 28 mai 2004, J.T., 2005, p. 642.
21. Article 1640 du Code civil.
22. B. Kohl, La vente immobilière – Chronique de jurisprudence 1990-2010, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 275.