Justice de paix de Binche - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale
Justice de paix de Binche - Article 1 de la loi sur le bail de résidence principale
Présentation des faits1
Depuis le 28 août 1995, Monsieur D. occupait, dans un camping, un terrain appartenant à la SA A.
Le 26 octobre 2002, la SA A. a adressé à Monsieur Robert D., une lettre recommandée écrite comme suit : « Je vous confirme que, compte tenu du nouvel aménagement du site, d'une part, et des exigences de l'urbanisme, d'autre part, nous sommes contraints de vous envoyer le présent renon portant sur la parcelle que vous tenez en location … Ce renon expire le 31 décembre 2002 date pour laquelle vous devez avoir enlevé votre caravane …».
Le 2 mai 2003, la SA A. a déposé une requête en conciliation.
Le 21 octobre 2003, la SA A. a déposé devant la Justice de paix de Binche une requête introductive de la présente instance.
Monsieur D. occupe toujours les lieux.
Décision du juge de paix
Le juge de paix de Binche rappelle tout d’abord que le juge du fond n'est pas tenu par la qualification donnée par les parties à une convention litigieuse conclue par elles. Il peut e effet déterminer la nature juridique exacte sur la base des éléments intrinsèques et extrinsèques à la convention qui lui ont été régulièrement produits, à condition de ne pas violer la foi due à la convention et de ne pas admettre de preuve outre ou contre le contenu de l'acte lorsque la loi s'y oppose2.
Le juge de paix rappelle également que conformément à l’article 1er de la loi du 20 novembre 1991, la loi s'applique aux baux portant sur le logement que le preneur, avec l'accord exprès ou tacite du bailleur, affecte dès l'entrée en jouissance à sa résidence principale.
Il précise ensuite que ni la loi du 20 février 1991 ni celle du 13 avril 1997 ne définissent la notion de résidence principale du preneur. Il s'agit en fait du lieu où le preneur réside effectivement, et à titre principal, c'est-à-dire l'endroit où il organise en fait ses principales activités familiales3.
En l'espèce, il n'est pas contesté que monsieur Robert D. a pour seule résidence sa caravane située sur le terrain qu'il loue à la S.A. A.
Il n'est pas plus contesté que Monsieur D. a pour domicile officiel l'adresse de l'emplacement sur lequel se trouve sa caravane et qu'il consomme de l'eau et de l'électricité à ladite adresse uniquement ni que la date du contrat correspond à celle de l'inscription domiciliaire dans les registres de la population d'Estinnes, soit le 28 août 1995.
Il ne fait aucun doute que la SA A a donné son accord tacite à cette affectation. La SA A ne démontre en outre pas qu'elle a connaissance d'une autre adresse possédée par Monsieur D. Aucune interdiction d'affecter les lieux à la résidence principale, ni au début du contrat ni en cours de celui-ci n'a été portée à la connaissance de Monsieur D. La SA A a d'ailleurs adressé sa lettre de renon à l'adresse du terrain.
Selon le juge de paix, tous ces éléments démontrent à suffisance que la résidence principale de Monsieur D. se situait sur le terrain objet de la location.
Le juge rappelle par ailleurs que l'article 1er, §1er, de la loi du 20 novembre 1991 vise le « logement ». Si l'utilisation de ce vocable pouvait laisser planer un doute par le passé sur l'applicabilité des règles de cette loi aux logements, qui, comme en l'espèce, sont adoptés par une population précarisée (tels un camping, une caravane résidentielle, un chalet), la loi-programme du 24 décembre 20024 a mis fin à cette ambiguïté en définissant le logement comme « un bien meuble ou immeuble ou une partie de celui-ci qui est destiné à la résidence principale du preneur ».
Par conséquent, le juge de paix considère qu’il y a lieu de faire application de la loi sur les baux relatifs à la résidence principale du preneur au cas d'espèce.
Bon à savoir
La notion de résidence principale du preneur n'est pas définie par la loi.
La doctrine l’a définie comme le logement dans lequel habitent effectivement et habituellement le preneur et sa famille5, ce que confirme la définition du logement donnée par la loi-programme du 24 décembre 2002.
La résidence principale du preneur est, autrement dit, l’endroit où celui-ci a installé « son chien, ses pantoufles et sa pipe »6.
Il s’agit d’une question de fait7 qui peut être rapportée par toutes voies de droit. Parmi ces éléments, on peut citer notamment les factures portant sur les consommations d’eau, de gaz et d’électricité8. Cette condition est laissée à l’appréciation souveraine du juge du fond9.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
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1. J.P. Binche, 25 novembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 386.
2. Cass., 22 octobre 1982, Pas., 1983, I, p. 256.
3. Guide du droit immobilier, tome 2, III.2.2-1.
4. Chambre, cinquième session de la cinquantième législature, Doc 50 2124/001 et 2125/001, p. 177.
5. J.-M. LETHIER, « Le bail de résidence principale », in Guide de droit immobilier, t. II, Bruxelles, Kluwer, 1997, p. III.2.2-1 ; M. DAMBRE et B. HUBEAU, Woninghuur, Antwerpen, Kluwer, p. 126 ; J.P. Hamoir, 3 janvier 1995, J.L.M.B., 1995, p. 1660 ; comp. J.P. Wavre, 3 janvier 1991, J.T., 1991, p. 587 ; J.P. Binche, 25 novembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 386 ; J.P. Brasschaat, 6 juin 2000, R.W., 2003-2004, p. 992.
6. J. HERBOTS, « Algemeenheden – De levering in goede staat », in Woninghuur en nieuw algemeen huurrecht, Brugge, Die Keure, 1991, p. 23 ; V. D’HUART, « Le domicile », in Rép. not., t. I, l. VII, éd. 2001, nos 5, 12, 35, 37 et 46.
7. J.P. Tournai, 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.
8. J.P. Paliseul, 13 novembre 1991, J.L.M.B., 1993, p. 1159 ; J.P. Binche, 25 novembre 2004, J.L.M.B., 2006, p. 386.
9. L. HERVE, « La durée du bail de résidence principale », in Le bail de résidence principale, Bruxelles, La Charte, 2006, pp. 62-63 ; J.P. Tournai, 4 septembre 2001, J.L.M.B., 2002, p. 513.