Les obligations de l'entrepreneur et sa responsabilité
La responsabilité de l'entrepreneur (6/6)
En cas d'inexécution des prestations par l'entrepreneur, le maître de l'ouvrage dispose de plusieurs moyens d'y remédier. Le contrat d'entreprise étant synallagmatique, le maître peut invoquer l'exception d'inexécution pour ne pas payer ou, plus radicalement, demander la résolution judiciaire aux torts de l'entrepreneur 29. Il existe également la faculté légale de demander l'autorisation du juge afin de procéder au remplacement de l'entrepreneur fautif 30. Cela dit, cette possibilité est souvent contenue dans une clause des contrats qui portent sur des constructions de grande envergure.
Même si l'entrepreneur effectue l'entièreté des travaux, le maître de l'ouvrage n'est pas à l'abri de mauvaises surprises. Nous faisons ici allusion aux malfaçons et vices, cachés ou non, n'apparaissant qu'après un certain temps d'occupation des lieux et qui affectent la stabilité ou la solidité du bâtiment. À cet effet, le législateur a prévu une responsabilité particulière à charge des entrepreneurs et des architectes qui court pendant dix années. Il s'agit de la garantie décennale 31. Plusieurs conditions d'application doivent être réunies pour sa mise en œuvre. Tout d'abord, il faut nécessairement un contrat d'entreprise portant sur une construction immobilière. Ensuite, l'action en garantie doit être intentée dans les dix ans qui suivent la réception définitive de l'ouvrage. Néanmoins, le maître de l'ouvrage doit agir avec célérité s'il ne veut pas être déclaré responsable de l'aggravation des dommages. À titre d'exemple, il a été jugé que d'importantes infiltrations d'eaux pouvant mener à la ruine du bâtiment relevaient de la garantie décennale 32. Celle-ci revêt un caractère d'ordre public en ce sens que ni l'entrepreneur ni l'architecte ne peuvent s'en exonérer, même partiellement 33.
Enfin, en ce qui concerne les vices véniels (qui n'affectent ni la solidité ni la stabilité) qui ne sont pas apparents, l'action en responsabilité court également pendant dix ans mais doit être engagée dans un délai utile.
La mise en œuvre de la responsabilité de l'entrepreneur passe nécessairement par la démonstration d'un manquement dans son chef. À cet égard, il est important de distinguer les obligations de moyen ou de résultat qui pèsent sur lui. Cette distinction est importante car face à une obligation de résultat, le maître de l'ouvrage peut se contenter de démontrer que le résultat n'a pas été atteint sans devoir démontrer l'existence d'une faute éventuelle 34. Quant à l'entrepreneur, il ne peut se contenter de démontrer l'absence de faute dans son chef pour préserver sa responsabilité. Il faut encore qu'il prouve que le fait que le résultat n'ait pas été atteint résulte d'une cause totalement étrangère 35.
Par contre, lorsque l'obligation qui pèse sur l'entrepreneur est une obligation de moyen, le maître de l'ouvrage doit prouver que l'entrepreneur n'a pas tout mis en œuvre, n'a pas tout fait pour exécuter son engagement 36. La charge de la preuve est beaucoup plus lourde pour le maître de l'ouvrage.
Le caractère de résultat ou de moyen d'une obligation est appréciée par le juge selon la volonté des parties au contrat, les risques liés à l'objectif poursuivi ou encore la spécialisation de l'entrepreneur 37.
_______________
29. Article 1184 du Code civil.
30. Article 1144 du Code civil.
31. Article 1792 du Code civil
32. Tribunal civil de Nivelles (9ème ch.), 24 octobre 1997, J.L.M.B.i., 2000/4, p. 159.
33. Ibidem.
34. Cass., 10 décembre 1953, Pas., 1954, I, p. 290.
35. Cass., 18 octobre 2001, Pas., n° 555.
36. Cass., 26 février 1962, Pas., 1962, I, p. 723.
37. A. Delvaux, B. de Cocqueau, R. Simar, B. Devos et J. Bockourt, Le contrat d'entreprise : Chronique de jurisprudence 2001-2011, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 92-93.