La formation du contrat de travail
Le consentement des parties lors de la formation du contrat de travail (3/7)
Après les éventuels pourparlers et la procédure de sélection, la formation du contrat avec le travailleur sélectionné est soumise à plusieurs conditions, dont notamment le consentement des parties. 14
Pour qu’un contrat soit valablement conclu entre un employeur et un travailleur, il faut que ceux-ci aient consenti valablement aux éléments essentiels du contrat de travail. Ces éléments doivent être déterminables au moment de la conclusion du contrat de travail. 15
Bien évidemment, le contrat doit être consenti par les deux parties en leur nom personnel et non via une tierce personne.
En principe l’échange de consentement s’opère au moment de la signature du contrat de travail par les deux parties. Cela étant, l’échange de consentement ne doit pas obligatoirement pour être valable s’opérer au même moment.
Le consentement donné à la conclusion du contrat peut se faire de manière expresse ou tacite. C’est-à-dire soit via la signature du contrat, soit via l’exécution du contrat de travail. 16
Quoi qu’il en soit, la preuve du consentement peut être apportée par toutes voies de droit.
Le droit commun prévoit que le consentement des parties ne doit pas être vicié 17. C’est-à-dire qu’il ne doit pas relever d’une erreur, d’un dol 18 ou de la violence 19. Si tel est le cas, le consentement est considéré comme vicié et le contrat sera réputé nul par les juridictions du travail qui ont été saisies d’une action relative à la nullité du contrat. 20
L’erreur
Le consentement qui serait vicié en raison d’une erreur résulte d’une conception inexacte de la réalité. L’erreur doit être démontrée devant le juge pour obtenir l’annulation judiciaire du contrat de travail.
En outre, l’erreur « n’est une clause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet. Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a l’intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention » 21.
Ce principe est une conséquence du caractère intuitu personae du contrat de travail. En effet, le contrat de travail est conclu en considération de la personne du travailleur. Les conséquences du caractère intuitu personae du contrat sont les suivantes : le décès du travailleur met fin au contrat, le travailleur ne peut se faire remplacer et l’erreur sur la personne est un vice de consentement susceptible d’entraîner l’annulation du contrat.
Par ailleurs, l’erreur doit être substantielle. C’est-à-dire que la partie, sans cet élément, n’aurait pas conclu le contrat de travail. 22 En outre, l’erreur doit être commune aux deux parties. 23 Enfin, pour être une cause de nullité, l’erreur doit être excusable. 24
Le dol
Le dol est « une cause de nullité de la convention, lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé. » 25
Le dol, s’il est prouvé, entraîne la possibilité d’agir en justice pour demander la nullité du contrat de travail. 26
Le dol consiste en des manœuvres passives ou actives qui ont pour objectif d’inciter la partie à contracter. 27
A cet égard, la Cour de cassation, dans son arrêt du 8 juin 1978, a décidé que « la réticence d’une partie, lors de la conclusion d’une convention, peut, dans certaines circonstances, être constitutive de dol, au sens de l’article 1116 du Code civil, lorsqu’elle porte sur un fait qui s’il avait été connu de l’autre partie, l’aurait amené à contracter à des conditions moins onéreuses ». 28
La violence
La violence « exercée contre celui qui a contracté l’obligation est une cause de nullité, encore qu’elle ait été exercée par un tiers autre que celui au profit duquel la convention a été faite ». 29
Pour que la violence puisse entraîner la nullité du contrat de travail, celle-ci doit remplir un certain nombre de conditions énumérées à l’article 1112 du Code civil. Cette disposition prévoit que la violence doit être déterminante du consentement, elle doit être de nature à impressionner une personne, elle doit faire naître une crainte, et, enfin, la violence doit être injuste ou illicite. 30
La violence même causée sur l’époux ou l’épouse de la partie contractante, sur ses descendants ou ascendants, est une cause de nullité du contrat de travail.31
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14. Article 1108 du Code civil.
15. V. Vannes, Le contrat de travail : aspects théoriques et pratiques, Bruxelles, Bruylant, 2003, pp. 117 et suivantes.
16. E. Vogel-Polsky, Droit social, vol. 1, Les rapports individuels du travail, P.U.B., 6e ed., 1988-1989/3, p. 67.
17. C. trav. Anvers, 20 novembre 1991, Chron. dr. soc., 1992, p. 123.
18. T. T., Tournai (2e chambre), 20 octobre 2009, J.L.M.B., 40/201, p. 1921.
19. Article 1109 du Code civil.
20. Cass., 21 octobre 1971, Pas., 1972, p. 174.
21. Article 1110 du Code civil.
22. Cass., 27 octobre 1995, J.T., 1996, p. 61.
23. P. Vam Ommeslaghe, « Chronique 1975 », R.C.J.B., 1975, p. 438.
24. Cass., 20 avril 1978, Pas., I, p. 950.
25. Article 1116 du Code civil.
26. L. Cornelis, « Le dol dans la formation du contrat de travail », note sous Cass., 2 mai 1974, R.C.J.B., 1976, p. 49.
27. Cass., 5 octobre 1967, Pas., 1968, I, p. 161.
28. Cass., 8 juin 1978, J.T.T., 1978, p. 544.
29. Article 1111 du Code civil.
30. H. De Page, Traité, T. 1er, n° 59, édition 1958 ; Cass., 7 novembre 1977, J.T.T., 1978, 45 ; Cass., 28 avril 1980, Pas., I, 1067 ; Trib. trav. Tournai, 8 novembre 1991, J.L.M.B., 1992, p. 809.
31. Article 1113 du Code civil.