Cour d'appel de Liege - Article 29 de la loi du 4 novembre 1969
Cour d'appel de Liege - Article 29 de la loi du 4 novembre 1969
Présentation des faits1
Les époux N et les propriétaires ont conclu un bail à ferme qui contenait une clause par laquelle les preneurs bénéficiaient d’un droit de préemption, dans le cas où les propriétaires souhaiteraient un jour, vendre la ferme.
Le compromis de vente de base prévoyait que le prix était « payable au plus tard lors de la réalisation de l'acte authentique de vente, à recevoir aux frais de l'acquéreur, au plus tard dans les trente jours de la réalisation de la condition suspensive en cas de non-usage du droit de préemption ou, en cas d'usage du droit de préemption ou de cession de ce droit, dans les trente jours de leur notification » .
Le 9 janvier 2001, une offre de préemption a été notifiée aux époux N, par les propriétaires.
Par lettre du 5 février 2001, les époux N ont accepté l'offre aux conditions du compromis de base et précisé qu’ils paieraient le prix dans le délai imparti, lors de la signature de l'acte authentique.
Par courrier du 13 mars 2001, le notaire des vendeurs a mis en demeure les époux N, de signer l'acte authentique et de payer le prix pour le 29 mars 2001.
Les époux N n’ont pas signé l'acte authentique et n’ont pas payé le prix.
Les époux n’ont pas prouvé avoir eu un engagement avec une banque concernant un écrit et n’ont, en réalité, jamais été en mesure de payer le prix de vente.
En outre, les fonds des époux N, dont leur notaire assurait la présence en son étude, ont fait l’objet d’une saisie-arrêt.
Les propriétaires ont donc décidé de poursuivre les époux N. en responsabilité contractuelle, devant le tribunal de première instance de Namur.
Celui-ci a déclaré la vente résolue aux torts des époux N.
Les époux N. ont donc fait appel de ce jugement.
Par demande incidente, les propriétaires ont sollicité la résolution du bail.
Décision de la Cour d’appel
La Cour constate que les époux N. n’ont pas signé l'acte authentique et n’ont pas payé le prix, de sorte que leur responsabilité contractuelle est engagée.
Elle rappelle l'article 29 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme qui stipule que « si le preneur d'un bien rural ... en général, n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail »2.
La Cour rappelle également le principe de l’exécution de bonne foi des conventions prévu à l’article 1134 du Code civil.
Elle considère que les époux N ont exercé leur droit de préemption de façon particulièrement légère et en sachant qu'ils n'avaient pas la capacité de payer le prix, dans l'unique but de retarder la fin du bail.
Dès lors, la Cour décide que les époux N n’ont pas agi comme un preneur normalement raisonnable et prudent placé dans les mêmes circonstances de fait.
Elle estime donc que cet usage illicite de leur droit de préemption est constitutif d'un abus de droit.
La Cour d’appel confirme donc le jugement entrepris et condamne également les preneurs à la résolution du bail à ferme à leurs torts.
Bon à savoir
Le droit de préemption confère au titulaire de ce droit, accordé légalement ou conventionnellement, la possibilité d’acquérir le bien par priorité aux autres candidats-acheteurs, lorsque le propriétaire décide un jour de vendre le bien loué3.
Ce droit de préemption doit être assimilé à un « right of refusal »4. Ce n’est qu’à partir du moment où le bailleur reçoit l’offre d’un tiers et par rapport à une offre qu’il pourrait accepter, qu’il doit faire une offre de préemption au preneur. Si ce dernier exerce son droit de préemption, il agit comme s’il prenait la place de l’acheteur qui s’est déclaré5.
Le but de ce droit de préemption est de garantir la continuité de l’exploitation agricole en faveur du preneur en cas d’aliénation du bien qui fait l’objet du bail à ferme6.
L'article 29 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme stipule que « si le preneur d'un bien rural ... en général, n'exécute pas les clauses du bail et qu'il en résulte un dommage pour le bailleur, celui-ci peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail »7.
De plus, l’article 1134 prévoit le principe de l’exécution de bonne foi des conventions.
Dès lors, la vente doit être annulée lorsque le preneur qui bénéficie d’un droit de préemption, utilise celui-ci et s'abstient par la suite, de signer l'acte authentique et de payer le prix de vente, en dépit d'une mise en demeure.
En outre, l'exercice léger et illicite du droit de préemption constitue un abus de droit qui peut être accentué par une attitude dilatoire en cours de procédure, au point de justifier la résolution du bail à ferme.
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1. Liège, 1er mars 2004, J.L.M.B., 2004/41, p. 1807-1811.
2. Article 29 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme, M.B., 25 novembre 1969, p. 11304.
3. E. DIRIX, B. TILLEMAN en P. VAN ORSHOVEN, De VAlks Juridisch Woordenboek, Antwerpen, Intersentia, 2001, p. 262.
4. In tegenstelling tot een first offer clausule. Zie voor dit andere modulaties: B. TILLEMAN, “Deel 2: Bijzondere overeenkomsten, A. VERKOOP, DEEL 1: Totstandkoming en kwallificatie van de koop”, in X., Beginselen van Belgisch Privaatrecht, Antwerpen, Story-Scientia, 2001, 280-281.
5. G. BENOIT, R. GOTZEN, G. ROMMEl, Le bail à ferme, Bruxelles, La Charte, 2009, p. 301.
6. E. STASSIJNS, Pacht, in A.P.R., Antwerpen, Story-Scientia, 1997, p. 482, nr. 475.
7. Article 29 de la loi du 4 novembre 1969 sur les baux à ferme, M.B., 25 novembre 1969, p. 11304.