La remise au travail d'une victime d'accident du travail
La procédure de remise au travail d'un travailleur victime d'accident du travail (4/5)
En vertu de l'article 23 de la loi du 10 avril 1971, c'est l'entreprise d'assurance qui demande à l'employeur d'examiner la possibilité de remise au travail du travailleur victime. Cette demande est faite lorsque l'entreprise d'assurance considère que la victime n'est pas à proprement parler guérie mais qu'elle a la possibilité de retravailler partiellement, soit avec certains aménagement, soit dans une autre fonction de manière provisoire. 16
Avant tout, il est utile de préciser que l'arrêté royal sur la surveillance de la santé des travailleurs 17 prévoit qu'avant toute remise au travail, un examen devra être fait par le travailleur auprès du conseil en prévention médecin du travail pour certaines postes spécifiques 18. Cet examen aura lieu au plus tôt le jour de la reprise du travail et au plus tard, dans les 8 jours ouvrables qui suivent la reprise du travail. 19
La loi sur les accidents du travail prévoit que la remise au travail ne peut avoir lieu qu'après avis favorable du médecin du travail lorsque cet avis est prescrit par le règlement général pour la protection du travail ou lorsque la victime s'estime inapte à reprendre le travail. 20
Face à cette demande, l'employeur a deux possibilités. Il peut ne rien proposer au travailleur et dans ce cas, ce dernier continuera de toucher ses indemnités d'incapacité temporaire totale jusqu'à reprise du travail ou de la consolidation. 21
Si par contre l'employeur propose un travail adapté, soit le travailleur accepte la proposition soit il la refuse.
Si le travailleur accepte, celui-ci touchera une indemnité correspondant à la différence entre son salaire avant l'accident et le salaire de cette remise au travail. 22 L'objectif du législateur est de pouvoir compenser la perte de rémunération de la victime en complétant le salaire par une indemnité afin qu'il n'y ait aucun préjudice financier.
Si par contre, le travailleur refuse l'offre de travail adapté, le dossier est transmis au médecin du travail qui examinera le travailleur et transmettra ensuite un avis.
Si le médecin du travail considère que le travailleur est apte mais a un motif valable expliquant son refus de remise au travail, celui-ci percevra les indemnités d'incapacité temporaire totale. A défaut de motif légitime, la victime de l'accident de travail ne touchera qu'une indemnité correspondant à son degré d'incapacité de travail.
A cet égard, la loi sur les accidents de travail ne précise pas ce qu'il y a lieu d'entendre par motif légitime. Au regard de la jurisprudence, on considère qu'un motif légitime ne se limite pas à la simple aptitude ou non d'un point de vue médical. 23 Ainsi, un travailleur pourrait refuser l'offre si celle-ci ne constitue pas une vraie remise au travail. Pour le reste, la situation est appréciée au cas par cas. 24
En effet, les travaux parlementaires laissent entendre que c'est aux juridictions d'apprécier ce qui doit être retenu comme motif valable. 25
Ont été considérés comme motifs valables par les juridictions : la fin du contrat de travail (contrat à durée déterminée) 26, le licenciement 27. A contrario, certaines raisons ont été considérées comme non valables. Il s'agit, notamment, de la prépension volontaire 28, la grève 29, etc. 30
Si, par contre, le médecin du travail constate que le travailleur est inapte, ce dernier continuera de percevoir les indemnités d'incapacité temporaire totale, et ce, jusqu'à la reprise du travail. Toutefois, le travailleur peut exercer un recours contre cette décision.
La procédure de recours est prévue par deux instruments juridiques, d'une part par l'arrêté royal du 19 octobre 1993 et d'autre part par celui du 28 mai 2003.
Le recours sera valable s'il est introduit par lettre recommandée auprès du médecin-inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail, dans les sept jours ouvrables de la date d'envoi ou de la remise au travailleur du formulaire d'évaluation de santé. 31
Le médecin inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail convoque, par écrit, à une date et dans un lieu qu'il fixe, le conseiller en prévention-médecin du travail et le médecin traitant du travailleur, en leur demandant de se munir des documents pertinents établissant l'état de santé du travailleur, ainsi que le travailleur en vue d'y être entendu et examiné le cas échéant. 32
La séance de recours doit avoir lieu au plus tard dans les vingt et un jours ouvrables qui suivent la date de réception du recours du travailleur. Dans le cas d'une suspension de l'exécution du contrat de travail du travailleur, due à une mise en congé de maladie, ce délai peut être porté à trente et un jours ouvrables. 33
Si au cours de la séance une expertise est demandée par un médecin, le délai de prise de décision ne peut dépasser trente et un jours ouvrables à partir du jour où la séance a eu lieu.
