La sous-traitance dans le domaine de la construction
La relation entre le sous traitant et le maître de l'ouvrage (4/4)
Comme il a été relevé précédemment, aucun lien juridique direct n'existe entre le maître de l'ouvrage et le sous-traitant. Il est donc logique d'affirmer que le premier ne peut agir en responsabilité contractuelle contre le second 15. La seule possibilité d'action du maître de l'ouvrage demeure la démonstration d'une faute non purement contractuelle commise par le sous-traitant qui a causé un dommage autre que celui résultant de la mauvaise exécution du contrat 16.
Il existe néanmoins une exception légale au principe selon lequel aucun lien juridique direct ne lie le maître de l'ouvrage et le sous-traitant. Il s'agit de l'action directe qui est reconnue au sous-traitant. Ce droit permet à son titulaire d'exercer une action appartenant à l'entrepreneur et dont la source est le contrat conclu entre celui-ci et le maître de l'ouvrage 17. Selon les termes de la loi, le sous-traitant a une action directe contre le maître de l'ouvrage jusqu'à concurrence de ce dont celui-ci se trouve débiteur envers l'entrepreneur au moment où l'action est intentée 18.
Les créances permettant d'introduire une action directe sont nombreuses. Outre le non-paiement de la rémunération, le sous-traitant peut se prévaloir de toute créance issue du contrat de sous-traitance pour justifier l'exercice de l'action directe 19. Toutefois, la créance du sous-traitant à l'égard de l'entrepreneur doit être certaine et exigible 20. Par ailleurs, seules des créances liées aux travaux confiés par le maître de l'ouvrage à l'entrepreneur principal peuvent fonder une action directe 21.
Des conditions à l'exercice de l'action directe existent également au sujet des créances détenues par l'entrepreneur à l'encontre du maître de l'ouvrage. En ce sens, seules les créances de l'entrepreneur relatives au chantier sur lequel intervient le sous-traitant peuvent servir de base à une action directe 22. Par contre, ces créances ne doivent pas nécessairement être exigibles par l'entrepreneur 23 et il n'est pas requis qu'elles concernent les travaux réalisés par le sous-traitant 24.
L'effet d'une action directe est similaire à celui d'une saisie-arrêt. Elle prive l'entrepreneur de son droit d'agir contre le maître de l'ouvrage 25. Ce dernier peut d'ailleurs opposer au sous-traitant toutes les exceptions dont pourrait se prévaloir l'entrepreneur à l'égard du sous-traitant ainsi que toutes les exceptions dont il dispose à l'égard de l'entrepreneur. Cela signifie que si l'entrepreneur est en défaut d'exécution de ses obligations, le maître de l'ouvrage pourra opposer au sous-traitant l'exception d'inexécution qui privera d'effets l'action directe intentée 26. Cependant, ces exceptions ne peuvent valablement être invoquées que si elles existaient déjà au moment où le sous-traitant a manifesté sa volonté d'exercer une action directe 27. C'est ainsi qu'en cas de faillite de l'entrepreneur principal, l'action directe ne peut plus être introduite à partir du jour du jugement déclaratif de faillite 28.
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15. Cass., 14 mai 2004, Pas., 2004, I, p. 836.
16. Cass., 7 décembre 1973, Pas., 1794, I, p. 378 (dit « l'arrêt de l'arrimeur »).
17. Cour Constitutionnelle, 28 juin 2006, C.A., 2006, p. 1335.
18. Article 1798 du Code civil.
19. B. Kohl, « L'action directe des sous-traitants est-elle limitée au secteur de la construction immobilière ? », J.L.M.B., 2008, p. 1475.
20. Appel Bruxelles, 22 mai 2007, Entr. et dr., 2008, p. 65.
21. Cass., 21 décembre 2001, Pas., 2001, I, p. 2207.
22. O. Jauniaux, « L'action directe du sous-traitant. Entre éclaircies et brouillard persistant », R.G.D.C., 2006, p. 261.
23. Cass., 29 octobre 2004, Pas., 2004, I, p. 1697.
24. Appel Bruxelles, 18 mars 2010, Entr. et dr., 2011, p. 70.
25. Cass., 18 mars 2010, Pas., 2010, I, p. 887.
26. P. Henry, « Action directe du sous-traitant : deux nouvelles précisions importantes », J.L.M.B., 2005/24, p. 1042.
27. P. Wéry, Droit des obligations – Volume 1 : Théorie générale du contrat, Larcier, 2010, p. 753, n° 891.
28. Cass., 27 mai 2004, Pas., 2004, I, p. 922.