Le bail à ferme
L'aliénation du bien loué à titre de bail à ferme (6/7)
Comme il a précédemment été dit, le propriétaire du bien loué est libre d’en disposer. Néanmoins, la loi limite cette liberté en octroyant au preneur un droit de préemption. Ce droit, conférant au fermier la priorité sur les autres acheteurs potentiels, vise à favoriser la perpétuation de l’exploitation agricole en cas d’aliénation par le propriétaire.
Le législateur a élargi le champ des personnes qui peuvent bénéficier de ce droit de préemption. Il y a évidemment le preneur qui exploite 27 le bien loué mais également « ses descendants ou enfants adoptifs ou ceux de son conjoint, ou pour les conjoints desdits descendants ou enfants adoptifs, qui participent effectivement à l'exploitation de ce bien » 28.
Dans la plupart des cas, l’aliénation consiste en une vente. Le bailleur doit communiquer au preneur le projet de vente élaboré avec le candidat-acquéreur pour que le preneur puisse faire valoir son droit. L’acte de vente présenté au fermier est donc conclu sous condition suspensive de son refus d’exercer son droit de préemption. La communication du projet de vente ne doit pas être le fait du vendeur mais d’un notaire 29.
Une fois qu’il a connaissance de l'acte de vente, le preneur dispose d’un délai d’un mois pour donner sa réponse. En cas d’accord du preneur, la vente se forme dès que l’acceptation du preneur est arrivée à la connaissance du propriétaire 30. Si le fermier ne répond pas dans les temps ou répond par la négative, il perd son droit de préemption pour cette aliénation-là 31. En cas de méconnaissance du droit de préemption du preneur, ce dernier peut exiger soit d’être subrogé à l’acquéreur, soit de recevoir une indemnité correspondant à 20 % du prix de vente. Cette indemnité est due dès que le droit mentionné a été méconnu 32.
En cas d’aliénation du bien loué, l’acquéreur est subrogé dans les droits et obligations du bailleur 33. Tout comme dans le cadre des autres baux particuliers, le législateur a pris le parti de protéger fortement le locataire. Ce dernier pourra donc exiger de son nouveau bailleur le respect des termes du contrat de bail. Cette protection complète le droit de préemption accordé au preneur 34. Du point de vue de l’acquéreur, il ne pourra se prévaloir de sa qualité de bailleur qu’après avoir rendu l’acte de l’aliénation opposable au preneur, c’est-à-dire en lui conférant date certaine 35. Par ailleurs, la subrogation n’étant pas rétroactive, le bailleur originaire reste tenu des obligations nées avant l’aliénation du bien36.
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27. Cass., 25 février 2010, R.G. n° C.09.0043.N.
28. Article 47 de la loi du 4 novembre 1969.
29. Article 48, alinéa 1er de la loi du 4 novembre 1969.
30. Article 48, alinéa 2 de la loi du 4 novembre 1969.
31. Appel Liège, 1er mars 2004, J.L.M.B., 2004, p. 41.
32. Cass., 31 janvier 2005, R.G. n° C.03.0004.F.
33. Article 55 de la loi du 4 novembre 1969.
34. G. Benoit, R. Gotzen et G. Rommel, Le bail à ferme, Bruxelles, La Charte, 2009, p. 372.
35. G. Benoit, R. Gotzen et G. Rommel, op. cit., p. 376.
36. E. Stassijns, Pacht, in A.P.R., Antwerpen, Story-Scientia, 1997, p. 471.