La résiliation du bail de résidence principale
La résiliation par le bailleur pour cause d'occupation personnelle (2/7)
Le bailleur peut résilier le contrat de bail, à tout moment, s’il a l’intention d’occuper les lieux personnellement ou que ses proches les occupent. Par ses proches, il faut entendre ses descendants, ses enfants adoptifs, ses ascendants, son conjoint, les descendants, ascendants et enfants adoptifs de celui-ci, ses collatéraux et les collatéraux de son conjoint jusqu’au troisième degré 6. Afin de contrer les éventuelles manigances d’un bailleur de mauvaise foi, le terme conjoint doit être interprété strictement et ne pas s’étendre au concubin ou au cohabitant. En effet, il s’agit d’éviter que le bailleur ne se trouve un ami ou une amie pour pouvoir résilier le bail sous couvert du régime examiné 7.
L’occupation de l’immeuble ne doit pas coïncider avec l’obligation pour le bailleur ou ses proches d’habiter les lieux. Il suffit que le bailleur en ait la jouissance indépendamment de la nature de cette occupation. L’occupant peut y installer sa résidence principale comme secondaire ou encore le siège de ses activités professionnelles 8. Cependant, si l’occupation ne doit pas être permanente 9, elle doit néanmoins être réelle et effective en ce sens que le bailleur ne peut relouer l’ensemble du bien ni utiliser l’adresse de l’immeuble comme simple boîte aux lettres 10. La loi fixe des délais qui encadrent l’occupation du bien. « Les lieux doivent être occupés dans l’année qui suit l’expiration du préavis donné par le bailleur ou, en cas de prorogation, la restitution des lieux par le preneur » 11. De plus, ils doivent rester occupés effectivement et de façon continue pendant au moins deux ans. Le bailleur peut procéder à la réalisation de travaux en vue d’occuper les lieux 12.
La résiliation du bail pour occupation personnelle ne peut s’opérer qu’avec un congé de six mois donné au preneur 13. Le point de départ de ce congé réside dans le premier jour du mois qui suit le mois durant lequel le congé est donné 14. Selon une thèse majoritaire, le congé est considéré comme donné le jour de la réception réelle ou possible du congé par le locataire 15. La loi n’impose aucune forme à respecter dans la notification du congé. Toutefois, la tenue d’un écrit se révèle pratique pour le bailleur, qui peut ainsi se ménager une preuve du congé et remplir son obligation de renseigner le preneur sur l’identité du futur occupant et le lien de parenté qui les unit. D’ailleurs, le preneur peut exiger la preuve de ce lien de parenté que le bailleur doit apporter dans les deux mois qui suivent la notification à défaut de quoi le preneur pourra demander la nullité du congé 16.
L’occupation réelle et effective peut être soumise au contrôle du juge. L’appréciation du magistrat se fonde sur un faisceau d’indices indiquant l’occupation effective des lieux. Il peut s’agir de la présence de meubles, de l’existence de factures énergétiques ou du constat que le courrier est régulièrement relevé 17. La démonstration du non-respect des prescrits légaux incombe au preneur 18 qui peut notamment agir en référé pour qu’un huissier soit désigné et se rende sur les lieux pour procéder au constat. Si la preuve est apportée, le juge condamnera le bailleur à payer une indemnité forfaitaire de dix-huit mois de loyer au preneur 19. Le preneur ne peut réclamer une réparation en nature qui consisterait en une continuation du bail 20. Le bailleur ne peut échapper à cette sanction que s’il justifie le non-respect par l’existence de circonstances exceptionnelles imprévisibles et indépendantes de sa volonté 21. Il en est ainsi du décès de l’occupant, d’une détérioration grave de son état de santé ou de dommages causés par le fait de tiers 22.
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6. Article 3, § 2, alinéa 1er de la loi du 20 février 1991 comportant les règles particulières aux baux relatif à la résidence principale du preneur.
7. Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1990-1991, n° 1357/10, p. 58.
8. Juge de paix de Wolvertem, 18 janvier 1996, Huurrecht, 1996, p. 79.
9. Tribunal civil de Nivelles (1ère ch.), 10 avril 2013, J.T., 2013, p. 386.
10. Juge de paix de Lessines, 18 novembre 1998, Act. jur. Baux, 1999/5, p. 70.
11. Article 3, § 2, alinéa 3 de la loi du 20 février 1991.
12. B. Louveaux, Le droit du bail de résidence principale, Bruxelles, De Boeck-Wesmael, 1995, n° 149.
13. Lorsque le congé est donné en vue de permettre l’occupation du bien par des collatéraux du troisième degré, le délai de préavis ne peut expirer avant la fin du premier triennat à partir de l’entrée en vigueur du bail.
14. Article 3, § 9 de la loi du 20 février 1991.
15. Juge de paix de Molenbeek-Saint-Jean, 14 avril 1998, J.L.M.B., 1998, p. 1446.
16. Article 3, § 2, alinéa 2 de la loi du 20 février 1991.
17. Tribunal civil de Bruxelles, 15 juin 1994, J.J.P., 1994, p. 360.
18. Cass., 20 juin 2005, J.L.M.B., 2006, p. 396.
19. Article 3, § 2, alinéa 4 de la loi du 20 février 1991.
20. B. Louveaux, op. cit., n° 156.
21. Doc. parl., Sénat, 1990-1991, n° 1190/2, p. 38.
22. G. Benoit, I. Durant, P. Jadoul, M. Vanwijck-Alexandre, Le bail de résidence principale, Bruxelles, La charte, 2006, p. 173.