Lors de la séance définitive, les trois médecins prennent une décision à la majorité des voix.
En cas d'absence du médecin traitant désigné par le travailleur ou du conseiller en prévention-médecin du travail, et en cas de désaccord entre les médecins présents, le médecin inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail prend lui-même la décision.
La décision médicale est consignée par le médecin inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail dans un procès-verbal signé par les médecins présents et est classée dans le dossier de santé du travailleur.
Une copie du procès-verbal consignant la décision prise est communiquée immédiatement à l'employeur et au travailleur par le médecin inspecteur social de la direction générale Contrôle du bien-être au travail. 34
Il y a lieu de préciser que « l'employeur est tenu de continuer à occuper le travailleur qui a été déclaré définitivement inapte par une décision définitive du conseiller en prévention-médecin du travail conformément aux recommandations de ce dernier, en l'affectant à un autre travail sauf si cela n'est pas techniquement ou objectivement possible ou si cela ne peut être raisonnablement exigé pour des motifs dûment justifiés. » 35
Ainsi, l'employeur a l'obligation de remettre au travail son travailleur, il peut s'agir d'un emploi de remplacement, ou un aménagement du poste. A défaut, le travailleur a la possibilité de demander des dommages et intérêts.
L'employeur doit donc établir qu'il n'est techniquement ou objectivement pas possible d'affecter le travailleur à un autre travail ou qu'il ne peut être exigé raisonnablement qu'il en soit ainsi.
Dans cette matière, la preuve de l'impossibilité de reclassement dans une autre fonction ou de la poursuite de l'activité moyennant des aménagements raisonnables doit être apportée par l'employeur. 36
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16. Article 23 de la loi du 10 avril 1971.
17. Arrêté royal du 28 mai 2003 relatif à la surveillance de la santé des travailleurs, M.B., 16 juin 2003.
18. Poste de sécurité, de vigilance, des activités à risque défini, des activités liées aux denrées alimentaires.
19. P. Palsterman, « La réinsertion professionnelle des victimes d'accidents du travail », in (J.-L. Fagnart, dir.) 1903-2003. Accidents du travail ; 100 ans d'indemnisation, Bruxelles., Bruylant, 2003, p. 43.
20. Article 23 de la loi du 10 avril 1971.
21. C. trav. Liège (sect. Namur), 25 nov. 2002, inéd., R.G. no 7241/2002.
22. Cass., 22 septembre 1986, Pas., I, 1987, p. 85.
23. Cass., 28 septembre 1981, Pas., I, 1982, p. 165.
24. M. Jourdan et S. Remouchamps, « La réparation des accidents non mortel », in L'incapacité temporaire de travail, Accidents du travail , Partie I, Livre II, Titre III, Chap. III-10 - Partie I, Livre II, Titre III, Chap. III, Kluwer, 2007, pp. 556 et suiavntes.
25. Doc. parl., Sén., sess. ord. 1969-1970, no 328, p. 17.
26. Cass., 2 novembre 1998, Pas., 1998, p. 469.
27. Cass., 24 octobre 1994, Arr. Cass., 1994, II, p. 872.
28. C. Trav. Bruxelles, 26 mars 1990, J.T.T., 1991, p. 91.
29. Trib. Trav. Verviers ; 3 septembre 1987, J.L.M.B., 1987, p. 1352.
30. B. Vangaever, « La remise au travail et l'article 23 de la loi du 10 avril 1971 », Bull. Ass., 2003, n° 342, pp. 108 et 109.
31. Article 65 de l'arrêté royal du 28 mai 2003.
32. Article 66 de l'arrêté royal du 28 mai 2003.
33. Article 67 de l'arrêté royal du 28 mai 2003.
34. Article 68 de l'arrêté royal du 28 mai 2003.
35. Article 72 de l'arrêté royal du 28 mai 2003.
36. Cour du travail de Liège (section Namur) - arrêt n° F-20111025-8 (2011/AN/14) du 25 octobre 2011 © Juridat, 22 février 2012, www.juridat.be.