La responsabilité médicale en l'absence de faute
Vers une responsabilité médicale objective (3/4)
Le droit médical est une des branches du droit les plus propices à contenir un régime de responsabilité objective, c'est-à-dire une responsabilité qui n'est pas fondée sur la faute d'une ou plusieurs personnes.
Comme il a été précédemment dit, une évolution est en marche afin de faire reposer le régime de la responsabilité médicale plus sur la réparation du dommage causé que sur la sanction de l'intervention fautive. Cette conception se rattache à la théorie du risque. En vertu de cette théorie, celui qui exerce une activité qui génère des risques doit en supporter les conséquences vis-à-vis des victimes d'un dommage, et ce, qu'il ait ou non commis une faute 13. L'art médical étant une activité à risque, on pourrait arguer que le médecin est responsable du préjudice subi par le patient quand bien même ce professionnel n'aurait commis aucune erreur médicale.
Certains textes législatifs consacrent une telle responsabilité objective. C'est notamment le cas de la loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, que nous avons évoqué précédemment. Mais de manière générale, la théorie du risque n'a, pour l'instant, pas été consacrée dans notre ordonnancement juridique. Cela s'explique par plusieurs facteurs comme la difficulté de cerner la notion de risque. De plus, sa mise en application serait difficilement viable pour les personnes exerçant une activité à risques 14.
Cela implique que le dommage subi par un patient du fait d'un pur aléa thérapeutique n'ouvre pas un droit à réparation 15. La médecine n'étant pas une science exacte, les patients ne sont pas à l'abri d'un incident fortuit, indépendant de la volonté de tous et imprévisible.
Ces considérations sont en lien avec la problématique des infections nosocomiales. Une infection est dite nosocomiale si elle était absente (ni présente, ni en incubation) à l'admission du patient à l'hôpital. Elle peut avoir une origine endogène quand le patient va s'infecter avec ses propres germes, que ce soit à la suite d'un acte invasif, en raison d'une fragilité particulière, ou encore à la suite d'une conjonction de ces deux circonstances. Elle est dite exogène lorsque l'infection provient de la transmission d'un malade à l'autre par la contamination des instruments de soin, du personnel médical, de l'environnement hospitalier, voire d'une transmission par le personnel médical de ses propres germes 16.
L'impossibilité d'éradiquer les infections nosocomiales, quelles que soient les mesures d'asepsie et d'hygiène prises par le personnel hospitalier et les médecins, de même que la circonstance que le patient peut être contaminé par ses propres germes ou présenter une fragilité particulière, empêchent de considérer, de manière générale, que l'hôpital ou le médecin se seraient engagés à ce que le patient ne contracte aucune infection nosocomiale durant son hospitalisation. Ce n'est que dans des cas particuliers que l'hôpital, en fonction du type d'infection nosocomiale rencontré (infection exogène) et des circonstances connues dans lesquelles le patient a été infecté (infection au départ d'un matériel déterminé, d'un médicament, d'un dispositif ou d'un produit utilisé), peut se voir tenu par un manquement à son obligation de sécurité de résultat 17. Dans les autres cas, le patient peut se tourner vers le régime d'indemnisation des dommages résultant de soins de santé, qui existe depuis quelques années en Belgique.
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13. P. van Ommeslaghe, Droit des obligations, t. II, Bruylant, Bruxelles, 2010, p. 1139.
14. P. van Ommeslaghe, op. cit., pp. 1139 à 1140.
15. G. Genicot, Droit médical et biomédical, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 437.
16. Marc Vanderweckene « Les infections nosocomiales : une simple question d'hygiène hospitalière ? », R.G.A.R., 2002, n° 13568.
17. Appel Liège, 9 janvier 2014, R.G. n° 2012/rg/1633.