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DROIT IMMOBILIER

BAIL

6 Novembre 2015

Cour de cassation - Articles 1728ter et 1728quater du Code civil

Cour de cassation - Articles 1728ter et 1728quater du Code civil

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Présentation des faits1

Un bail a été conclu entre Monsieur D. et la Société L. Un désaccord existe entre les parties concernant la répartition des frais et charges. La Société L. a réparti les factures concernant la consommation d’eau de l’immeuble en fonction de la superficie de chaque appartement.

Une action en justice a été introduite par Monsieur D., contestant les montants réclamés par la Société L.

La Société L. invoque l’article 9 de l’arrêté du gouvernement wallon du 19 novembre 1993 selon lequel les consommations d’eau doivent être réparties par immeuble  en fonction de la consommation individuelle de chaque locataire. Le comité consultatif doit en outre nécessairement donné son avis sur la répartition. La Société L. a apporté la preuve du procès-verbal de la réunion du comité consultatif des locataires ayant eu lieu le 19 mars 1985.

Les premiers juges ont toutefois constaté que le procès-verbal précité ne prévoyait pas la répartition en fonction de la superficie des appartements. Ils estiment qu’aucune clause dans le bail ne prévoit ce mode de répartition.

Monsieur D. n’a pas contesté qu’il avait bien consommé pour les années 1998, 1999, 2000 et 2001 l’eau et il a ainsi payé les sommes réclamées par la SWDE. Il a seulement commencé à contester lorsque la Société L. lui a réclamé une importante régularisation.

Monsieur D. demande toutefois à être remboursé de la totalité des sommes payées pour sa consommation d’eau et estime que la Société L. est obligée d’apporter la preuve de la quantité d’eau effectivement consommée par Monsieur D.

Le juge de paix du second canton de Verviers, statuant en dernier ressort, dans son jugement rendu le 24 octobre 2003, a considéré que le demandeur doit apporter la preuve du caractère indu des sommes payées sans réserve, et ce conformément à l’article 1315 du Code civil. C’est pourquoi, le premier juge a rejeté la demande de Monsieur D.

Monsieur D. a introduit un pourvoi en cassation contre ce jugement. Il invoque notamment l’article 1728ter, §1er, du Code civil. Selon cet article, à moins que les parties n’aient décidé que les frais et charges seront fixés forfaitairement, ceux-ci doit nécessairement correspondre à des dépenses réelles. L’article 9 de l’arrêté du gouvernement wallon précité rappelle cette règle puisqu’il précise que les dépenses sont réparties en fonction de la consommation individuelle de chaque locataire.

Les dispositions des articles 1728ter et 1728quater sont impératives en faveur du preneur. C’est pourquoi Monsieur D. considère que pour que sa demande de remboursement soit déclarée fondée il suffit que les frais et charges payés ne répondent pas aux conditions impératives de l’article 1728ter du Code civil.

Décision de la Cour

La Cour commence par rappeler que conformément à l’article 1728ter, §1er, alinéas 1er à 3, du Code civil, les frais et charges supportés par le preneur doivent nécessairement correspondre à des dépenses réelles sauf lorsque les parties ont expressément prévu qu’ils seront fixés de manière forfaitaire, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Il ressort également de l’article précité que les frais et charges doivent être repris dans un compte distinct et que les documents établissant ces dépenses doivent être produits.

En application de l’article 1728quater, §1er, alinéa 1er, les sommes payées par le preneur et dépassant celles dues doivent lui être remboursées dès qu’il en fait la demande.

La Cour constate également que ces dispositions sont impératives en faveur du preneur, et ce conformément aux articles 1728ter, §2 et 1728quater, §2 du Code civil. Par conséquent, le preneur ne peut pas y renoncer valablement en cours de bail.

La Cour conclut que le jugement attaqué n’a pas légalement justifié sa décision dès lors que le juge a considéré que le mode de répartition en fonction de la superficie des appartements décidé par la Société L. n’était conforme ni contrat ni à la législation mais a tout de même déclaré la demande de Monsieur D. non fondée au motif qu’il n’apportait pas la preuve du caractère indu des montants payés sans émettre aucune réserve, alors qu’une telle obligation reposait sur lui en vertu de l’article 1315 du Code civil.

La Cour de cassation déclare le moyen fondé et casse le jugement attaqué.

Bon à savoir

Concernant la répartition des frais et charges entre le bailleur et le preneur, celle-ci peut se faire de manière libre par les parties, sauf dans le cas où le législateur a prévu une interdiction légale impérative2.

Quant à la contribution aux frais et charges, ceux-doivent nécessairement correspondre aux dépenses réelles, à moins que les parties en aient convenu autrement dans leur convention3.

L’article 1728ter, §1er, alinéas 2 et 3, du Code civil précise que le preneur a le droit de recevoir un compte distinct reprenant les charges dues4 ainsi qu’une copie des documents justifiant les sommes réclamées5.

Les règles établies de manière impérative par le législateur le sont en faveur du preneur. Pour cette raison, ce dernier ne peut pas y renoncer tant que le bail est en cours. Ces règles ne sont cependant pas d’ordre public. Le preneur est tout à fait autorisé à renoncer à la protection une fois que le bail est terminé6.

 

Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.

_______________________________ 

1. Cass. (1re ch.), 28 avril 2005, Pas., 2005, p. 963.

2. Y. Merchiers, Le bail en général, 3ème édition, Bruxelles, Larcier, 2015, pp. 149 à 150.

3. Article 1728ter, §1er, alinéa 1er, du Code civil.

4. J.P. Liège, 16 janvier 1987, J.L.M.B., p. 332.

5. Civ. Termonde, 23 février 1988, R.W., 1988-89, p. 98.

6. Merchiers, Le bail en général, 3ème édition, Bruxelles, Larcier, 2015, p. 152.