L’infiltration en procédure pénale
L'infiltration en procédure pénale
La définition de l’infiltration est donnée par le Code d’instruction criminelle à l’article 47octies, §1, alinéa 1. Il s’agit du « (…) fait, pour un fonctionnaire de police, appelé infiltrant, d'entretenir, sous une identité fictive, des relations durables avec une ou plusieurs personnes concernant lesquelles il existe des indices sérieux qu'elles commettent ou commettraient des infractions dans le cadre d'une organisation criminelle visée à l'article 324bis du Code pénal ou des crimes ou des délits visés à l'article 90ter, §§ 2 à 4 ».
L’infiltration est, à côté de l’observation et du recours aux indicateurs, une méthode particulière de recherche. Ces mesures se sont vues donner un cadre légal par la loi du 6 janvier 2003 concernant les méthodes particulières de recherche et quelques autres méthodes d’enquête. Avant l’adoption de cette loi, ces mesures étaient réglées uniquement par des circulaires ministérielles confidentielles 1, ce qui posait problème vu leur caractère attentatoire à la vie privée et au principe du contradictoire 2.
Les méthodes particulières de recherche sont mises en œuvre par les services de police et sont contrôlées par le procureur du Roi 3. Elles doivent, par ailleurs, respecter quatre principes généraux : le principe de proportionnalité, le principe de subsidiarité, l’interdiction de la provocation et l’interdiction de commettre des infractions sauf dans les cas où la loi ou le Procureur du Roi l’autorise 4. Le principe de subsidiarité requiert que les méthodes d’investigation « classiques » soient d’abord utilisées, et que les méthodes particulières de recherche soient mises en œuvre uniquement si ces autres moyens ne semblent pas suffisants à la manifestation de la vérité 5.
Par ailleurs, une caractéristique importante de ces trois méthodes particulières de recherche est la tenue d’un dossier séparé et confidentiel 6. Le procureur du Roi est le seul à avoir accès à ce dossier confidentiel. Si une instruction a été ouverte, le Juge d’instruction peut toutefois le consulter à tout moment 7. Il n’est cependant pas autorisé à mentionner le contenu de ce dossier dans le cadre de l’instruction 8. Lors du contrôle de la régularité des méthodes particulières de recherche, les magistrats de la chambre des mises en accusation ont aussi un droit d’accès au dossier confidentiel 9.
Concernant plus spécifiquement l’infiltration, celle-ci peut être ordonnée pour une période maximale de trois mois, par écrit ou verbalement en cas d’urgence et à condition qu’une confirmation écrite intervienne dans les plus brefs délais 10. L’autorisation d’infiltration peut également être complétée, modifiée, ou prolongée par le procureur du Roi 11.
Un rapport est rédigé par l’officier de police judiciaire qui dirige l’enquête. Ces rapports sont communiqués au procureur du Roi, qui doit être informé lors de l’exécution de chaque phase de la mesure. Ils sont également joints au dossier confidentiel 12.
Par ailleurs, particulièrement dans le cas de l’infiltration, les agents infiltrant sont autorisés par la loi, sous certaines conditions, à commettre des infractions. Lorsqu’ils reçoivent l’accord du procureur du Roi et lorsque la commission de ces infractions est absolument nécessaire, les agents infiltrant bénéficient d’une cause d’excuse absolutoire 13. Parmi les conditions requises par l’article 47quinquies, § 2 du Code d’instruction criminelle, l’on retrouve le fait que les infractions commises ne peuvent pas être plus graves que les infractions pour lesquelles les méthodes sont mises en œuvre et doivent être nécessairement proportionnelles à l’objectif visé 14.
Quant à la sécurité et l’intégrité physique, morale et psychique de l’infiltrant, le procureur du Roi peut prendre les mesures nécessaires pour protéger celui-ci 15.
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1. Ces circulaires dataient du 24 avril 1990 et avaient été modifiées par circulaire du 05 mars 1992.
2. M.-A. Beernaert, C. Guillain et D. Vandermeersch, Introduction à la procédure pénale, Bruxelles, La Charte, 2008, p. 158.
3. Article 47ter, § 2 du Code d’instruction criminelle.
4. D. Chichoyan, “Les droits fondamentaux dans les méthodes particulières de recherche: finalement pourquoi pas?”, J.L.M.B., 2008/14, p. 601.
5. Voy. par exemple Cass., 26 février 2014, Rev. dr. pén., 2014, liv. 7-8, p.791 ; Gand (ch. mis. acc.), 28 juin 2005, Vigiles (F), 2005, liv. 4, p. 131.
6. Articles 47septies, § 1, al. 2, 47novies, §1, al. 2 et 47decies, § 6, al. 3 du Code d’instruction criminelle.
7. D. Chichoyan, op. cit., p. 601.
8. Article 56bis, al. 5 du Code d’instruction criminelle. Voy. D. Chichoyan, op. cit., p. 601.
9. Article 235ter, § 3 du Code d’instruction criminelle. Voy. M.-A. Beernaert, C. Guillain et D. Vandermeersch, op. cit., pp. 163-164.
10. M.-A. Beernaert, C. Guillain et D. Vandermeersch, op. cit., p. 162.
11. Article 47octies, §6 du Code d’instruction criminelle.
12. Article 47novies, §1 et § 2, al. 1 du Code d’instruction criminelle.
13. Article 47quinquies, § 2 du Code d’instruction criminelle. Voy. également M.-A. Beernaert, C. Guillain et D. Vandermeersch, op. cit., pp. 159-160.
14. Pour les autres conditions, voy. l’article 47quinquies du Code d’instruction criminelle.
15. Article 47octies, §2, al. 3 du Code d’instruction criminelle.