L'exécution de bonne foi des conventions et l’abus de droit
La bonne foi et ses fonctions en matière contractuelle (1/5)
L'article 1134 alinéa 3 du Code civil dispose que les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi 1.
La bonne foi est un concept ouvert en ce qu'il appartient au juge d'en apprécier la signification exacte dans chaque cas d'espèce, le tout en tenant compte de l'évolution des mœurs et des conceptions sociales 2.
Le principe de l'exécution de bonne foi des conventions a, à l'heure actuelle, une importance considérable en droit belge. C'est un impératif qui domine toute la vie du contrat et s'applique aussi bien pendant la période précontractuelle que pendant l'exécution du contrat ou sa dissolution.
La jurisprudence accorde à la bonne foi plusieurs fonctions.
A l'origine la bonne foi est conçue comme une simple règle d'interprétation des contrats. Les conventions ne sont pas d'interprétation stricte et littérale. Au contraire, le juge doit rechercher quelle a été l'intention des parties compte tenu de l'objectif de la convention 3.
Par la suite, la bonne foi s'est vu attribuer des fonctions supplémentaires.
La jurisprudence assigne à la bonne foi un rôle complétif. Elle permet de compléter le contenu du contrat en y ajoutant des obligations qui n'y sont pas expressément formulées 4 : devoir de renseignement, de conseil, de mise en garde, devoir pour la victime d'une inexécution de prendre toutes les mesures raisonnables pour restreindre son préjudice 5, etc.
Certains auteurs prétendent également que la bonne foi a une fonction adaptatrice ou modificatrice. Cette fonction permettrait au juge d'invoquer la bonne foi pour modifier le contenu d'un droit ou d'une obligation, voire en prononcer l'extinction 6. Cette fonction est notamment défendue par les partisans de la théorie de l'imprévision. La Cour de cassation a, à l'heure actuelle, toujours refusé de reconnaître la fonction adaptatrice de la bonne foi 7.
Enfin, la bonne foi se voit reconnaître une fonction modératrice, en ce qu'elle peut imposer une modération dans l'exercice d'un droit. La bonne foi interdit en effet au bénéficiaire d'un droit ou d'une clause d'en abuser. Il s'agit du principe de l'interdiction de l'abus de droit.
Dans les pages suivantes, nous examinerons la fonction modératrice de la bonne foi et l'interdiction de l'abus de droit qui en découle.
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1. Article 1134 alinéa 3 du Code civil.
2. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t.I, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 169.
3. Article 1156 du Code civil.
4. P. Van Ommeslaghe, Droit des obligations, t.I, Bruxelles, Bruylant, 2010, p. 177.
5. Cass. 17 mai 2001, J.T., 2002, p. 467.
6. S. Stijns « Chronique de juridprudence cité. Les obligations ; les sources », J.T., 1996, p. 689.
7. Cass., 14 avril 1994, Bull., 1994, p. 365.