L'utilisation du polygraphe au cours d'une audition
L'utilisation du polygraphe au cours d'une audition
Le polygraphe est plus connu sous le nom de détecteur de mensonges.
Ces termes sont toutefois incorrects car le polygraphe ne détecte pas les mensonges. Le principe de cet appareil repose sur l'hypothèse selon laquelle le fait de mentir entraîne des réactions psychophysiologiques. Le polygraphe sert donc uniquement à mesurer avec précision ces réactions, qui peuvent éventuellement révéler des mensonges 1.
En effet, le polygraphe enregistre une série de fonctions corporelles comme le rythme cardiaque, le rythme respiratoire, la pression artérielle ou encore les tensions musculaires. Ces fonctions échappant plus ou moins fortement au contrôle de la volonté de la personne entendue, elles permettent d'évaluer l'état émotionnel de la personne auditionnée 2.
En pratique, le test consiste à poser, à trois reprises (dans l'ordre, dans le désordre puis en demandant à la personne interrogée de répondre non pas verbalement mais en elle-même) à un nombre déterminé de questions dites pertinentes et de questions dites neutres. Le polygraphe déterminera si la personne auditionnée a menti en comparant ses réactions physiologiques lors des réponses aux questions pertinentes par rapport à ses réactions lors des réponses aux questions neutres 3.
L'audition réalisée à l'aide d'un polygraphe reste une audition au sens des articles 47bis à 70bis du Code d'instruction criminelle et doit donc en respecter scrupuleusement les règles. Elle est, en outre, régie par la circulaire ministérielle relative à l'utilisation du polygraphe dans la procédure pénale dont le contenu est repris dans la circulaire des procureurs généraux du 6 mai 2003 4.
Si le droit au procès équitable garanti à chacun n'impose pas la présence de l'avocat de la personne interrogée 5, l'utilisation du polygraphe ne peut aller à l'encontre du droit au silence de la personne qui s'y soumet volontairement 6.
L'utilisation du polygraphe est donc soumise au consentement libre et éclairé de la personne qui est interrogée. Toute forme de pression est interdite et aucune conséquence négative ne peut découler du refus de se soumettre au polygraphe 7.
La personne entendue doit également être informée de manière complète et exacte sur le mode de fonctionnement du polygraphe. Un entretien doit donc avoir lieu entre le polygraphiste et la personne qui se soumet au test, entretien durant lequel le polygraphiste explique en quoi consiste l'audition, annonce les questions et précise que la personne interrogée reste libre de cesser l'audition à tout moment 8.
Le recours au polygraphe ne doit, en outre, être réservé qu'à l'élucidation de crimes ou de délits graves et aux personnes qui sont à même de fournir des éléments essentiels quant à la manifestation de la vérité. Par ailleurs, il s'agit d'une mesure exceptionnelle qui ne peut être utilisée que lorsque la mise en œuvre raisonnable et adéquate d'autres méthodes d'investigations paraît insuffisante 9.
L'audition faite à l'aide du polygraphe fait l'objet d'un enregistrement et est donc soumis à l'article 112ter du Code d'instruction criminelle 10.
Au niveau probatoire, le résultat d'un test du polygraphe ne constitue qu'un élément que le juge peut prendre en compte dans son appréciation des faits. Aucune valeur probante particulière n'est accordée à ce résultat, qui ne peut dès lors pas constituer une preuve en soi mais doit être corroboré par d'autres éléments qui emportent la conviction du juge 11.
Par ailleurs, compte tenu du fait que le polygraphe ne permet pas réellement de détecter les mensonges mais, uniquement de mesurer les réactions dues au stress engendré par les questions posées, une partie de la jurisprudence considère que cette méthode est inopérante pour les hystériques, les psychopathes et les mythomanes, de sorte qu'il y a lieu lorsqu'un inculpé présente de tels traits de personnalité, de vérifier s'il peut être valablement soumis au test du polygraphe et, dans l'affirmative, quel est le degré de fiabilité de ce test 12.
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1. A. Vrij, « Door de mand. Liegen en het ontmaskeren van leugens: Leugens en waarheden over de polygraaf », in De polygraaf, Bruxelles, Politeia, 2000, p. 16.
2. B. Renard, « Quand l'expression de la vérité est attribuée au corps – Etat des lieux et quelques questionnements sur la légitimé de l'utilisation du polygraphe en procédure pénale », A. Leriche (s.l.d.), La criminalistique, du mythe à la réalité quotidienne, Bruxelles, Kluwer, 2002, p. 365.
3. L. Kennes, La preuve en matière pénale, Volume 2, Kluwer, Bruxelles, 2005, p. 417.
4. Ciculaire n° COL 3/2003 du 6 mai 2003 du Collège des procureurs généraux près de la Cour d'appel.
5. Cass., 9 avril 2013, R.G. n° P.12.2018.N.
6. Cass., 15 février 2006, Rev. dr. pén. crim., 2006, p. 682.
7. H.-D. Bolsy et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, La Charte, Bruges, 2003, p. 376.
8. N. Ghislain, « Toute la vérité sur le polygraphe », Journ. jur. 2002/ 16, p. 2.
9. H.-D. Bolsy et D. Vandermeersch, Droit de la procédure pénale, La Charte, Bruges, 2003, p. 376.
10. Article 112ter du Code d'instruction criminelle.
11. Corr. Tournai 14 juin 2001, J.L.M.B., 2002, pp. 694.
12. Mons, 31 mai 2001, J.T., 2004/18, p. 480.