Les obligations de l'entrepreneur et sa responsabilité
L'obligation de réaliser les travaux dans les temps (5/6)
Une des problématiques récurrentes en matière d'entreprise est celle du respect des délais. En effet, l'entrepreneur est non seulement tenu de bien exécuter les travaux qui lui ont été confiés, mais également de le faire dans les temps.
Lorsque les parties au contrat d'entreprise ont fixé un délai précis pour lequel les travaux doivent être terminés, il est relativement facile de constater le respect ou l'irrespect de cette obligation. Par contre, lorsque les parties n'ont pas prévu de terme ou n'ont déterminé qu'une date indicative, on considère que les travaux doivent être réalisés dans un délai raisonnable 21. La teneur de ce délai raisonnable est appréciée de manière casuistique et il appartient à l'entrepreneur d'agir avec diligence pour réaliser l'ouvrage le plus tôt possible. À cet égard, il a été jugé que le fait pour le maitre de l'ouvrage d'accorder un ultime délai à l'entrepreneur ne signifie pas qu'il renonce à se prévaloir de l'achèvement des travaux dans un délai normal 22.
Pour se prévaloir du retard de l'entrepreneur, le maître de l'ouvrage doit au préalable le mettre en demeure. Cette mise en demeure sert de sommation faite à l'entrepreneur pour que celui-ci s'exécute. En principe, aucune forme particulière n'est requise pour mettre en demeure. Le cas classique étant l'exploit d'huissier mais un courrier ou un email peuvent également servir de mise en demeure s'ils expriment clairement la volonté du créancier que l'obligation soit exécutée 23.
Un mécanisme qui peut se révéler très utile pour le maître de l'ouvrage est l'insertion d'une clause pénale dans le contrat d'entreprise. Pareille clause sanctionne l'entrepreneur du retard qu'il a mis dans la réalisation des travaux qui lui ont été confiés. La sanction prend la forme d'une indemnisation pécuniaire. Le montant de cette indemnité est fixé préalablement par les parties et ne dépend donc pas de l'étendue du dommage subi par le maître de l'ouvrage. Cela a pour conséquence que l'indemnité peut s'avérer beaucoup plus importante que le dommage qu'elle est censée compenser. Si un montant excessif a été prévu, le juge peut réduire ce montant 24. Par contre, le juge ne peut, sauf en cas de contrariété avec l'ordre public 25, annuler cette clause pénale 26. En sens inverse, c'est-à-dire si le montant prévu a priori s'avère inférieur au dommage réel, ce montant ne peut être revu à la hausse 27.
Enfin, si l'existence d'une clause pénale ne dispense pas le maître de l'ouvrage de démontrer l'existence de la faute dans le chef de l'entrepreneur, le maître ne doit pas rapporter la preuve du dommage ni du lien causal qui sont présumés 28.
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21. Appel Anvers, 29 octobre 2002, N.J.W., 2003, p. 964.
22. Appel Bruxelles, 13 janvier 2006, R.J.I., 2007, p. 153.
23. Cass., 16 septembre 1983, Pas., 1984, I, p. 48.
24. Article 1231 du Code civil.
25. Appel Anvers, 20 septembre 2004, R.W., 2006-2007, p. 790.
26. Appel Liège, 11 septembre 2003, R.D.C., 2004, p. 595.
27. A. Delvaux, B. de Cocqueau, R. Simar, B. Devos et J. Bockourt, Le contrat d'entreprise : Chronique de jurisprudence 2001-2011, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 146.
28. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations : Tome II, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 1681.