Droit commercial général
La vente commerciale (6/7)
La vente commerciale n'est pas définie légalement par le législateur. En principe, la vente commerciale vise toute vente conclue entre commerçants pour les besoins de leurs activités et portant sur des biens corporels, soit des achats pour revendre, soit des achats conclus par les commerçants pour les besoins du fonctionnement de leur entreprise 60.
La vente commerciale est en principe régie par les dispositions du Code civil relative à la vente sous réserve de certaines spécificités compte tenu de son caractère commercial 61.
A cet égard, il faut, outre les règles du Code civil, également tenir compte des sources particulières comme les usages du commerce ainsi que de certaines règles du Code de commerce (preuve par la facture, procédure, etc.) ou encore, au niveau international, de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises 62.
Comme pour la vente civile, une vente commerciale ne peut être conclue que moyennant le consentement des commerçants, parties au contrat, et ce consentement ne peut être vicié 63. Lorsqu'un commerçant exerce son activité en société, il faut dès lors vérifier si la personne physique qui agit pour la société détient bien le pouvoir de représentation. Une vente commerciale peut également avoir lieu par le biais d'un intermédiaire commercial, chargé d'aider à la conclusion du contrat.
Pour être valable, la vente commerciale, comme toute vente, doit porter sur un objet déterminé ou à tout le moins déterminable. La chose doit également être dans le commerce et être licite 64. En pratique, les ventes commerciales portent souvent sur des choses de genre ou des choses futures. De telles ventes sont licites en vertu de l'article 1130 du Code civil mais dans ce cas, le transfert de propriété ne se fera pas au moment de la conclusion du contrat de vente mais sera retardé au moment de la livraison, c'est-à-dire au moment où l'acheteur prend effectivement possession du bien 65.
La preuve de la vente commerciale est soumise aux règles de preuve applicables en matière commerciale. Or, contrairement au droit civil qui réglemente de façon très stricte les modes de preuve c'est le principe de la preuve libre qui est d'application en droit commercial. Tous les modes de preuve sont donc en principe admis 66.
L'article 25 du Code de commerce stipule en effet « qu'indépendamment des moyens de preuve admis par le droit civil, les engagements commerciaux pourront être constatés par la preuve testimoniale, dans tous les cas où le tribunal croira devoir l'admettre, sauf les exceptions établies pour des cas particuliers » 67.
Deux modes de preuve spécifiques au droit commercial s'ajoutent par ailleurs à ceux déjà prévus par le Code civil.
Premièrement, les achats et les ventes peuvent se prouver au moyen d'une facture acceptée. Entre commerçants, la facture prouve donc le contrat de vente 68.
Par ailleurs, compte tenu des obligations comptables très strictes auxquelles sont tenus les commerçants, le législateur a donné à leur comptabilité un statut particulier en matière de preuve. Ainsi l'article 20 du Code de commerce prévoit que « la comptabilité régulièrement tenue peut être admise par le juge pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce » 69.
S'agissant des obligations du vendeur, celles-ci sont identiques à celles prévues dans le Code civil. Le vendeur est tenu à une obligation d'information et à obligation de délivrance des biens vendus. Il doit par ailleurs garantir son acheteur l'éviction et les vices cachés 70.
En cas de défaut de délivrance, les usages commerciaux s'écartent toutefois des sanctions prévues par les articles 1610 et 1611 du Code civil. Deux sanctions spécifiques sont en effet apparues. Premièrement, la réfaction qui consiste en une diminution du prix de vente et vise à sanctionner les manquements légers : les marchandises fournies sont inférieures, en quantité ou en qualité, à ce qui était prévu au contrat 71. Deuxièmement l'acheteur a la faculté, lorsque le manquement est grave, de se fournir les mêmes marchandises, aux frais du vendeur et sans autorisation préalable des tribunaux, auprès d'un autre vendeur 72.
L'acheteur, quant à lui, est tenu à deux obligations principales : l'obligation de prendre possession des marchandises livrées et l'obligation de payer le prix 73.
La plupart du temps, les ventes commerciales sont régies par des conditions contractuelles de vente insérées dans des conditions générales ou dans un contrat standardisé auquel la convention de vente fait référence. Pour pouvoir entrer dans le champ contractuel, ces conditions doivent, d'une part, avoir été portées à la connaissance de l'autre partie, ou à tout le moins qu'elle ait pu en prendre connaissance et, d'autre part, elles doivent avoir fait l'objet d'une acceptation, éventuellement tacite 74.
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60. P. Van Ommeslaghe, « Les spécificités de la vente commerciale », in La vente, Bruges, La Charte, 2002, p. 269.
61. D. Chaval et L. Van de Kerchove, « Quelques ventes particulières », in Manuel de la vente, Kluwer, Waterloo, 2010, p. 484.
62. Convention des Nations Unies du 11 avril 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises.
63. Article 1108 du Code civil.
64. Article 1129 du Code civil.
65. D. Chaval et L. Van de Kerchove, « Quelques ventes particulières », in Manuel de la vente, Kluwer, Waterloo, 2010, p. 489.
66. R. Mougenot « La preuve », in Traité pratique de droit commercial, Diegem, Kluwer, 2009, p. 63.
67. Article 25, al. 1er du Code de commerce.
68. Article 25, al. 2 du Code de commerce.
69. Article 20, du Code de commerce.
70. Article 1603 du Code civil.
71. J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. III, 2e éd., Bruxelles, Bruylant, 1983, n° 685.
72. Chaval et L. Van de Kerchove, « Quelques ventes particulières », in Manuel de la vente, Kluwer, Waterloo, 2010, p. 501.
73. Article 1950 du Code civil.
74. Voy. D. Phillipe et M. Chammas, « L'opposabilité des conditions générales », in Le processus de formation du contrat , CUP, 2004, pp. 189 et s.