La transmission d'un immeuble loué à titre de résidence principale
Le bail de résidence principale n à pas une date certaine antérieure à l'aliénation de l'immeuble (5/5)
La volonté du législateur de protéger le preneur d’un bail de résidence principale s’exprime également lorsque le contrat de bail n’a pas date certaine avant l’aliénation du bien loué. Dans cette situation, deux hypothèses doivent être distinguées selon que le locataire occupe les lieux depuis au moins six mois ou non.
Pour bénéficier de la protection instaurée par la loi, le locataire doit occuper les lieux à titre de résidence principale, et ce, jusqu’à l’aliénation. Si les lieux ne sont plus affectés à la résidence principale du locataire, c’est le régime de droit commun qui s’appliquera 15. Quant à la durée de six moins, elle se calcule par rapport à la transmission du bien 16. Le preneur doit avoir pris effectivement possession des lieux au moins six moins avant que l’acte d’aliénation n’acquiert date certaine. L’occupation est une question de fait dont la preuve incombe au preneur.
1) Le locataire occupe les lieux depuis six mois au moins
Si l’occupation par le locataire dure depuis au moins six mois avant l’aliénation, l’acquéreur sera subrogé dans les droits et obligations du bailleur. La loi applique le même mécanisme que celui prévu dans le cas où le bail a une date certaine antérieure à la transmission. De fait, les éléments qui ont été développés dans le chapitre précédent peuvent être appliqués par analogie à ce cas de figure. Le législateur a tout de même prévu une exception. Il s’agit de la faculté de résiliation offerte à l’acquéreur.
En effet, la loi dispose que : « l’acquéreur peut cependant mettre fin au bail, à tout moment, pour les motifs et dans les conditions visés à l'article 3, §§ 2, 3 et 4, moyennant un congé de trois mois notifié au preneur, à peine de déchéance, dans les trois mois qui suivent la date de la passation de l’acte authentique constatant la mutation de la propriété » 17. L’acquéreur peut donc donner un congé de trois mois au locataire dans les trois mois qui suivent la passation de l’acte authentique d’aliénation. Au-delà de ce délai, l’acquéreur perd cette faculté propre au régime de transmission du bien loué et ne pourra résilier le bail que dans le respect des conditions prévues par l’article 3, §§ 2 à 4 de la loi. Pour rappel, ces dispositions prévoient un congé de six mois au moins. Si l’acquéreur donne un congé prématuré, c’est-à-dire avant que l’aliénation ne soit passée en acte authentique, ce congé ne produit pas d’effets et devra être réitéré dans le délai imparti 18.
Outre le respect des délais, la résiliation du bail par l’acquéreur est soumise aux conditions de résiliation anticipée contenues dans la loi. Deux exceptions ont cependant été édictées. Comme l’article 9 de la loi le précise expressément, la durée du congé est de trois mois et non de six. Ensuite, ce congé peut être donné à tout moment durant les trois mois qui suivent l’aliénation. En cas de congé donné sans motif 19, l’indemnité due au locataire sera donc de neuf ou six mois de loyer quand bien même la résiliation interviendrait au cours et non à l’expiration du premier ou du deuxième triennat 20.
2) Le locataire occupe les lieux depuis moins de six mois
Si la durée d’occupation des lieux est inférieure à six mois, la protection accordée par la loi ne s’applique pas. Le contrat de bail sera inopposable à l’acquéreur qui pourra expulser le locataire par le biais d’une décision judiciaire si le preneur se maintient dans les lieux 21. Quant au preneur, il pourrait se retourner contre le bailleur et obtenir des dommages et intérêts pour manquement du bailleur à son obligation de faire jouir paisiblement le locataire des lieux loués 22.
Par ailleurs, l’acquéreur peut renoncer au bénéfice de l’inopposabilité du contrat de bail. S’il convient d’apprécier cette attitude avec prudence, l’acquéreur qui accepte le paiement de loyers 23, par exemple, pourra être considéré comme renonçant à se prévaloir de l’inopposabilité du bail.
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15. B. Louveaux, Le droit du bail de résidence principale, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1995, n° 285.
16. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul et M. Vanwijck-Alexandre, Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006, p. 396.
17. Article 9, alinéa 2 de la loi relative aux baux de résidence principale.
18. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul et M. Vanwijck-Alexandre, op. cit., p. 418.
19. Article 3, § 4 de la loi relative aux baux de résidence principale.
20. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul et M. Vanwijck-Alexandre, op. cit., p. 421.
21. B. Louveaux, Le droit du bail de résidence principale, op. cit., n° 305.
22. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul et M. Vanwijck-Alexandre, op. cit., p. 451.
23. Comm. Antwerpen, 11 mai 1989, R.W., 1990-1991, p. 547.