La responsabilité de l'organe de gestion
L'action en comblement de passif (6/7)
Le législateur a instauré une responsabilité de l’organe de gestion lorsque la société tombe en faillite. Le Code prévoit qu’en cas « de faillite de la société et d'insuffisance de l'actif et s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée dans leur chef a contribué à la faillite, tout administrateur ou ancien administrateur, ainsi que toute autre personne qui a effectivement détenu le pouvoir de gérer la société, peuvent être déclarés personnellement obligés, avec ou sans solidarité, de tout ou partie des dettes sociales à concurrence de l'insuffisance d'actif » 18.
Tout d’abord, il convient de préciser que si cette responsabilité s’applique aux administrateurs de SA et aux gérants de SCA, il n’en est de même au sujet des SPRL et SCRL que si ces sociétés ont réalisé, au cours des trois exercices qui précèdent la faillite, un chiffre d'affaires moyen inférieur à 620 000 euros (hors TVA) et que le total du bilan au terme du dernier exercice n'a pas dépassé 370 000 euros 19.
Plusieurs conditions doivent être remplies pour que cette responsabilité puisse être engagée. La plus élémentaire réside dans l’existence d'un jugement prononçant la faillite de la société. Il faut encore que la faute évoquée ait contribué à cette faillite. Sans devoir en être la cause principale, la faute doit avoir eu l’effet de poursuivre le processus menant à la faillite. Il appartient à la personne se prévalant d’une telle faute de démontrer ce lien de causalité. Ainsi, un administrateur qui n’a pas récupéré des créances sociales ne pourra être inquiété s’il n’est pas établi que la cause en est sa négligence 20.
Le législateur a élargi le cercle des personnes concernées par cette responsabilité car non seulement les administrateurs et gérants sont visés, mais également les anciens membres de l’organe de gestion et les dirigeants de fait. Ces derniers étant ceux qui ont participé activement à la gestion et au fonctionnement de la société 21.
Enfin, la disposition examinée laisse un grand pouvoir d’appréciation aux magistrats. En effet, il leur revient de décider de la condamnation ou non des personnes concernées. En cas de condamnation, celle-ci peut être solidaire ou conjointe et portée sur tout ou partie des dettes sociales. De plus, les magistrats devront se prononcer sur le caractère grave et caractérisé de la faute susmentionnée. Selon la jurisprudence, une faute est de cette nature lorsqu’elle est impardonnable de la part d’un dirigeant raisonnablement prudent et diligent ou qu’elle heurte les normes essentielles de la vie de la société 22. Il en a été jugé de la sorte au sujet d’un administrateur qui trafiquait les bilans comptables d’une société afin de créer l’apparence d’une situation plus saine aux yeux des créanciers 23.
Si l’action en comblement de passif est généralement intentée par le curateur en charge de la faillite, rien n’empêche les créanciers sociaux d’agir concurremment sur cette base légale. Cependant, il leur faudra démontrer l’existence d’un dommage propre, indépendant du préjudice collectif à tous les créanciers créé par la faillite 24.
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18. Article 530, alinéa 1er du Code des sociétés dans le cadre d’une SA.
19. Articles 265 et 409 du Code des sociétés.
20. Appel Liège, 15 juin 2004, J.L.M.B., 2006, p. 909.
21. Cass., 29 novembre 1971, R.P.S., 1973, p. 24.
22. Appel Liège, 10 juin 2010.
23. Appel Mons (14e ch.), 18 mai 2006, J.L.M.B., 2006, p. 472.
24. Cass., 10 décembre 2008.