La responsabilité médicale en l'absence de faute
Les faits générateurs de la responsabilité médicale en l'absence de faute (2/4)
En l'absence de faute du médecin ou de l'hôpital, le dommage causé au patient peut trouver sa source dans un dysfonctionnement du matériel médical. De manière pratique, ce dysfonctionnement peut porter, soit sur les instruments et appareils utilisés, soit sur les substances administrées au patient.
1) L'usage d'instruments ou d'appareils viciés
Lorsque des soins sont prodigués à un patient, il se peut que les instruments ou les appareils utilisés soient viciés et causent ainsi un préjudice à ce patient. Si aucune faute ne peut être retenue dans le chef du médecin ou de l'hôpital quant à l'utilisation d'un matériel vicié, ces derniers peuvent être tenus pour responsables en tant que gardiens de ce matériel. Il s'agit d'une application d'une disposition de droit civil en vertu de laquelle on est responsable des choses que l'on a sous sa garde 2. Concrètement, la loi rend responsable le médecin ou, plus généralement, l'hôpital du préjudice causé par l'utilisation d'instruments ou d'appareils viciés.
Outre son dommage, le patient doit apporter la preuve de plusieurs éléments pour engager la responsabilité du prestataire de soins. Il doit démontrer que l'hôpital ou le médecin était le gardien du matériel défectueux, que ce matériel était effectivement vicié et que le dommage qu'il a subi est dû à l'utilisation de cette chose viciée 3. La qualité de gardien est généralement aisée à établir dans le chef d'un hôpital puisqu'il est admis que cette qualité est reconnue à ceux qui conservent, contrôlent et surveillent l'objet vicié 4. Par contre, l'existence du vice et le lien causal entre ce vice et le dommage subi sont plus ardus à prouver. De manière synthétique, un vice est une caractéristique anormale d'un objet qui le rend, dans certaines circonstances, susceptible de causer un dommage 5. Quant au lien causal, il appartient au patient de démontrer que sans ce vice, il n'aurait pas subi le dommage qui s'est produit 6.
De son côté, le gardien de la chose ne peut alléguer son ignorance du vice car la loi fait peser sur lui une présomption irréfragable de responsabilité. Par contre, il peut tenter de prouver que, malgré le vice du matériel, le dommage du patient tel qu'il s'est produit résulte exclusivement d'une autre cause et qu'il se serait tout de même produit en l'absence de vice 7.
2) La défectuosité des produits employés
Dans certains cas, le préjudice causé au patient trouve son origine dans le caractère défectueux du produit administré à ce patient. Cela concerne tant les substances employées durant l'intervention et les médicaments prescrits après celle-ci que les dispositifs utilisés, comme par exemple des prothèses 8.
Par produit défectueux, la loi entend le produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de son usage normal ou raisonnablement prévisible et du moment auquel le produit a été mis en circulation 9.
En présence de produits défectueux, la loi instaure une responsabilité dans le chef du producteur de ce produit, c'est-à-dire celui qui fabrique tout ou partie de ce produit 10. Si le patient ne doit pas rechercher une faute du producteur, il doit néanmoins démontrer le défaut du produit, le dommage qu'il a subi ainsi que le lien causal entre ces deux éléments 11. Si l'absence de faute n'empêche pas la responsabilité du producteur d'être engagée, ce dernier peut toutefois opposer certaines causes d'exonération. Parmi elles, on peut citer la cause qui exonère le producteur si, compte tenu des circonstances, le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement 12.
_______________
2. Article 1384, alinéa 1er du Code civil.
3. Cass., 14 mai 1999, Bull., n° 283.
4. Cass., 24 janvier 1991, Pas., 1991, I, p. 500.
5. Cass., 19 septembre 1985, Pas., 1986, I, p. 54.
6. G. Genicot, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 405.
7. Cass., 3 septembre 2004, R.G.D.C., 2005, p. 333.
8. G. Genicot, op. cit., p. 411.
9. Article 5 de la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
10. Article 3 de la loi du 25 février 1991.
11. Article 7 de la loi du 25 février 1991.
12. Article 8, alinéa 1er, b de la loi du 25 février 1991.