Tribunal de première instance de Nivelles - Article 3, paragraphe 2, de la loi du 20 février 1991
Tribunal de première instance de Nivelles - Article 3, paragraphe 2, de la loi du 20 février 1991
Présentation des faits1
S.P.R.L. T. a donné en location, par contrat verbal, un appartement à Monsieur V. Le bail a commencé le 1er décembre 2006 et a été conclu pour une période de neuf ans.
Le 23 novembre 2010, la S.P.R.L. a notifié à Monsieur V. un congé pour occupation personnelle.
Le 14 février 2011, Monsieur V. a notifié un contre-préavis à la S.P.R.L.
Dans une lettre datant du 7 avril 2011, l’avocat de Monsieur V. écrivait au conseil de la S.P.R.L. que Monsieur R. marquait son accord pour que l’appartement dont elle a pris congé soit occupé, à titre de dépannage, par le palefrenier du bailleur principal. Elle acceptait de ne pas réclamer l’indemnité de dix-huit mois de loyer en cas de non-respect du motif du congé, à condition que le logement du palefrenier reste un dépannage temporaire.
Le 2 avril 2012, date à laquelle le palefrenier occupait toujours l’immeuble, Monsieur V. a introduit une action en justice contre la S.P.R.L.
Par un jugement rendu le 28 août 2012, la justice de paix du canton de Nivelles a condamné la S.P.R.L. pour n’avoir pas occupé personnellement le bien dans le délai légal, alors qu’elle avait donné congé au preneur à cet effet.
La S.P.R.L. a interjeté appel de ce jugement.
Décision
Le Tribunal commence par analyser la législation et la position de la jurisprudence sur la question, avant d’appliquer ces dernières au cas d’espèce.
Tout d’abord, selon l’article 3, paragraphe 3, de la loi du 20 février 1991 sur les baux relatifs à la résidence principale du preneur, le bailleur peut mettre fin au bail, en donnant congé six mois à l’avance au preneur, lorsqu’il désire occuper personnellement le bien. Les lieux doivent, par ailleurs, être occupés dans un délai d’un an suivant l’expiration du congé. Ils doivent être occupés de façon effective et continue pendant au moins deux ans.
Lorsque ces délais et conditions ne sont pas respectés, le bailleur doit payer une indemnité équivalente à dix-huit mois de loyer.
Quant à la faculté de « contre-renon du preneur », le Tribunal analyse l’article 3, paragraphe 5, de la loi précitée ainsi que la position de la jurisprudence sur la question.
Lorsque le bailleur met fin au contrat, le preneur a, en effet, la possibilité de mettre fin au bail moyennant un préavis d’un mois. Dans ce cas, l’indemnité de dix-huit mois de loyer n’est pas due.
La Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 12 octobre 2009, que lorsque le preneur notifiait son « contre-renon » au bailleur, suite au congé donné par ce dernier pour occupation personnelle, aucune indemnité n’était due puisque le bail prenait fin suite au renon donné par le preneur.
La Cour constitutionnelle a donné une interprétation différente à l’article 3, paragraphe 5, de la loi précitée. La Cour constitutionnelle a jugé que « interprété en ce sens que, si le preneur fait usage de la faculté de contre-préavis prévue à l'article 3, § 5, alinéa 3, le bailleur n'est pas libéré de son obligation de réaliser le motif du congé dans les conditions prévues au paragraphe 2, l'article 3, § 2, ... ne viole pas les articles 10, 11 et 23 de la Constitution ».
Quant à la contradiction entre l’arrêt de la Cour de cassation et celui de la Cour constitutionnelle, le Tribunal rappelle que celui de la Cour constitutionnelle est postérieur à celui de la Cour de cassation. En l’espèce, le congé et le contre-congé ont, de plus, été donnés postérieurement à la publication de l’arrêt de la Cour constitutionnelle au Moniteur belge.
C’est pourquoi le Tribunal considère que Monsieur V. avait droit à l’indemnité de dix-huit mois de loyer prévue à l’article 3, paragraphe 2 de la loi précitée.
Le Tribunal estime, néanmoins, que le délai d’un an pour l’occupation effective par le bailleur, commençait à courir à l’expiration du congé donné par le bailleur, et non à l’expiration du contre-congé donné par le preneur. Le Tribunal donne raison au S.P.R.L. et considère que cette dernière devait occuper personnellement les lieux à partir du 31 mai 2012, et non à partir du 27 février 2012.
Bon à savoir
Le bailleur peut mettre fin au contrat de bail de résidence principale pour occuper personnellement le bien, conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la loi du 20 février 1991.
Pour ce faire, le bailleur doit donner congé six mois à l’avance au preneur2.
Par ailleurs, le bailleur doit occuper personnellement le bien dans l’année qui suit l’expiration de son congé3. Il est important de souligner que l’occupation doit être continue, effective et durer pendant au moins deux ans4.
S’il ne respecte pas le délai légal d’un an suivant l’expiration de son congé, le bailleur doit payer une indemnité équivalente à dix-huit mois de loyer5.
Conformément à l’article 3, § 5 de la loi précitée, « lorsque le bailleur met fin au contrat conformément aux §§ 2 à 4, le preneur peut lui aussi à tout moment mettre fin au bail moyennant un congé d'un mois ».
Dans ce cas, le bailleur n’est pas libéré de son obligation d’occuper personnellement le bien. Ce délai d’un an commence toutefois à courir à l’expiration du congé donné par le bailleur, et non pas à l’expiration du contre-congé donné par le preneur.
Ndlr. : la présente analyse juridique vaut sous toute réserve généralement quelconque.
_____________
1. Civ. Nivelles (1re ch.), 10/04/2013, J.T., 2013, p. 383.
2. Article 3, paragraphe 2, alinéa 1er, de la loi du 20 février 1991.
3. Voy. Civ. Bruxelles, 28 juin 2013, J.L.M.B., 2015, p. 1097.
4. Benoit, I. Durant, P. Jadoul, M. Vanwijck-Alexandre,Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006., p. 165.
5 Article 3, paragraphe 2, alinéa 4, de la loi du 20 février 1991.