Les actions en exclusion et en retrait d'associés
Les justes motifs qui justifient l'exclusion ou le retrait judiciaire (3/5)
Le succès des actions en exclusion et en retrait est principalement déterminé par les justes motifs qui justifient l’exclusion ou le retrait de certains associés. Cette notion de justes motifs est le pivot autour duquel s’articulent ces procédures. Si la procédure en dissolution de la société pour justes motifs 10 fait également référence à cette notion, elle doit être interprétée de manière plus large dans le cadre des actions en exclusion et en retrait 11. Ces solutions aux conflits entre associés sont évidemment préférables à la mort de la société qui ne doit intervenir que lorsque l’entreprise est totalement paralysée par ces litiges.
Les justes motifs doivent être mis en perspective avec l’intérêt social 12. C’est l’intérêt de la société qui va gouverner les débats sur l’exclusion ou le retrait des associés. Dans ce dernier cas, c’est néanmoins l’intérêt des associés, qui demandent leur retrait, qui va prévaloir 13.
Les justes motifs ne correspondent pas forcément à des comportements fautifs adoptés par les associés défendeurs à l’action intentée. Le législateur a voulu élargir le champ d’application des actions en exclusion et en retrait. Ainsi, ces recours judiciaires ont une portée générale et visent à résoudre un conflit entre associés qui nuit à la société. L’exclusion ou le retrait d’un associé tient plus de la résolution d’une situation de fait que d’une sanction à l’encontre des associés condamnés par le juge 14.
La plupart des arguments avancés par les demandeurs font partie d’une des deux catégories de justes motifs rencontrés les plus souvent.
La première catégorie regroupe tous les manquements commis par les associés. Le comportement doit léser l’intérêt social au point que les associés fautifs ne puissent raisonnablement plus conserver leur qualité d’associé ou, dans le cadre d’une action en retrait, léser les intérêts des demandeurs de telle manière que l’on ne puisse exiger de ceux-ci le maintien de leur qualité d’associé 15. Ces manquements peuvent notamment prendre la forme d’un détournement d’actifs sociaux, de la participation des associés dans une autre société coupable de concurrence déloyale, de la violation d’un pacte conclu entre associés ou encore d’un abus de droit de vote systématique 16.
La seconde catégorie a trait aux mésintelligences graves entre associés. Il s’agit du cas classique dans lequel l’opposition entre des associés préjudicie la vie de la société allant parfois jusqu’à la paralyser. Si la loi n’exige pas la paralysie de l’entreprise pour que le juge puisse faire droit à la demande d’un associé, la mésintelligence doit être suffisamment importante que pour justifier le départ d’un ou de plusieurs associés. En ce sens, une simple mésentente entre des associés ne justifie pas le transfert immédiat des titres et la perte d’une partie de leur patrimoine 17.
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10. Article 45 du Code des sociétés.
11. Appel Bruxelles, 8 juin 2001, J.L.M.B., 2002, pp. 1350-1356.
12. Appel Liège, 12 septembre 2005, J.L.M.B., 2007, p. 986.
13. Appel Liège, 15 décembre 2005, J.T., 2006, pp. 124-126.
14. Cass., 19 février 2009, R.G. n° C.07.0171.F.
15. Cass., 16 mars 2009, R.D.C., 2009, p. 256.
16. O. Caprasse et R. Aydogdu, Les conflits entre actionnaires : prévention et résolution, Bruxelles, Larcier, 2010, pp. 299-301.
17. Appel Bruxelles, 29 juillet 2009, J.L.M.B., 2010/29, p. 1374.