Après avoir reconstitué le patrimoine de la société, les liquidateurs doivent désintéresser les créanciers sociaux conformément au principe d’égalité entre les créanciers. Ceux-ci doivent être désintéressés en tenant compte des causes de préférence dont certains peuvent bénéficier et dans une proportion semblable à ce que représente leur créance dans la totalité du passif social ²⁵.

Bien que ce principe doive toujours être respecté, il n’a réellement d’influence que si la société en liquidation est déficitaire. Contrairement à la faillite, la liquidation peut tout à fait concerner des sociétés qui sont prospères économiquement.

Les liquidateurs doivent prendre toutes les créances en compte indépendamment du fait qu’elles soient ou non exigibles ²⁶. Ainsi, une créance pourvue d’un terme peut être payée mais, dans la mesure où on va la payer par anticipation, on va lui appliquer une décote tenant compte de la durée séparant le moment du paiement et le moment à partir duquel le paiement sera dû. Cette décote sert de contrepartie à l’avantage que le créancier retire à être payé par anticipation.

Dans sa jurisprudence, la Cour de cassation a développé les contours de ce principe d’égalité entre les créanciers. Un élément fondamental est le droit acquis aux créanciers de la société en liquidation qu’un créancier qui ne bénéficie pas de causes de préférences comme une hypothèque ou un privilège, ne soit pas payé dans une proportion plus forte qu’eux-mêmes. On retrouve un régime sensiblement comparable au principe de suspension des poursuites individuelles en matière de faillite en ce que si les liquidateurs constatent qu’un acte d’exécution posé par un créancier, tel une saisie-exécution, est de nature à léser les autres créanciers, ces liquidateurs peuvent faire opposition à la saisie devant le juge des saisies ²⁷.

Comme la faillite, la liquidation est une situation de concours entre les créanciers. Leur désintéressement va donc s’opérer en fonction de la distinction entre les créances dans la masse et les créances de la masse. Les créances chirographaires et celles munies d’un privilège général nées avant la mise en liquidation sont des dettes dans la masse soumises à une répartition des actifs au marc le franc. Les dettes de la masse correspondent aux créances munies d’un privilège spécial ainsi qu’aux créances chirographaires et celles munies d’un privilège général nées postérieurement à la mise en liquidation, à l’intervention des liquidateurs agissant en leur qualité d’administrateur de la liquidation ²⁸. Les créanciers de la masse passent avant les créanciers dans la masse. Parmi les créanciers de la masse, ceux disposant de privilèges spéciaux ont un traitement encore préférentiel puisqu’ ils passent avant les autres créanciers de la masse.

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25. Articles 7 et 8 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.

26. Article 190 du Code des sociétés.

27. Cass., 24 mars 1977, R.C.J.B., 1977, p. 628.

28. Cass., 16 juin 1988, R.C.J.B., 1990, p. 5.