Droit commercial général
Le bail commercial (5/7)
En vue de protéger le petit commerçant et son fonds de commerce, dont le bail constitue une composante essentielle, le législateur a adopté une loi du 30 avril 1951 afin de réglementer le bail commercial en lui offrant une protection plus grande que ne le fait le droit commun 43.
L'article 1er de la loi de 1951 précise quels sont les baux qui entrent dans son champ d'application. Il faut être en présence d'un bail portant sur un immeuble ou une partie d'immeuble affecté à l'exercice d'un commerce de détail en contact direct avec le public 44. L'affectation doit être réelle et le fait des parties, ce qui signifie que le bien loué doit principalement servir à l'exploitation d'une activité qui est réellement exercée. Le bailleur doit avoir consenti, expressément ou tacitement à cette affectation. Enfin, le commerce exercé doit entretenir un lien direct avec le public, c'est-à-dire les consommateurs, et non avec une clientèle de professionnels 45.
Le bail commercial est soumis aux conditions de validité des contrats que sont le consentement et la capacité des parties ainsi que l'objet et la cause du contrat 46.
Par contre, contrairement aux baux de résidence principale, le bail commercial ne doit pas nécessairement être constaté par écrit. La tenue d'un acte écrit est toutefois vivement conseillée pour des raisons probatoires. De plus, un bail conclu pour une durée supérieure à neuf ans ou qui contient une quittance d'au moins trois ans de loyer doit être transcrit dans le registre de conservation des hypothèques 47. La passation de l'acte en forme authentique est dans ce cas obligatoire.
En matière de bail commercial, les contrats ont nécessairement une durée déterminée 48. A cet égard, la loi interdit la conclusion d'un bail pour une durée inférieure à neuf années 49. Si les parties n'ont pas prévu de durée ou une durée indéterminée, le bail est réputé avoir été conclu pour neuf ans 50.
Par contre les parties sont libres de conclure un bail pour une durée supérieure à la limite légale de neuf ans. Dans ce cas, la transcription du bail est nécessaire sous peine de voir le bail réduit au temps qui reste à courir de la période de neuf ans en cours 51.
Outre, les modes de dissolution de droit commun, l'article 3 de la loi de 1951 prévoit des possibilités de résiliation anticipée du bail au profit des deux ou d'une seule des parties.
Conformément au principe posé par l'article 1134, alinéa 2 du Code civil, les parties peuvent décider de commun accord de mettre fin au bail commercial moyennant le constat de cet accord dans un acte authentique ou une déclaration devant le juge de paix 52.
Un signe de la protection accordée au commerçant est l'encadrement de la possibilité de résiliation accordée au bailleur. En effet, celui-ci ne pourra mettre fin unilatéralement au bail que dans le respect de trois conditions cumulatives : la faculté de résiliation du bailleur doit avoir été insérée dans le contrat, le congé ne peut être donné qu'à l'expiration de chaque triennat moyennant un préavis d'un an et au motif de l'exploitation commerciale des locaux par le bailleur lui-même ou ses proches 53.
Enfin, la loi reconnaît également au preneur la possibilité de résilier unilatéralement le bail sans motifs à la fin de chaque triennat moyennant un préavis de six mois 54. Cette disposition revêt d'ailleurs un caractère impératif qui interdit tant les clauses qui visent à supprimer cette faculté que celles qui ont pour effet d'en rendre l'usage malaisé ou coûteux 55.
La loi sur les baux commerciaux accorde au preneur un droit de préférence par rapport à toute autre personne pour obtenir le renouvellement du bail. Le contrat peut être reconduit trois fois au plus pour des durées de neuf ans 56. Les parties peuvent convenir de renouvellements d'une durée inférieure à neuf années dès lors que le minimum de neuf ans ne s'applique que lors de la conclusion du bail originaire.
En contrepartie de la durée relativement longue que peut présenter le bail commercial, l'article 6 de la loi de 1951 réserve aux parties la possibilité d'obtenir, sous certaines conditions, une révision du loyer en cours de bail 57. Chacune des parties peut, à l'expiration de chaque triennat, solliciter du juge de paix la révision du loyer pour autant qu'elles établissent que, par le fait de circonstances nouvelles, la valeur locative normale de l'immeuble est supérieure ou inférieure d'au moins 15 % au loyer stipulé dans le bail 58.
Enfin, la loi reconnaît au locataire le droit d'aménager les lieux loués mais soumet l'exercice de ce droit à plusieurs conditions. Premièrement, les travaux réalisés doivent être utiles à l'entreprise du preneur. Deuxièmement, le coût de ces transformations ne peut dépasser trois années de loyer. Troisièmement, la sécurité, la salubrité et l'esthétique du bâtiment ne peuvent être compromises. Quatrièmement, le locataire doit avertir au préalable le bailleur en lui envoyant les plans et devis afin de lui laisser la possibilité de s'opposer aux travaux pour de justes motifs. Le bailleur dispose à cet égard d'un délai de trente jours à dater de la réception de cet avis pour s'opposer à la réalisation des travaux 59.
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43. Loi du 30 avril 1951 insérant dans le Code civil - Livre III _ Titre VIII _ Chapitre II, une section 2bis : Des règles particulières aux baux commerciaux.
44. Article 1er de la loi du 30 avril 1951.
45. Cass., 2 mars 1989, Pas., 1989, I, p. 682 ; Cass., 13 mars 1953, Pas., 1953, I, p. 534.
46. Article 1108 du Code civil.
47. Article 1er, alinéa 2 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.
48. Cass., 14 janvier 2008, R.G. n° C.07.0234.N.
49. Article 3 de la loi du 30 avril 1951.
50. G. Benoit, C. Delforge, P. Jadoul, G. Rommel et M. Vlies, Le bail commercial, Bruxelles, La charte, 2008, p. 57.
51. M. Godhaird, Le bail commercial, Bruxelles, Larcier, 2012, p. 170.
52. Article 3, alinéa 4 de la loi de 1951.
53. Article 3, alinéa 5 de la loi de 1951.
54. Article 3, alinéa 3 de la loi de 1951.
55. Cass., 23 mai 1980, Pas., 1980, I, p. 1177 ; Cass., 2 décembre 1965, Pas., 1966, I, p. 430.
56. Article 13 de la loi de 1951 ; Cass., 7 mai 1981, J.T., 1983, p. 86.
57. Cass., 28 avril 2011, J.L.M.B., 2012/40, p. 1891.
58. Article 6 de la loi de 1951.
59. Article 7 de 6 de la loi de 1951.